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De gauche à droite, les vaccins Comirnaty par Pfizer/BioNTech, Moderna, AstraZeneca et Janssen par Johnson & Johnson. Christof Stache / AFP

Covid-19 : l’hésitation vaccinale est aussi une question de marketing

À l’heure où le variant Omicron pousse le nombre de nouveaux cas testés positifs à la Covid-19 jusqu’à 200 000 par jour, le gouvernement déploie plusieurs actions pour inciter à la vaccination : transformation du passe sanitaire en passe vaccinal, sanctions renforcées pour les détenteurs de faux QR codes, communication présidentielle lors des vœux du 31 décembre, etc.

L’objectif est de réduire l’hésitation vaccinale qui concerne les 5,4 millions de Français qui n’ont pas encore reçu leur première dose. Il existe en effet une marge de manœuvre. Spécifiquement, l’hésitation vaccinale provient de deux facteurs. Certains sont stables (comme les convictions personnelles) et se retrouvent donc à chaque campagne de vaccination, mais d’autres dépendent du contexte. Dans le cas de la Covid-19, l’une des spécificités les plus frappantes par rapport à toute autre maladie contagieuse réside dans le fait que la situation de départ est différente puisqu’il existe une pandémie plutôt qu’un état d’immunité collective.

Le président de la République Emmanuel Macron sur la vaccination : « Les devoirs valent avant les droits » (BFMTV, 31 décembre 2021).

Par conséquent, les individus sont non seulement fortement impactés par les conséquences négatives de la pandémie, mais ils voient aussi en temps réel les efforts conjoints des scientifiques et des politiques pour contrôler et contenir la crise, ce qui a fait émerger de nouvelles dimensions de l’hésitation vaccinale. Parmi ces dernières figurent notamment une méfiance due au temps développement court des vaccins, une surcharge d’informations à traiter et, plus nouveau, l’influence de phénomènes marketing tels que les effets de marque et de pays d’origine, comme nous le montrons dans un travail de recherche récent.

Un effet d’image de marque

Tout d’abord, certains participants à notre étude affirment qu’ils ne veulent pas être vaccinés parce qu’ils ne peuvent pas choisir l’entreprise qui a produit le vaccin, suggérant ainsi un « effet de marque ». Autrement dit, certains vaccins bénéficient d’une meilleure image de marque que d’autres sur le marché. Une personne interrogée en témoigne :

« Il y a des vaccins que je n’ai pas envie de […] faire, auxquels je ne fais pas forcément confiance. […] Je ne voudrais pas qu’on m’impose un vaccin plutôt qu’un autre, j’aimerais choisir le vaccin que je vais recevoir ».

Au début de la campagne de vaccination, le vaccin AstraZeneca avait particulièrement retenu l’attention des individus en raison de cas suspects de thrombose, mais aussi de sa moindre efficacité face à certains variants du virus. En conséquence, plusieurs pays européens, dont la France le 15 mars dernier, avaient suspendu son utilisation. Quelques jours plus tard, le 18 mars 2021, l’Agence européenne des médicaments avait émis une recommandation officielle en faveur du vaccin, déclarant qu’il était sûr et efficace.

Cependant, ces événements ont eu un fort impact sur l’image de marque et le rapport bénéfices/risques de ce vaccin, suscitant depuis moins de confiance, comme le soulignent ces propos recueillis auprès d’un interviewé :

« Le vaccin Pfizer par exemple, je suis rassuré. Il n’y a jamais eu de problème. Alors qu’avec AstraZeneca, il a été controversé à plusieurs reprises. Ce n’est pas pour rien ».

Ainsi, notre étude réitère l’effet puissant de l’image de marque déjà révélé dans de multiples contextes marketing plus généraux. Pour la plupart des produits de grande consommation, la marque fonctionne en effet comme une heuristique destinée à simplifier le processus de prise de décision. À notre connaissance, notre recherche est la première à démontrer l’effet de la marque dans un contexte de vaccination médicale.

Le poids de l’origine

En outre, les données de notre étude soulignent l’influence que joue le pays d’origine du vaccin dans le cas de la vaccination contre la Covid-19. L’analyse montre en effet que les indices positifs et négatifs que le consommateur associe au pays d’origine sont utilisés dans l’évaluation de ce qui peut être considéré ici comme un nouveau produit.

Les informations concernant le pays d’origine sont largement utilisées par les consommateurs pour évaluer les différentes alternatives lorsqu’il s’agit d’un marché complexe, comme celui de la vaccination, pour lequel les consommateurs n’ont pas les connaissances nécessaires pour évaluer correctement les attributs du produit.

Le marché du vaccin peut-être considéré comme un marché complexe sur lequel le consommateur ne dispose pas des ressources pour évaluer le produit. Pixabay, FAL

Ainsi, les vaccins provenant de pays culturellement et politiquement éloignés de la France, à l’image des produits chinois et russes qui ont été parmi les premiers à être injectés, génèrent peu de confiance en France, comme le reconnaît une répondante :

« J’ai peu de confiance dans les vaccins produits par des dictatures comme la Chine et la Russie, c’est-à-dire des régions qui ne sont pas transparentes et qui seraient prêtes à cacher des choses. Alors qu’avec les vaccins produits dans les démocraties, on sait qu’il y a plus de transparence, plus de contrôle ».

Plus encore, et en accord avec les recherches antérieures, nos données révèlent que certains consommateurs font preuve d’ethnocentrisme, c’est-à-dire une tendance à faire confiance à un vaccin national plutôt qu’un vaccin étranger. En effet, dans une situation de crise où les gens sont menacés, les individus ont tendance à valoriser davantage les intérêts locaux, c’est-à-dire ceux de la communauté nationale. L’une des personnes interviewées évoque d’ailleurs Pasteur :

« En France, nous avons l’Institut Pasteur. Nous avons les plus grands chercheurs sur les vaccins. Quand j’entends dire que l’Union soviétique peut nous fournir les vaccins, cela ne m’inspire pas confiance… »

Dans cette citation (même si l’Institut Pasteur, qui a essayé d’utiliser un vecteur du virus de la rougeole, a abandonné son projet mi-2020), notre répondante continue à avoir plus confiance dans les scientifiques français que russes. Or, ce thème du pays d’origine est nouveau et n’a pas été un aspect explicite des recherches précédentes sur l’hésitation vaccinale.

Des recherches à poursuivre

Finalement, même si notre étude se concentre spécifiquement sur le cas de la vaccination contre la Covid-19, il est probable que les résultats puissent s’appliquer à de futurs vaccins et programmes de vaccination, voire même à d’autres traitements médicaux. Or, cela peut générer certains problèmes.

Par exemple, si un grand nombre d’individus affichent une nette préférence pour des produits de santé spécifiques en raison d’une certaine image de marque ou d’une certaine origine, cela peut réduire la confiance dans d’autres produits peut-être tout aussi fiables. L’ajout de la prise en compte des effets de marque et de l’influence du pays d’origine pourraient ainsi figurer dans les prochaines évaluations sur l’acceptation et l’hésitation vaccinale.

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