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Comment les obligations vertes peuvent-elles gagner en légitimité ?

Les acteurs du monde de la finance doutent encore des avantages offerts par ces titres au processus d’acquisition complexe.

Les acteurs financiers pourraient-ils davantage participer à la transition écologique grâce au marché des obligations vertes ? Quels obstacles peuvent être identifiés et comment les lever ? C’est ce à quoi une étude, que nous avons récemment publiée dans le numéro spécial « Green and sustainable finance » du Journal of Risk and Financial Management, tente de répondre.

Le marché des obligations vertes a vu le jour en 2007 avec l’émission par la Banque européenne d’investissement d’un premier titre climatiquement responsable (un « Climate Awareness Bond »). L’année suivante, c’est la Banque mondiale qui a émis sa première obligation verte. Celle-ci était libellée en couronnes suédoises (SEK) pour un montant total de 2,7 milliards de couronnes, avec un coupon de 3,5 %, une échéance de six ans et une notation de triple A.

Entre 2008 et 2012, la croissance du marché des obligations vertes apparaît d’abord plutôt timide. Elle est ensuite devenue exponentielle, passant de 2,6 milliards de dollars en nouvelles émissions en 2012 à 258,9 milliards en 2019 selon la Climate Bond Initiative. Néanmoins, cette croissance ne traduit pas pleinement le potentiel de ce marché prometteur, puisque les obligations vertes représentent à peine 2 % du total des émissions de dette.

Pour comprendre les éléments qui limitent le développement de ce marché, onze experts, dont des investisseurs, des émetteurs d’obligations et des intermédiaires financiers, ont été interrogés par nos soins. L’objectif était de répondre à tout un ensemble de questions portant sur la nature de ces obstacles, leur perception par rapport à leur réalité mais aussi sur les processus actuels pour émettre des obligations vertes, leur accessibilité pour financer l’investissement durable et les risques qui y sont associés et, enfin, sur le rôle des décideurs publics.

Difficultés opérationnelles

À partir de l’analyse de données primaires et secondaires, nos travaux mettent en évidence cinq explications possibles pour justifier la faible part occupée pour l’heure par les obligations vertes.

Une incertitude plane, tout d’abord, dans les discours de la plupart des acteurs interrogés quant aux avantages que présentent ces titres. Leur émission reste souvent vue comme étant associée à des coûts plus élevés et à des processus complexes. Le manque de standardisation, malgré des améliorations substantielles entre les normes existantes, demeure ainsi un obstacle majeur. En outre, le marché des obligations vertes paraît encore relativement jeune, et demande encore à faire ses preuves. Enfin, selon toutes les parties prenantes le risque de greenwashing persiste, celui que ces titres ne soient émis que pour se donner une image écologique pourtant éloignée de ce qui survient en pratique.

L’importance accordée à chacun de ces facteurs varie selon les acteurs. Pour les émetteurs, trois raisons principales contribuent à expliquer leur réticence : les obligations vertes ne présentent pas un taux d’intérêt préférentiel ; ils peinent à identifier des projets verts à financer ; et ils attestent aussi des risques élevés de greenwashing.

Pour les investisseurs, les principaux freins résident dans l’absence de normes harmonisées, un niveau élevé d’exigences et des problèmes de liquidité de cet instrument. Quant aux institutions financières, elles doivent également faire face à des problèmes opérationnels et de gestion, avec un besoin d’expertise dédié pour accompagner leurs clients sur l’émission d’obligations vertes.

Changement de paradigme

Sur la base de ces observations, nous formulons quatre axes de recommandations pour accélérer le développement du marché des obligations vertes.

En premier lieu, les efforts de standardisation doivent être poursuivis pour attirer un plus grand nombre d’émetteurs et d’investisseurs. Deuxièmement, la transparence et la divulgation publique d’informations doivent être renforcées en exigeant des procédures de mesure d’impact et de reporting, avec notamment la promotion du cadre de la Taskforce for Climate-related Financial Disclosures.

De plus, contre le risque de greenwashing, il semble important de distinguer les obligations vertes d’autres instruments, tels que les obligations de transition ou les instruments de la finance durable, la multiplication des labels pour les produits durables nuisant à la clarté et à la crédibilité des obligations vertes. Enfin, les investissements dans les économies émergentes constituent une vraie opportunité pour accroitre le marché des émissions vertes.

Le développement de ce marché marque un changement de paradigme sur la capacité des acteurs financiers à participer à l’économie réelle et à la transition énergétique. Grâce à un effort coordonné, et impliquant l’ensemble des acteurs politiques et financiers, ce marché peut acquérir une vraie légitimité. Cela permettra de réduire les coûts de transaction et d’attirer plus d’émetteurs, en particulier les plus petits. De tels efforts permettront aussi de renforcer la confiance sur ce produit, attirant ainsi un plus grand nombre d’investisseurs appartenant à des secteurs et des géographies variés.


Pauline Deschryver, Associate Investment Officer chez IFC (International Finance Corporation), a co-rédigé cet article et le travail de recherche sur lequel il s’appuie.

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