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Comment associer efficacement cours traditionnels et e‑learning

Lors des séances magistrales, l'enseignant fait émerger ce qui est fondamental et s'appuie sur le suivi à distance pour identifier les points à développer. Katie Morrow/Flickr, CC BY-NC-ND

Le développement des outils numériques et l’accès facilité à la connaissance modifient en profondeur le métier d’enseignant du supérieur. De nombreuses réflexions sur les pratiques pédagogiques sont actuellement menées dans les formations d’ingénieurs.

Pour autant, ces nouvelles pédagogies s’appuient sur des plates-formes qui intègrent les versions numériques des polycopiés et des documents de cours, sans changer réellement les pratiques. Et les enseignants, dans leur grande majorité, manquent de repères et de formations pour élaborer des scénarios d’apprentissage utilisant ces nouveaux outils.

L’expérience menée depuis quelques années à l’EPF, école d’ingénieur, tend à montrer qu’une pédagogie basée sur un apprentissage mixte (blended learning) peut comporter de sérieux atouts, si tant est qu’elle ait été le fruit d’une démarche rigoureuse.

Une formation en présentiel et à distance

Cette pédagogie se définit comme une association de séances de formation en présentiel et de périodes de formation à distance. Elle s’est développée au début des années 2000, grâce à l’évolution des outils numériques.

Le principe de l’apprentissage mixte présente des intérêts évidents, notamment pour une formation de futurs ingénieurs :

  • Elle permet de renforcer l’autonomie. Les étudiants participent à l’organisation temporelle de la formation. Ils peuvent s’entraîner, identifier leurs points forts et leurs points faibles, effectuer des exercices complémentaires ou des auto-tests, échanger sur des difficultés via des forums, etc. Cette autonomie de l’étudiant permet également de renforcer le statut de l’erreur : il peut se tromper, relire une partie de cours, recommencer… sans se sentir en échec.

  • Elle rend l’étudiant acteur de la planification de ses apprentissages. Il est amené à travailler de façon continue, avec seulement quelques contraintes liées à la programmation des séances en face à face.

  • Elle permet d’identifier les difficultés des étudiants et de personnaliser leurs parcours, l’enseignant pouvant visualiser les « profils » avec les erreurs récurrentes et ainsi proposer des retours personnalisés.

  • Elle permet également de centrer les séances en présentiel, sur des processus d’apprentissage de conceptualisation, qui débouchent ensuite sur la résolution de problèmes ; les processus de type « automatisation » pouvant être abordés en autonomie.

L’apprentissage mixte permet d’effectuer des retours personnalisés aux étudiants. Queen’s University/Flickr, CC BY-NC-ND

Une réflexion pour élaborer des scénarios pédagogiques

La démarche d’élaboration est indispensable : elle conditionne la réussite du dispositif. En amont, il est nécessaire d’identifier très clairement les objectifs de formation, puis de détailler ces objectifs en faisant émerger les différents formats de connaissances associés, ainsi que leur niveau de complexité.

En fonction, la stratégie d’alternance des séances peut être mise en place. À titre d’exemple, les connaissances de type automatisme, qui demandent une répétition des tâches, sont parfaitement adaptées à un travail en autonomie. Il en est de même pour des connaissances conceptuelles ou procédurales, dont le niveau de complexité est faible.

Les trois temps de formation d’un tel dispositif (séances en présentiel, périodes d’autoformation, et modalités d’évaluation) doivent être définis et séquencés avec soin.

Exemple de scénarisation d’une formation hybride. Author provided

Le type et le contenu des séances en présentiel

Les séances en présentiel sont de 4 types :

  • Une séance introductive pour expliquer le dispositif pédagogique et ce qui est attendu (objectifs de formation, évaluation, structure de la plate-forme, outils de communication étudiants/étudiants, étudiants/enseignants, modalités de suivi, etc.).

  • Des séances en classe entière, en nombre limité, focalisées sur ce qu’il faut avoir retenu d’un chapitre en termes de savoirs fondamentaux et en termes de savoirs méthodologiques.

  • Des séances de travaux dirigés (TD), souvent associées à des tests courts sur des savoirs fondamentaux. Ces séances commencent systématiquement par une phase participative, avec des questions-réponses sur la partie de cours concernée.

