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jeune homme à vélo
L’organisme Cyclo Nord-Sud a mis sur pied, en 2023, le projet pilote Construis ton vélo!. (Shutterstock)

Comment un simple vélo peut changer la vie des jeunes en milieu défavorisé

Notre état de santé dépend en partie de nos modes de déplacement. Le temps que l’on consacre à nos trajets en vélo, en voiture ou en transport en commun peut en effet avoir un effet positif ou négatif sur notre santé physique et mentale.

Or, l’organisation de notre quartier favorise certains modes de transport plus que d’autres.

C’est le cas du quartier Saint-Michel à Montréal, dont la planification urbaine est centrée sur la voiture. De plus, il s’agit de l’un des quartiers les plus défavorisés du Québec. Ainsi, les personnes qui ne possèdent pas de voiture dépendent des transports publics, ce qui leur impose des trajets plus longs et plus éprouvants.

Les nombreux obstacles aux déplacements dans Saint-Michel. (Célia Kingsbury), Fourni par l’auteur

En raison d’une circulation mal adaptée et dangereuse pour les déplacements actifs, le vélo est le grand absent des modes de transport dans Saint-Michel. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour les habitants, puisque ce mode de transport favorise la participation sociale et présente de nombreux bénéfices pour la santé physique et mentale.

C’est dans cette visée que l’organisme Cyclo Nord-Sud a mis sur pied, en 2023, le projet pilote Construis ton vélo !, lauréat de l’Incubateur civique de la Maison de l’innovation sociale.

Il s’agit d’un programme parascolaire offert aux jeunes d’une école secondaire du quartier Saint-Michel, encadré par des bénévoles responsables, soit leur professeur d’éducation physique et un coach en mécanique. Les élèves ont été amenés à construire leur vélo de A à Z en binôme pendant 18 semaines. Ils ont donc terminé le programme avec, en poche, un vélo assemblé et de multiples connaissances pratiques en mécanique vélo.

Notre équipe de chercheurs en kinésiologie du département des sciences de l’activité physique de l’UQAM a collaboré avec Cyclo Nord-Sud pour comprendre les effets du projet du point de vue des participants. Concrètement, nous avons mené des groupes de discussion avec les élèves et analysé ce qui a été exprimé. Ce travail a d’ailleurs fait l’objet d’une publication académique dans la revue Santé Publique.

L’approche humaine et le sentiment d’accomplissement

Une retombée importante du programme est le sentiment de fierté et d’accomplissement. Ces sentiments, nourris par les relations que les jeunes ont entretenues avec les bénévoles encadrants, ont permis d’instaurer un climat d’apprentissage agréable non seulement entre les élèves, mais aussi avec le coach mécanique et l’enseignant.

Par exemple, un des jeunes exprimait avoir ressenti de la fierté lors des ateliers :

Tout ce que je fais ici j’étais fier […] t’es tout le temps en train d’avancer et j’étais tout le temps près de finir mon vélo, j’étais fier de ça.

Ajustement des vitesses d’un lors de l’un des ateliers. (Célia Kingsbury), Fourni par l’auteur

Un environnement d’apprentissage bienveillant

Les jeunes ont souvent évoqué la différence entre être dans une salle de classe ou à l’école en général. L’ambiance plus libre des ateliers s’opposait ainsi à l’atmosphère scolaire plus rigide.

Ils ont également souligné l’effet relaxant des ateliers, et son rôle parfois thérapeutique. Le fait que ce soit une activité parascolaire pourrait expliquer le sentiment de bien-être exprimé par les jeunes.

Un participant exprimait d’ailleurs l’effet positif de l’attitude des bénévoles encadrants :

Ce que j’apprécie aussi, c’est qu’il (l’enseignant) était là pour nous soutenir […] tu te sens pas inférieur et il est là pour t’aider, mais en même temps il est là pour apprendre avec toi, c’est ça que je trouvais très important.

En pleine action lors d’un atelier donné à l’école. (Célia Kingsbury), Fourni par l’auteur

Faire les choses pour soi, pas pour un vélo

Les jeunes ont soulevé qu’avant de débuter le programme, leur motivation principale à y participer était d’avoir un vélo gratuit.

Or, leur motivation à se présenter aux ateliers a évolué au fil du temps : au-delà du vélo, l’ambiance agréable leur donnait envie de revenir chaque semaine.

Un jeune témoigne d’ailleurs qu’il revenait chaque semaine, car il avait toujours du plaisir pendant des ateliers :

Moi, je dirais au début, c’était compliqué […] on savait pas beaucoup de choses […] mais y’avait la plupart de nos amis qui étaient là […] et ça veut dire que je savais que quand j’allais arriver ici, j’allais rigoler et m’amuser.

Être plus autonome pour bouger

Plusieurs jeunes ont soulevé certaines difficultés à se déplacer en transport en commun, souvent dû au fait qu’ils habitent loin des lieux fréquentés.

En effet, les participants ont rapporté que les horaires d’autobus du quartier sont complexes et que les trajets sont longs.

Leur nouveau vélo est alors devenu un élément essentiel qui contribue positivement à leur autonomie de déplacement. Ils ont aussi identifié le vélo comme étant un moyen de favoriser leur participation sociale et leurs opportunités de participer à diverses activités.

À la question Qu’allez-vous faire de votre vélo maintenant ?, l’un des jeunes a répondu :

Je sais que ça va m’être utile parce que je travaille pas loin, et ça peut me permettre de m’y rendre pendant l’été, de me prendre moins de temps, ou même d’aller au parc si j’ai envie, c’est utile dans la vie de tous les jours.

Le programme Construis ton vélo désire se développer à plus grande échelle au Québec (sous réserve de financements) et s’améliorer.

À travers cette initiative, le vélo permet de réunit l’éducation et la santé. Et les participants gagnent en autonomie ainsi qu’en compétences.

Gageons que ce genre de programme, combiné à davantage d’infrastructures cyclables agréables et sécuritaires, pourrait contribuer à la santé et au bien-être de tout un chacun.

Alignement de la roue. (Célia Kingsbury), Fourni par l’auteur

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