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Comment la réalité virtuelle peut aider les sportifs

La réalité virtuelle peut être très intéressante dans le cyclisme. Fourni par l'auteur

Depuis quelques décennies seulement, des méthodes d’entraînement se développent pour se centrer sur la plasticité, c’est-à-dire la modification, du système nerveux en vue d’améliorer la performance motrice. Certaines impliquent l’usage de technologies qui vont s’avérer être un très bon stimulant. Parmi celles-ci, la réalité virtuelle (Virtual Reality, VR) tient une place de plus en plus importante. La VR consiste en la simulation par ordinateur d’un environnement tridimensionnel avec lequel une personne peut interagir de manière apparemment réelle ou physique, à l’aide d’un équipement électronique spécial tel qu’un casque avec deux écrans intégrés (un par œil). Aujourd’hui bien développée pour des applications de loisirs, voyons comment elle peut nous permettre d’optimiser la prise en charge d’un entraînement, que ce soit celle d’un patient ou d’un sportif de haut niveau.

La VR est utilisée pour simuler des situations réelles tout en restant dans un contexte sécuritaire, comme pour entraîner les futurs chirurgiens à pratiquer des opérations délicates ou chez des patients pour simuler des mouvements difficiles à effectuer et/ou varier les environnements de pratique tout en restant en milieu hospitalier, par exemple dans le cadre de la rééducation. Quel que soient le type de population et le type d’intervention, la grande majorité des auteurs s’accorde à dire que la VR accroît les bénéfices de la pratique physique. Essayons de comprendre l’effet que peut avoir la VR sur un individu dans ses différentes dimensions associées à la performance.

Effets cardiovasculaires

En plus des évaluations subjectives de l’état psychologique, l’enregistrement des réactions physiologiques des sujets a également montré des changements significatifs lors de l’utilisation de la VR. L’une des mesures phares utilisée en VR est l’activité électrodermale, qui est une mesure classique de l’effet d’une situation stressante sur un individu. À l’image des détecteurs de mensonges, les appareils mesurent la conductance de la peau, qui est directement liée à la sudation. Celle-ci augmente instantanément au moindre stress vécu. Ainsi, être immergé dans un grand huit en VR induit immédiatement une réponse importante de stress, démontrée par le ressenti subjectif des individus, mais aussi par leur réaction physiologique, telle qu’une augmentation de la fréquence cardiaque ou bien sûr de la réponse cutanée.

Une utilisatrice de VR teste un système qui simule le vide sous ses pieds pour lutter contre le vertige. Fourni par l'auteur

La VR est donc un stresseur naturel pour notre système nerveux autonome, qui contrôle les fonctions vitales du corps (fréquence cardiaque, respiration, etc.). S’appuyant sur ce fait, des applications professionnelles proposent de se préparer à un entretien d’embauche en le simulant virtuellement, ou encore d’appréhender son arachnophobie en étant confronté à des araignées virtuelles. Dans le sport, la VR est utilisée aussi pour appréhender certaines situations stressantes tout en restant en sécurité, telle qu’une descente en cyclisme à pleine vitesse. La VR peut également servir à simuler l’ambiance d’une compétition (bruit, public, musique), facteur de stress important qui met souvent à mal la performance sportive, pourtant répétée des milliers de fois au calme à l’entraînement.

Effets sur les fonctions cognitives

La VR semblant être un fort stimulant pour les fonctions cérébrales, nous nous sommes posé la question de son efficacité si utilisée de manière chronique sur les performances de notre cerveau. Nous avons mené au laboratoire C3S de l’Université de Franche-Comté une expérimentation visant à tester les effets d’un entraînement en VR couplé à de l’exercice physique sur les fonctions de mémorisation, d’inhibition ou encore d’attention de notre cerveau.

Associer un jeu vidéo, virtuel ou non, à de l’exercice physique est appelé de l’« exergame ». Ainsi, est-ce que jouer en VR est bénéfique pour nos capacités cérébrales ? La réponse est oui. Après un entraînement de seulement 5 jours, à raison de 15 minutes par jour, l’usage d’un exergame virtuel (tel qu’un jeu de danse), permet d’augmenter des performances spécifiques de notre cerveau, telles que le temps de réaction, l’inhibition ou la capacité d’observation. Le jeu utilisé ici consistait à couper des petits cubes projetés face au joueur à plus ou moins grande vitesse et à différents endroits, à l’aide d’un sabre dans chaque main, le tout en évitant d’autres projectiles (bombes). Il implique donc des gestes précis et rapides, associés à une analyse fine des objets et des choix à faire en un temps très court (dois-je couper ou éviter ?). A contrario, pratiquer la même quantité d’activité physique seule (15min par jour pendant 5 jours de mouvements similaires, mais sans l’immersion et le jeu), n’a donné aucun résultat sur ces mêmes fonctions. La plus-value d’un jeu en VR sur les effets cognitifs de l’exercice ici est sans appel. Ces résultats peuvent être expliqués par le côté ludique et la stimulation visuelle supplémentaires apportés par la VR.

Effets sur le système moteur

Outre les fonctions cognitives, lorsqu’il s’agit d’utiliser une telle technologie en entraînement ou en rééducation de la fonction motrice, il vient la question de savoir si les effets peuvent aussi s’étendre sur le système neuromusculaire (qui commande les mouvements). À ce sujet, les études par électroencéphalographie (EEG) ont donné des résultats variés. Si la VR est connue pour induire une activation cérébrale importante au niveau des régions sensorielles, ce phénomène est peu étudié au regard du système moteur (voie motrice de l’aire motrice cérébrale aux neurones moteurs de la moelle épinière). Il existe quelques rares études sur le sujet, réalisés lors de situations très spécifiques. Par exemple, la VR permettrait de faciliter l’apprentissage moteur de séquences de mouvements des doigts réalisés virtuellement, ou aiderait à stimuler le système moteur en complément d’une rééducation classique post-AVC.

