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Ces marques de luxe qui utilisent des contes dans leur communication

En France, le conte merveilleux devint un genre incontournable, notamment grâce à Charles Perrault.

Les marques de luxe sont fascinantes. Je ne parle pas ici des créations artistiques qu’elles nous proposent, ou des taux de croissance insolents que le marché du luxe connaît, quand tant d’autres secteurs semblent souffrir. Non, elles sont fascinantes car, sur bien des points, elles sont à contre-courant des théories marketing classiques.

Quand les produits de grande consommation cherchent à optimiser leur présence sur les étagères des magasins, les produits de luxe se confinent dans la rareté. Investiguer l’univers du luxe, c’est accepter l’idée même que le paradoxe se trouve en son sein : la maison de luxe doit trouver un équilibre subtil entre un besoin vital d’économie et un refus, éthique, du tout économique.

Si ces contradictions ont fait l’objet de nombreuses recherches, il en est une sur laquelle il convient de s’attarder : l’utilisation du conte dans leurs stratégies de communication.

Le conte, un art populaire et un genre littéraire

A priori, rien ne semble choquant dans l’association conte/marque de luxe. En effet, les deux intègrent la même part de rêve, la même part de magie. De plus, la richesse sémiotique du conte peut s’avérer être une source d’inspiration forte pour les marques de luxe ; ces dernières se les appropriant en intégrant une dimension esthétique, voire artistique.

Pourtant, si ces passerelles semblent évidentes, leurs essences divergent profondément : quand les marques de luxe revendiquent leur propre vision du monde et assument leur élitisme, les contes puisent leurs racines dans la culture populaire.

De tradition orale, les contes faisaient partie des temps rythmant la vie des villages. Ainsi, le temps d’une soirée, le conteur devenait la pierre angulaire de la communauté : il savait capter son auditoire et souligner la morale de chacune de ses histoires.

Si nous devions penser en termes marketing, nous pourrions dire que son « repositionnement haut de gamme » s’est produit à la fin du XVIIe siècle, lorsque le conte fut considéré comme un genre littéraire à part entière.

Cette consécration fut le fruit du travail de Charles Perrault qui a su imposer, dans un contexte où les Anciens s’opposent aux Modernes, l’âme populaire française à la cour du Roi-Soleil. Porté à une époque où l’art de la conversation était un exercice des plus prisés, le conte devint un genre incontournable.

Pour le luxe, l’intérêt du conte réside dans sa notoriété

Pourtant, l’apparente dualité conte/marque de luxe peut être levée si nous nous attardons sur la manière dont est gérée la gamme des marques de luxe.

Les produits de luxe peuvent être classifiés en trois catégories : le luxe accessible (à l’image des parfums, le bien est produit en grandes séries), le luxe intermédiaire (le produit est en série limitée, à l’instar de certaines gammes en maroquinerie) et le luxe inaccessible (le produit est confectionné en petites séries, comme les collections de haute couture).

Cette organisation de la gamme induit différentes cibles visées et des stratégies de communication adaptées. Ainsi, si nous observons les campagnes publicitaires déployées par les marques de luxe, nous pouvons noter que les contes sont parfois utilisés dans le cadre d’un luxe intermédiaire, mais souvent lorsqu’il s’agit de parler de luxe accessible.

Prenons le cas de la parfumerie, emblématique d’une utilisation récurrente des contes. De nombreuses marques de luxe, à l’image de Dior pour Midnight Poison ou Chanel pour Numéro 5, optent pour une transposition au plus près du récit.

Dior démystifie la contrainte temporelle imposée à Cendrillon, quand Chanel fait de sa fragrance un révélateur magique de féminité. L’intérêt du conte réside dans sa notoriété auprès d’une cible encline à acheter un produit luxueux abordable. La dimension populaire du conte coïncide donc avec une cible bien plus large et à un produit perçu comme entrée de gamme par la marque.

Si certaines marques de luxes s’appuient sur le conte original, d’autres préfèrent raconter leur propre histoire. Ainsi, Lolita Lempicka redéfinit les codes du genre afin de proposer une narration toute personnelle : les références aux contes sont identifiables mais d’autres éléments sont intégrés afin de personnaliser son discours.

Si la marque peut être définie comme une narration, les marques de luxe se doivent de raconter des histoires car elles créent une forme d’implication émotionnelle. Dès lors, la publicité se meut en un miroir dans lequel se reflètent les aspirations et les rêves du consommateur.

Si de prime abord l’essence de la marque de luxe semble bien éloignée de celle du conte, ce paradoxe peut être levé lorsque nous analysons cette association au travers du prisme de la gestion de la gamme des produits de luxe. En quelques mots, nous pourrions proposer une morale à cette histoire : « Loin de se limiter à d’illusoires différends, l’union conte/marque de luxe profitable l’est souvent ».

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