La toute première cérémonie de remise des diplômes de doctorat de l’Université Paris-Saclay a eu lieu le 1er juillet dernier au Palais des congrès de Versailles. Face au château, en tenue d’apparat ou de cocktail, plus d’un millier de personnes, docteurs, familles, professeurs, ont pris part, visiblement très heureux, à ce cérémonial qui reprend de la vigueur en France.
Un peu plus de la moitié des docteurs qui avaient soutenu depuis la création de l’Université Paris-Saclay ont souhaité participer à l’évènement. Certains sont venus de très loin (Brésil, Iran, Chine…), juste pour l’occasion, parfois avec leur famille. L’ambiance était à la fois joyeuse et solennelle. Un grand moment pour tous mais qui n’allait pas forcément de soi.
En faire ou ne pas en faire ?
Bien avant de s’engager dans sa préparation, nous nous sommes longuement interrogés, au collège doctoral, sur le sens et l’opportunité d’organiser un évènement solennel, selon un rituel quasi millénaire, mais dans un établissement tout nouvellement créé et sans traditions propres, pour des docteurs qui, quand l’université Paris-Saclay a été créée, terminaient déjà la préparation de leur thèse et qui, au moment où se tiendrait la cérémonie, se seraient déjà dispersés depuis plusieurs mois.
L’intérêt « institutionnel » d’une cérémonie de remise des diplômes réussie est bien évident pour un établissement comme l’université Paris-Saclay. C’est un moment fédérateur, qui permet de se retourner sur le chemin parcouru ensemble et de mettre davantage d’humain dans un projet institutionnel complexe. Une cérémonie de remise des diplômes permet de nouer un lien direct avec les diplômés, leurs familles et leurs amis, qui sont les meilleurs ambassadeurs de leur université et de leur diplôme. C’est un événement qui a aussi une grande visibilité et peut contribuer, s’il est réussi, à la promotion des docteurs et de l’établissement.
Encore faut-il que les premiers concernés adhèrent au concept. Car la visibilité est au rendez-vous, en cas de succès comme en cas d’échec. Nous ne nous sommes donc engagés dans son organisation qu’après avoir acquis la conviction qu’une telle cérémonie répondait aux attentes d’une large majorité des docteurs et que l’engouement annoncé était bien réel.
La coutume des cérémonies de remise de diplôme, avec toges, écharpes et toques, avait été abandonnée en France après 1968, mais elle est restée la norme chez la plupart de nos voisins et revient en force aujourd’hui.
Internationalisation
Une des premières raisons est que le niveau doctorat s’est fortement internationalisé depuis les années 1990. Il faut s’en réjouir car l’ouverture internationale est l’une des exigences du diplôme de doctorat et elle est de mieux en mieux remplie. La plupart des docteurs ont eu une expérience de recherche à l’étranger ou sont étrangers, tout comme les chercheurs confirmés qui les forment et les encadrent, étant donné que c’est désormais un prérequis pour le recrutement des chercheurs.
Les communautés scientifiques ont également pris une véritable dimension internationale : il suffit, pour s’en convaincre, de comparer les listes de références bibliographiques de thèses datant d’il y a 30 ans et celles d’aujourd’hui. L’ère numérique a largement ouvert l’espace des échanges internationaux en recherche, et cela va bien au-delà de l’usage des bases de données bibliographiques. Les doctorants se sont largement emparés des nouvelles possibilités d’échanges qui leur étaient ouvertes et leur représentation de ce qu’est un doctorat a profondément évolué, jusqu’aux symboles et aux rituels.
Qu’ils soient français ou étrangers, qu’ils comptent y participer ou non, nos doctorants s’attendent désormais à une cérémonie de remise des diplômes.
Le doctorat, le diplôme d’excellence
Ensuite, le doctorat est un diplôme difficile et dont les exigences s’accroissent. Moins de 2 % d’une classe d’âge accède au doctorat (11 000 doctorats délivrés en 1993 en France, 13 500 en 2014 en France, 15 000 au Royaume-Uni et 25 000 en Allemagne).
S’engager dans la préparation d’une thèse, demande de l’ambition et une certaine confiance en soi : il s’agit de consacrer trois ans de sa vie, sans garantie de réussite, à un sujet complexe dont personne n’a la solution et sur lequel les meilleurs spécialistes ont déjà travaillé. Avec, rappelons-le, l’exigence, pour obtenir le diplôme, de mener des travaux scientifiques originaux, non pas à l’échelle de son laboratoire mais à l’échelle mondiale.
Ce n’est pas un chemin semé de roses. Les doctorants doivent gérer des informations complexes, construire et adapter une stratégie scientifique, sous la direction de leur directeur de thèse et savoir, pendant ces trois ans, surmonter de nombreuses difficultés sans se décourager. Ils doivent, dans une durée qui paraît toujours trop courte, construire puis défendre une vision originale et cohérente, solidement étayée par les travaux réalisés et qui aura passé avec succès l’épreuve du débat critique avec le Jury. On attend aussi d’eux qu’ils publient leurs travaux et les présentent en conférence, qu’ils assurent le lien science société (communication à destination de divers publics, transfert technologique, brevets, etc.).
Le diplôme de doctorat est singulier parce qu’associé à un échange mutuel entre l’établissement d’enseignement supérieur et le diplômé, qui ne connaît pas d’équivalent par ailleurs. Le docteur aura été formé par l’établissement, mais il aura aussi largement contribué à l’activité de recherche et à la production scientifique de celui-ci. C’est souvent autour des doctorants que s’organise l’activité de recherche des laboratoires.
La cérémonie de remise des diplômes permet de reconnaître leur contribution et de les remercier publiquement, comme le ferait toute organisation qui voit partir pour d’autres horizons un collaborateur qui a rempli parfaitement une mission difficile. C’est aussi une occasion, essentielle pour la qualité du doctorat et sa reconnaissance, d’exprimer publiquement ce qui est attendu d’un docteur et de partager la vision de ce qu’est un doctorat dans un établissement.
Un symbole d’universalité et d’intemporalité
Enfin, d’aucuns trouvent un air désuet à la toge et la toque, les qualifiant parfois de déguisements. Soyons sans préjugés et acceptons qu’elles donnent au doctorat un caractère à la fois intemporel et universel. Les couleurs et les coupes des toges sont les mêmes depuis des siècles, à travers le monde, pour les hommes comme pour les femmes. C’est un beau symbole de dépassement de barrières qui s’élèvent partout ailleurs, par ceux qui partagent une manière commune d’aborder les problèmes du monde.