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De nouvelles cibles pour les médicaments : les récepteurs membranaires des cellules

La membrane latérale des cellules endothéliales de la cornée a été mise en évidence par une fluorescence verte. Zhiguo.he / Wikimedia, CC BY-SA

Ces dernières décennies, les modifications de nos modes de vie (malbouffe, sédentarisation, urbanisation, pollutions…), combinées au vieillissement des populations, ont accéléré le développement de maladies – telles que cancers, obésité, diabètes. Toutefois, les progrès de la science et de la technologie permettent aux chercheurs et entreprises pharmaceutiques de développer de nouvelles molécules thérapeutiques afin de cibler de façon plus efficace et/ou plus spécifique ces pathologies.

Près de 70 % des médicaments ayant reçu une autorisation de mise sur le marché dans le monde ont pour cible des récepteurs membranaires. Ce sont des protéines localisées à la surface des cellules de nos tissus et organes. Ces récepteurs sont capables d’interagir avec d’autres protéines, appelées ligands, via une liaison physique. L’interaction du ligand sur son récepteur permet la transmission d’un signal à l’intérieur des cellules. Ce signal, une fois traité par les cellules, résulte en une réponse physiologique à l’échelle de l’organisme. Citons l’exemple du récepteur OBR, localisé à la surface de certains neurones, qui interagit avec son ligand leptine afin de diminuer la prise alimentaire et d’augmenter les dépenses énergétiques. Le système neuronal OBR/leptine permet ainsi de maintenir la balance énergétique du corps humain, et donc notre poids corporel.

Rôle clé des récepteurs membranaires pour transmettre une réponse physiologique après interaction avec leurs ligands spécifiques. Clara Roujeau, Author provided

Il existe une grande diversité de récepteurs membranaires et de ligands. Leur rôle clé dans la transmission de signaux entre l’extérieur et l’intérieur des cellules explique leur attrait comme cibles thérapeutiques actuelles et futures. Dans ce contexte, les travaux de recherche visent à identifier de nouvelles molécules capables d’interagir avec ces récepteurs (ligands artificiels) et/ou capables de moduler la liaison du ligand naturel sur son récepteur.

La fluorescence pour identifier de nouvelles molécules thérapeutiques

Afin d’identifier de telles molécules, les chercheurs doivent au préalable être en mesure de détecter et quantifier l’interaction physique entre le ligand et son récepteur. Pour cela, des « tests de liaison » sont mis en place, sur un système in vitro : les cellules qui possèdent le récepteur d’intérêt sur leur membrane sont disposées dans des plaques en plastique dans lesquelles est effectué le test de liaison.

Il existe de nombreux tests de liaison, avec des avantages et inconvénients propres à chacun. Récemment, la technique HTRF a été développée et utilisée comme test de liaison in vitro. Cette technique repose sur le transfert d’énergie entre un donneur et un accepteur d’énergie. Ce transfert d’énergie n’est possible que si le donneur et l’accepteur sont suffisamment proches dans l’espace, avec un éloignement maximal de 100 Angström (1 Angström vaut 10-10 mètres, ce qui est équivalent à l’ordre de grandeur d’un atome). Le donneur et l’accepteur d’énergie sont deux fluorophores : ce sont des substances chimiques qui émettent de la fluorescence après excitation par une source d’énergie. L’intérêt majeur de la technique HTRF repose sur les propriétés physico-chimiques du donneur d’énergie, élaboré à partir des travaux du Pr Jean‑Marie Lehn, Prix Nobel de Chimie en 1987.

Comment effectuer le test de liaison basé sur la technique HTRF ?

Des méthodes d’ingénierie biochimique permettent de coupler d’une part le récepteur membranaire d’intérêt avec le donneur d’énergie (« récepteur-donneur »), et d’autre part le ligand d’intérêt avec l’accepteur d’énergie (« ligand-accepteur »). In vitro, les cellules qui possèdent le « récepteur-donneur » sur leur membrane sont mises en présence du « ligand-accepteur », puis stimulées par une source d’énergie (afin d’activer le fluorophore donneur d’énergie).

Ainsi, ce test de liaison permet :

  • de mesurer la capacité de liaison du « ligand-accepteur » sur le « récepteur-donneur » en quantifiant le transfert d’énergie

  • d’identifier de nouvelles molécules capables d’augmenter la liaison ligand/récepteur (transfert d’énergie plus important)

  • d’identifier d’autres molécules qui empêchent la liaison ligand/récepteur (absence de transfert d’énergie)

Principe du test de liaison basé sur la technique HTRF. Clara Roujeau, CC BY

Des applications variées : le criblage à haut débit

Le système in vitro de plaques en plastique dans lesquelles sont effectués ces tests de liaison peut contenir jusqu’à 1536 puits. Les chercheurs peuvent donc réaliser le test de liaison en testant jusqu’à 1536 nouvelles molécules en parallèle ! C’est le criblage à haut débit.

Les applications sont multiples du fait de la diversité des récepteurs membranaires, de leurs rôles cruciaux dans des fonctions physiologiques variées, et de leurs implications dans des situations pathologiques.

Nous avons récemment mis au point un test de liaison basé sur la technique HTRF pour le récepteur OBR et son ligand leptine. Ainsi, l’identification de molécules modulant l’interaction OBR/leptine pourrait présenter des intérêts thérapeutiques dans le contexte de l’obésité, étant donné le rôle du système neuronal OBR/leptine dans le maintien de la balance énergétique.

Nous avons également développé un test de liaison basé sur la technique HTRF pour le récepteur VEGFR2 et son ligand VEGF (6). La liaison du VEGF sur son récepteur VEGFR2 étant impliquée dans les processus d’angiogenèse tumorale (formation de vaisseaux sanguins au sein de tumeurs cancéreuses) et de métastase, identifier des molécules empêchant cette interaction serait une avancée dans la recherche contre le cancer.

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