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Comment la jeunesse de sa population peut expliquer le faible nombre de morts du Covid-19 en Afrique

Des lycéens portent des masques faciaux devant leur école le 25 mai 2020, à Abidjan. Issouf Sanogo/AFP

Le 19 mars 2020, 20 jours exactement après la confirmation du premier cas du Covid-19 en Afrique subsaharienne, le directeur de l’OMS déclarait que l’Afrique devait « s’attendre au pire ». Cette assertion se basait sur le constat que l’état des systèmes de santé des pays africains ne permettrait pas de répondre efficacement à la pandémie. À ce jour, cependant, le continent africain compte pour à peine 2 % des cas confirmés dans le monde, et moins de 1 % des décès. Même si la limitation du nombre de tests ne permet pas d’estimer la prévalence de la maladie en Afrique, ces statistiques remettent en cause les prévisions alarmistes et apocalyptiques d’un effet ravageur de la pandémie dans le continent, notamment dans sa partie subsaharienne.

Le Covid-19 : une pandémie liée à la structure par âge des populations

Les données des premiers pays affectés montrant une létalité de la maladie concentrée chez les personnes âgées d’au moins 60 ans et une quasi-absence de mortalité chez les moins de 20 ans, les démographes ont posé l’hypothèse d’une évolution différentielle de la pandémie selon la structure par âge des populations. Celle-ci suggérait qu’avec une population d’un âge médian de 18,7 ans, une espérance de vie à la naissance de 60,5 ans et une proportion de personnes âgées de plus de 60 ans de seulement 4,8 %, la pandémie aurait une faible incidence en Afrique.

Pourtant, ce potentiel atout de sa jeunesse a été systématiquement battu en brèche avec le postulat que les endémies affectant le continent comme la malnutrition, le paludisme, le VIH et la tuberculose, de par la baisse de l’immunité qu’elles induisent, augmentent nécessairement la vulnérabilité de la jeunesse africaine au Covid-19

Alors que les prédictions d’une flambée tardive de la maladie sur le continent persistent, les données empiriques collectées sur le Covid-19 au Burkina Faso aident à faire évoluer le débat sur la progression particulière de la maladie que l’on y observe.

Quelle relation entre l’âge et la propagation du Covid-19 au Burkina Faso ?

Notre étude en cours de rédaction (« L’effet de l’âge sur le taux de létalité du Covid-19 au Burkina Faso » par Madeleine Wayack Pambè, Bruno Lankoande et Seni Kouanda) met en évidence l’effet de l’âge sur le taux de létalité du Covid-19 au Burkina Faso. Le pays a enregistré son premier cas de Covid-19 le 9 mars 2020. À la date du 17 mai, il cumulait 806 cas positifs (dont 508 hommes et 298 femmes) et 52 décès. À l’instar du reste du sous-continent subsaharien, la population du pays est jeune, avec un âge médian estimé à 17,6 ans et une espérance de vie à la naissance de 60,9 ans.

Conformément à ce qui est observé dans les pays occidentaux, les risques d’hospitalisation et la létalité dus au Covid-19 sont étroitement liés à l’âge au Burkina Faso. Sur 604 cas positifs (dont 50 décès) analysés, 1,8 % avaient moins de 20 ans, et aucun décès n’avait été enregistré au sein de cette population.

L’essentiel des décès (66 %) a eu lieu chez les personnes âgées de 60 ans et plus. La moyenne d’âge augmente avec la gravité de la maladie. Elle est de 40 ans chez les non-hospitalisés, de 50 ans chez les hospitalisés, et de 64 ans chez les personnes décédées. On note que la moyenne d’âge des personnes décédées est beaucoup plus basse que celle observée ailleurs – 81 ans en Italie et 79 ans en France par exemple. Elle reflète ainsi la structure de la mortalité du pays, qui compte peu de personnes vivant au-delà de 64 ans. Les analyses statistiques préliminaires montrent que l’effet de l’âge sur la létalité du Covid-19 demeure déterminant, après le contrôle par les facteurs de risque connus de la maladie dont le sexe et les maladies cardio-vasculaires y compris l’hypertension, le diabète et les maladies rénales.

En limitant l’analyse aux personnes hospitalisées pour lesquelles les facteurs de risque sont disponibles, on observe une létalité cinq fois plus élevée chez les personnes âgées de plus de 60 ans, comparativement aux moins de 40 ans. La différence de létalité entre les moins de 40 ans et le groupe d’âge 40-59 ans est modeste. Le diabète et les maladies cardio-vasculaires sont également des facteurs de risque, mais une analyse par groupe d’âge indique que leurs effets sont plus visibles dans le groupe d’âge 40-59 ans. Globalement, donc, l’âge est le facteur le plus déterminant de la létalité du Covid-19 au Burkina Faso.

Après plusieurs semaines de fermeture, les élèves ont repris le chemin de l’école le 11 mai dernier au Bénin. Yanick Folly/AFP

La jeunesse de sa population : un solide rempart contre le Covid-19 en Afrique

Les premières données analysées du Covid-19 au Burkina Faso confirment ainsi que les schémas par âge de la létalité de cette maladie ne diffèrent pas de ceux des pays occidentaux. Malgré l’absence de données sérologiques permettant de connaître la prévalence de la maladie dans la population générale, on peut avancer qu’à contagiosité égale à celle de l’Europe, les populations africaines, qui comptent peu de personnes âgées, développent moins de cas symptomatiques et sévères et, conséquemment, connaissent moins de décès.

Les facteurs de comorbidité – présence d’autres maladies ou pathologies s’ajoutant à la maladie initiale – particuliers envisagés pour le continent ne contribuent pas non plus à la propagation de la maladie. Le paludisme et la malnutrition (sous-nutrition) touchent essentiellement les enfants de moins de 5 ans qui ne sont que très peu susceptibles d’être contaminés par le Covid-19. Par ailleurs, l’évolution de la pandémie dans certains pays africains très affectés par le VIH et la tuberculose tels que l’Afrique du Sud semble indiquer que les progrès dans le traitement des patients font que ces pays ne sont pas particulièrement plus « à risque ».

Si l’Afrique doit payer un lourd tribut sanitaire à la pandémie, ce sera certainement dû à d’autres effets indirects, tels que la baisse du recours aux soins et le relâchement de certaines politiques en faveur de la santé de la mère et de l’enfant. Pour le moment, elle résiste mieux, grâce en grande partie à la structure par âge de sa population composée majoritairement de jeunes.

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