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Quatre cerfs du père David (Elaphurus davidianus), également connus sous le nom de milus, dans une zone humide près de la réserve naturelle nationale de Dafeng dans la province de Jiangsu, en Chine. He Jinghua/VCG via Getty Images

COP15 : quel rôle pour la Chine, qui préside l’événement, dans la préservation de la nature ?

Pendant que le monde décortique les résultats de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques qui s’est tenue en Égypte, des négociateurs se réunissent à Montréal pour fixer des objectifs concernant l’autre crise de la planète : la disparition des espèces vivantes.

À partir du 7 décembre, les 196 nations qui ont ratifié la Convention des Nations unies sur la diversité biologique tiendront leur 15e Conférence des parties, ou COP15. La Convention, qui a été adoptée lors du sommet de la Terre de 1992 à Rio de Janeiro, vise à promouvoir le développement durable en protégeant la biodiversité, c’est-à-dire la variété de la vie sur Terre, qu’il s’agisse de gènes ou d’écosystèmes entiers.

De nos jours, les experts s’accordent pour dire que la biodiversité est en danger. Les activités humaines – notamment la chasse excessive, la surpêche et la modification des sols – causent la disparition des espèces à un rythme 50 à 100 fois supérieur au rythme historique. Les Nations unies appellent ce déclin une « crise de la nature ».

La rencontre devait se tenir initialement à Kunming, en Chine, en 2020, mais a été reportée en raison de la pandémie de Covid-19, une partie des négociations ayant eu lieu en ligne. La Chine pilotera les délibérations à Montréal et en fixera l’ordre du jour et le ton. C’est la première fois que Beijing présidera une grande conférence intergouvernementale sur l’environnement. En tant qu’écologiste de la faune, j’ai hâte de voir la Chine assumer un rôle de leader mondial.

La biodiversité est importante, car le fait de disposer de beaucoup d’écosystèmes, d’espèces et de gènes augmente la résilience de la nature et sa capacité à faire face à des stress tels que les maladies et les changements climatiques.

La biodiversité en Chine

Si on demande aux gens où se trouvent les plus grandes concentrations d’espèces sauvages sur Terre, beaucoup répondront que c’est dans les forêts tropicales ou les récifs coralliens tropicaux. Mais la Chine possède aussi une nature très riche. Elle abrite près de 38 000 espèces de plantes vasculaires – essentiellement des arbres, des arbustes et des fougères –, plus de 8 100 espèces d’animaux vertébrés, plus de 1 400 espèces d’oiseaux et 20 % des espèces de poissons de la planète.

Il existe en Chine de nombreuses espèces sauvages endémiques, c’est-à-dire qu’elles ne se trouvent nulle part ailleurs dans le monde. La Chine compte des portions de quatre des « points névralgiques » de la biodiversité mondiale, autrement dit des endroits qui abritent un grand nombre d’espèces endémiques et qui sont gravement menacés. L’Indo-Birmanie, les montagnes du sud-ouest de la Chine,l’Himalaya oriental et les montagnes d’Asie centrale abritent des espèces telles que le panda géant, l’ours noir d’Asie, la torquéole de Boulton, le crapaud Scutiger boulengeri, le serpent Protobothrops xiangchengensis et le faisan doré.

Un panda marche à quatre pattes dans la neige
Panda géant dans le sud-ouest de la Chine. Vanessa Hull, CC BY-ND

La préservation en Chine

En Occident, la couverture médiatique des enjeux environnementaux en Chine se concentre souvent sur son importante pollution atmosphérique urbaine et son rôle de plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde. Mais la Chine fait des efforts de préservation de la nature et a réalisé des progrès depuis la dernière conférence mondiale sur la biodiversité en 2018.

Cette année-là, les dirigeants chinois ont créé le terme « civilisation écologique » et l’ont inscrit dans la constitution du pays. Ils ont ainsi reconnu que le développement devait tenir compte des impacts environnementaux en plus des objectifs économiques.

La Chine avait alors déjà créé plus de 2 750 aires protégées, qui représentaient près de 15 % de sa superficie totale. Ces aires sont des endroits où le financement et la gestion sont prévus de manière à préserver les écosystèmes, tout en autorisant certaines activités humaines dans des secteurs désignés.

En 2021, le président Xi Jinping annonçait que la Chine étoffait officiellement ce système en y ajoutant un réseau de cinq parcs nationaux couvrant 227 000 kilomètres carrés – le plus vaste système de ce type au monde.

En outre, la Chine est le pays qui connaît la plus forte expansion de sa zone forestière. Pour la seule période allant de 2013 à 2017, la Chine a reboisé 334 millions d’hectares de terres nues ou cultivées – une superficie quatre fois plus grande que celle de la totalité des forêts nationales des États-Unis.

Au moins dix des espèces menacées les plus connues de Chine sont en voie de rétablissement, notamment le panda géant, le toki et le faisan d’Elliot.

