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Bien-être et qualité de vie au travail : rien n’est jamais acquis

Les entreprises vont devoir tenir compte des effets de l'usage des technologies sur la santé de leurs collaborateurs. Wavebreakmedia / Shutterstock

La question du bien-être et de la qualité de vie au travail (QVT) n’a jamais été autant d’actualité. Le monde académique s’est pleinement saisi de cette problématique. À titre d’exemple, Academy of Management, la référence en matière de conférences académiques sur le management, a choisi cette année le thème du rôle des organisations dans l’amélioration de la vie des individus. Quant aux entreprises, elles sont confrontées aux nouvelles attentes de leurs collaborateurs : sens, autonomie, reconnaissance et même bonheur. Ceci explique, en partie, pourquoi nous assistons à l’émergence et à la diffusion de pratiques managériales et organisationnelles visant l’amélioration des conditions de travail des salariés.

Plusieurs champs d’action sont possibles, avec des niveaux d’efficacité plus ou moins importants. On observe par exemple un intérêt croissant pour la santé physique des salariés à travers la promotion de programmes de nutrition ou de pratiques saines (sports, lutte contre les consommations addictives). D’autres vont davantage travailler sur l’amélioration des conditions de travail (la possibilité d’avoir des horaires flexibles, la promotion du télétravail ou encore des politiques de conciliation travail – famille entre autres). Enfin, les derniers champs d’action sont ceux dont on sait qu’ils ont le plus d’effets sur la santé, la satisfaction et la perception de bien-être : ce sont les actions qui portent sur le contenu du travail lui-même, en particulier les processus d’évaluation, de récompense ou de reconnaissance. Tous ces éléments sont clairement identifiés, dans les travaux académiques, comme des éléments positifs moteurs du bien-être et de la QVT. Et, indéniablement, les pratiques changent et évoluent dans les entreprises.

Toutefois, le bien-être au travail est un processus de construction et d’amélioration continue. Entreprises, managers et collaborateurs ont donc de nouveaux enjeux à considérer si on aspire à rendre ces sujets pérennes dans la vie des organisations.

Nous avons identifié quatre enjeux en particulier à considérer pour le développement futur de la santé et du bien-être au travail.

Les effets du digital sur la santé physique et mentale

Les outils connectés, les écrans, les supports de digitalisation sont omniprésents dans nos contextes de travail et leur usage n’ira que croissant. En parallèle de cet essor, les résultats de recherches commencent à affluer sur les effets des technologies sur la santé physique et mentale des personnes. Ils soulignent par exemple les conséquences néfastes sur la vue. On sait également que la station assise en continue contribue à générer d’importants problèmes de dos. L’activité devant écran génère donc elle aussi ses propres troubles musculosquelettiques. De même, pour l’instant, on ne sait encore que peu de choses sur les effets des ondes électromagnétiques à long terme.

Les organisations vont donc devoir tenir compte de ces effets sur la santé de leurs collaborateurs, en vertu de leur obligation de sécurité de résultat.

L’effet inattendu d’être une entreprise où il fait « trop bon » travailler

Dans ces environnements de travail où il fait si bon travailler, on observe aussi des effets inattendus à ne pas négliger. Par exemple, les individus qui se trouvent si bien dans leur entreprise vont avoir tendance à y rester plus longtemps et à s’y investir toujours plus. Comme l’avait souligné la sociologue américaine Arlie Hochschild dans son célèbre livre, le travail devient la maison et la maison devient le travail. Cette situation conduit les personnes à développer des comportements d’addictions au travail, ce qui favorise la survenue de situations d’épuisement professionnel.

En conséquence, les managers ont un rôle à jouer dans la façon dont ils peuvent freiner le surinvestissement de certains de leurs collaborateurs. Ils ont également une responsabilité en matière d’exemplarité : un manager qui lui-même ne démontre pas un intérêt pour son équilibre vie professionnelle – vie personnelle en restant systématiquement tard au bureau va envoyer un message négatif à ses équipes.

La délicate question du partage de la valeur créée

Nombre d’études mettent en avant cette relation positive entre bien-être et valeur ajoutée créée en termes de performance globale. Dès lors, ces meilleurs résultats économiques et financiers interrogent sur le partage de cette valeur ajoutée. Comment considérer avec justice et équité la redistribution des profits générés par ces nouvelles organisations du travail fondées sur un engagement plus important des collaborateurs ? On sait aujourd’hui que la perception de justice est un facteur important de satisfaction des collaborateurs. En parallèle des politiques de bien-être, il s’agit donc de considérer des éléments fondamentaux des politiques de gestion des ressources humaines comme, entre autres, la rémunération.

Bien-être au travail et pérennité dans la vie de l’entreprise

Autre enjeu essentiel : l’engagement en matière de QVT dans la durée. Si les projets visant au bien-être reposent sur quelques personnes seulement, le risque est grand de voir la dynamique s’éteindre avec le départ de ces personnes. De même, lorsque l’entreprise connaît une forte croissance et augmente ses effectifs, elle doit s’efforcer de conserver les bonnes pratiques organisationnelles, notamment en matière de proximité entre les managers et les collaborateurs. Par ailleurs, l’image de « bon » employeur a contribué à attirer des talents qui ont participé au succès de l’entreprise. Il s’agit donc de grandir tout en conservant cette QVT qui différencie l’entreprise en tant qu’employeur.

Tous ces enjeux illustrent bien que la QVT se situe dans une perspective d’amélioration continue, mais aussi dans une démarche prospective. C’est essentiel : les entreprises qui réussiront à inscrire ce sujet dans leur ADN et à le rendre pérenne dans leurs pratiques quotidiennes s’inscriront en effet, dans leur futur, comme des employeurs de choix.

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