  • Des séances de « devoirs encadrés » (DE), pendant lesquelles les étudiants travaillent en groupe. Ces séances ont lieu à la fin d’un chapitre et conduisent les étudiants à mobiliser des connaissances vues précédemment pour résoudre un problème.

Les outils et les périodes d’autoformation

Des plates-formes pédagogiques Moodle permettent d’organiser le suivi des cours, ici celle du New Zealand College of Appearance Medicine, en Nouvelle-Zélande. Hazel Owen/Flickr, CC BY-NC-ND

Entre chaque séance en présentiel, des périodes plus ou moins longues d’autoformation sont organisées via une plate-forme pédagogique « Moodle ». On y trouve :

  • Des vidéos courtes dédiées (ne dépassant pas 5 minutes) et centrées sur une notion essentielle : explication d’un principe, démarche d’application, technique de résolution, outils mathématiques à maîtriser, expérience, etc.

  • En regard de chaque vidéo, des auto-tests dédiés permettent à l’étudiant de s’assurer qu’il a bien compris les notions présentées. Ces auto-tests, souvent simples, renvoient à la lecture de la vidéo correspondante.

  • Des auto-tests basés sur des exercices standards. Ici, la mise en situation est inexistante ou réduite au minimum, l’objectif étant d’appliquer une formule ou une technique de détermination. Pour être efficaces, ces auto-tests nécessitent un ou plusieurs retours, afin que l’étudiant ne soit pas découragé, qu’il comprenne pourquoi il n’a pas réussi et qu’il surmonte la difficulté.

  • Des ressources complémentaires mises à la disposition des étudiants. Ces ressources (synthèses, exercices résolus, etc.) sont parfois élaborées par l’enseignant « au fil de l’eau » (demande spécifique).

Une évolution nécessaire du travail de l’enseignant

Pendant les séances, le positionnement de l’enseignant évolue. Jeremy Wilburn/Flickr, CC BY-NC-ND

L’élaboration, puis la mise en œuvre d’un tel dispositif pédagogique, conduisent l’enseignant à faire évoluer ses pratiques. L’articulation des périodes de formation n’est pas un simple empilage de séances, mais demande une réelle réflexion en amont sur les différents types de connaissances (procédurales, conceptuelles, automatismes, etc.).

C’est la déclinaison précise des objectifs de formation et des difficultés attendues qui permettent d’élaborer les vidéos ciblées, les auto-tests, et les autres supports de formation. Ce travail de préparation complexe et conséquent ne dépend pas directement du mode d’apprentissage ; la richesse de la pédagogie de l’apprentissage mixte offre des outils supplémentaires et permet d’étendre le champ des dispositifs pédagogiques que l’enseignant peut mobiliser.

Mise en œuvre et suivi de la formation

Pendant les séances, le positionnement de l’enseignant évolue fortement :

  • Pendant les séances magistrales, l’enseignant ne dispense pas son cours de façon linéaire. Il fait émerger ce qui est fondamental et s’appuie sur le suivi à distance pour identifier les points à développer.

  • Pendant les TD et les devoirs encadrés, il crée du lien avec la partie effectuée à distance en revenant sur les difficultés et en faisant émerger l’essentiel. Le dispositif permet un accompagnement des étudiants efficace par l’intermédiaire du suivi personnalisé sur la plate-forme. Ce suivi doit être régulier car il permet à l’enseignant d’adapter les séances en présentiel (remédiations) et d’identifier les étudiants en difficulté (parcours spécifique).

Des modes d’apprentissages différents pour les étudiants

Le changement est tout aussi important pour les étudiants. Peu habitués à travailler en autonomie (en ayant à disposition un certain nombre de ressources), ils ont besoin d’être accompagnés sur ces nouvelles modalités d’apprentissages.

Les sondages réalisés tous les ans auprès des étudiants et les réunions bilan font émerger principalement trois obstacles aux pédagogies mixtes :

  • Le manque de temps d’assimilation pour certains étudiants, pendant les phases d’autoformation.

  • Le conservatisme des étudiants.

  • La nécessité de définir des objectifs précis et de mettre à disposition des éléments de synthèse.

Que conclure ?

L’enseignant ne peut plus ignorer les pédagogies basées sur un apprentissage mixte (blended learning), notamment dans l’enseignement supérieur. Il devra les utiliser et alors, modifier ses pratiques et mener une réflexion nécessaire sur ces nouveaux objets d’apprentissage.

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