Ce qu’il reste à faire

Il reste toutefois à la Chine d’importants points à améliorer. Elle n’a pas atteint quatre des premiers objectifs d’Aichi – objectifs que les membres de la Convention sur la biodiversité ont adoptés pour la période 2011-2020 – comme la promotion de la pêche durable, la prévention des extinctions, le contrôle des espèces exotiques envahissantes et la protection des écosystèmes vulnérables.

Ainsi, près de 50 % des espèces d’amphibiens sont menacés en Chine. Des espèces importantes y sont considérées comme éteintes, comme le dugong de Chine, l’espadon de Chine et l’esturgeon du Yangtsé, ainsi que le gibbon à mains blanches.

La pandémie de Covid-19 a mis en lumière le rôle central de la Chine dans le commerce légal et illégal d’espèces sauvages qui menace de nombreux mammifères, poissons, reptiles et oiseaux en voie de disparition. Pour y remédier, la Chine a mis à jour sa loi sur la protection de la faune, adoptée en 1989.

Le 24 février 2020, la loi a été renforcée de manière à imposer une interdiction quasi totale du commerce des espèces sauvages à des fins alimentaires. Aujourd’hui, cependant, l’interdiction est en voie de révision, ce qui pourrait l’affaiblir, notamment par l’assouplissement des restrictions sur la reproduction en captivité.

Environ 90 % des prairies chinoises sont dégradées, de même que 53 % des zones humides côtières. Depuis 1950, la Chine a perdu 80 % de ses récifs coralliens et 73 % de ses mangroves. Ces enjeux mettent en évidence la nécessité de prendre des mesures énergiques pour protéger les derniers bastions de la biodiversité du pays.

Image satellite du barrage des Trois Gorges en 2009
Le barrage des Trois-Gorges sur le fleuve Yangtsé en Chine, visible en bas à droite, a été construit pour fournir de l’électricité et aider à prévenir les inondations. Il a modifié les habitats de milliers de plantes, d’animaux et de poissons, dont des espèces menacées. NASA Earth Observatory

Objectifs de la COP15

Le principal objectif de la conférence de Montréal est l’adoption d’un cadre mondial pour la biodiversité pour les années qui viennent. Cette feuille de route s’appuie sur les cadres élaborés lors des rencontres précédentes, notamment les objectifs d’Aichi de 2010. Comme l’ont rapporté les Nations unies, les États n’ont réalisé aucun des objectifs d’Aichi fixés pour 2020, bien que six objectifs aient été partiellement atteints.

Le nouveau cadre propose vingt-deux objectifs à atteindre d’ici 2030 et quatre objectifs clés à atteindre d’ici 2050. Cela comprend la préservation des écosystèmes, la diversification des services que la nature rend aux populations, l’équité dans le partage des ressources génétiques, telles que les données numériques de séquençage de l’ADN, et la consolidation des engagements financiers.

Nous serons nombreux à suivre l’évolution de la situation pour voir si la Chine peut jouer un rôle de leader et promouvoir la collaboration et le consensus. L’un des principaux défis consiste à trouver un moyen de financer les mesures ambitieuses prévues par le nouveau cadre. Les défenseurs de l’environnement exhortent les pays riches à fournir jusqu’à 60 milliards de dollars US par an pour aider les pays à faible revenu à financer des projets de préservation et à lutter contre le trafic illégal d’espèces sauvages.

La Chine s’est engagée dans cette voie en 2021 en lançant le Fonds pour la biodiversité de Kunming et en y contribuant à hauteur de 230 millions de dollars. Les promesses de dons des autres nations, principalement de la France, du Royaume-Uni, du Japon et de l’Union européenne, s’élèvent actuellement à quelque 5,2 milliards de dollars par an.

La Chine devra probablement répondre à des questions concernant sa nouvelle route de la soie, un projet d’infrastructure de grande envergure qui prévoit la construction de voies ferrées, de pipelines et d’autoroutes dans plus de 60 pays. Ses détracteurs affirment qu’elle va causer de la déforestation, des inondations et d’autres effets néfastes sur l’environnement, y compris dans des points névralgiques de la biodiversité mondiale comme le Triangle de Corailen Asie du Sud-Est, qui abrite l’un des plus importants systèmes de récifs au monde.

La Chine s’est engagée à rendre sa nouvelle route de la soie plus verte et, en 2021, Xi Jinping s’est engagé à mettre fin au financement de nouvelles centrales électriques au charbon à l’étranger, ce qui a entraîné jusqu’ici l’annulation de 26 centrales. C’est un début, mais la Chine doit faire davantage d’efforts pour remédier aux impacts de ce projet sur la planète.

La Chine, qui abrite 18 % de la population mondiale et produit 18,4 % du PIB mondial, a un rôle clé à jouer dans la préservation de la nature. J’espère qu’elle exercera un leadership audacieux à Montréal et par la suite.

This article was originally published in English

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