Ainsi, la question de savoir dans quelles mesures la réalité virtuelle peut activer le système moteur et, plus particulièrement, si elle peut affecter la performance neuromusculaire, reste ouverte. De récents résultats sont en revanche très prometteurs. Nous avons par exemple montré qu’une chute simulée virtuellement faisait varier l’activité réflexe du mollet de la même manière que lors d’une vraie chute. L’activité réflexe (telle que testée par le médecin grâce à une frappe du tendon avec un petit marteau), est cruciale pour le contrôle de la motricité. Cette dernière étant gérée par la moelle épinière, cela montre qu’une situation virtuelle peut induire une modulation qui va bien au-delà du cerveau. Le cerveau n’est donc pas le seul dupé par la simulation virtuelle… mais bien une large partie du système moteur. Ces résultats offrent des perspectives prometteuses pour l’utilisation de la VR sur l’entraînement des fonctions motrices. Plus particulièrement, cette dernière étude montre que les activités sportives qui impliquent des sauts ou de la course, mouvements pour lesquels l’activité réflexe des jambes est primordiale, pourraient largement bénéficier de la VR. La pratique intensive des sauts à l’entraînement étant très traumatisante, notamment pour les articulations, la VR permettrait d’augmenter les effets de l’entrainement sans toutefois augmenter la charge de travail physique.

Recommandations pratiques

Séduit par l’idée d’utiliser la VR dans un cadre d’entraînement ? Voici quelques trucs et astuces pour que l’expérience se déroule au mieux et soit surtout efficace. Les effets de la VR sont par exemple très dépendants de la réceptivité de l’individu à cette intervention. La manière dont une personne réagit et interagit avec les divers environnements virtuels dépend ainsi d’un certain nombre de caractéristiques technologiques et psychologiques.

Le degré d’immersion est par exemple déterminé par les caractéristiques technologiques de la VR telles que la résolution, la fréquence d’images, ou encore le champ de vision. Ainsi, il est prouvé que des graphiques plus réalistes dans un environnement virtuel ont un effet positif sur l’immersion.

Prêtez donc attention aux caractéristiques des appareils que vous utilisez, en prenant par exemple le plus grand champ de vision (Field of View, ou FOV : 100° étant le minimum pour avoir une meilleure immersion), un bon taux de rafraichissement (refresh rate, 60 Hz étant la norme pour voir une image fluide, mais plus élevé est encore mieux). Le poids du casque peut aussi avoir son importance, pouvant être lourd à porter sur du long terme.

Certains individus ont une meilleure propension à réagir à la VR : avoir une capacité à s’immerger dans des contextes variés, une capacité à ignorer les distractions, le sentiment d’être “captivé”. Cette caractéristique, qu’on appelle « le sentiment de présence », s’évalue habituellement par questionnaire.

Un autre facteur très important est l’ampleur de la stimulation sensorielle. L’effet d’immersion est plus grand dans le cas d’une stimulation simultanée d’un plus grand nombre de systèmes sensoriels, de la correspondance des stimulations de différentes modalités et son intensité. Faire correspondre la position de l’individu avec la situation simulée permet par exemple d’avoir des retours sensoriels proprioceptifs congruents avec la stimulation visuelle générée par la VR (par exemple être assis pour un grand huit virtuel). La possibilité de naviguer librement dans l’environnement virtuel et d’interagir avec des objets virtuels (systèmes à 6 degrés de liberté, ou DoF : degrees of Freedrom), lorsqu’ils sont modélisés de manière réaliste, contribue aussi grandement au sentiment de réalisme.

Quelles contre-indications ?

Outre les contre-indications inhérentes aux contenus diffusés (comme certaines vidéos ou jeux vidéos), tels que la sensibilité visuelle voire l’épilepsie si le contenu contient trop de flashs lumineux, il existe un trouble bien particulier qui est spécifique à la VR. La cybercinétose (ou « cybersickness », en anglais), est le fait de ne pas tolérer la réalité virtuelle, d’en ressentir des nausées ou des vertiges. C’est un trouble sensoriel qui est en fait la version 3.0 du mal de mer (« cinétose » du coup). La cybercinétose résulte de conflits sensoriels entre la vision et le système de l’équilibre (le système vestibulaire dans l’oreille interne). Ainsi, percevoir des mouvements qui ne correspondent pas aux mouvements réels du corps peut générer ce genre de trouble chez certains individus particulièrement sensibles.

La VR semble un outil très puissant pour stimuler à la fois le système cardiovasculaire, les fonctions cognitives et le système moteur. Ajoutée à l’exercice, elle permettrait par exemple d’augmenter les sollicitations cognitives, tout en rendant l’effort plus ludique. Cela résulterait en des gains significatifs sur certaines performances. Vous l’aurez compris, dans « réalité virtuelle », il y a « réalité » : plus les effets de la VR sont réalistes plus les gains seront grands. Associer à la VR des stimulations sensorielles qui correspondent à la situation stimulée permettrait aussi grandement d’augmenter le sentiment de réalisme. Par exemple, faire du vélo virtuel, tout en étant sur un vélo d’appartement avec un ventilateur face à nous qui simule le vent…

Attention toutefois à l’utiliser avec parcimonie, pour éviter les troubles divers ! Comme toute technologie, elle ne doit pas se substituer à l’exercice réel si celui-ci est possible, mais être un complément manipulé avec intelligence. Par exemple, même si très réaliste en réalité virtuelle, rien ne vaut une vraie promenade en forêt…


Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.

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