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De nouvelles technologies pour la mesure des pulsations cardiaques

Battements cardiaques. Mick Lissone

Vous connaissez sans doute l’électrocardiogramme, mais avez-vous entendu parler du balistocardiogramme ? Révolutionnant une technique née il y a plus d’un siècle, de nouveaux instruments permettront bientôt à chacun de suivre facilement son état de santé cardiovasculaire au quotidien. À l’origine de cette « nouvelle » technologie : la mesure des subtiles vibrations causées par l’activité cardiaque.

On ne s’en rend sûrement pas compte en étant assis tranquillement sur sa chaise au bureau, mais tout un tas de mouvements a lieu continuellement à l’intérieur de notre corps. Notamment à cause de la contraction du cœur à chaque battement et de la circulation sanguine qui en résulte. Ces phénomènes à l’intérieur du corps résultent en des vibrations de très faible amplitude, qui peuvent néanmoins être détectées à la surface de la peau.

Le mouvement balistique du corps humain

Cœur battant. Auteur, Author provided

Depuis que vous avez commencé à lire cet article, votre cœur s’est contracté une trentaine de fois. À chaque battement, si vous aviez regardé votre poitrine, vous auriez pu observer votre peau se soulever légèrement. Plus étonnant : avec des instruments adaptés, nous aurions pu mesurer que l’intégralité du corps humain se déplace d’environ 0,1 mm – légèrement moins que l’épaisseur d’un ongle – en rythme avec les contractions cardiaques. Ainsi, debout sur une balance analogique suffisamment précise, l’aiguille indiquant votre poids devrait osciller légèrement à une fréquence égale à votre rythme cardiaque. Bien que la plupart du temps ces balances à aiguilles ne soient pas synonymes de précision, c’est ainsi que J. W. Gordon a pour la première fois mesuré cet effet en 1877.

Ce phénomène est, entre autres, causé par les contractions du cœur lui-même et les déplacements de sang dans les artères, qui font que le centre de masse du corps humain varie continuellement au cours d’un cycle cardiaque et entraîne un mouvement dit « balistique » du corps tout entier.

Cette vidéo (en anglais) montre comment on peut se rendre compte de ce que l’on appelle « l’effet balistocardiographique » : le mouvement du corps causé par l’activité cardiaque.

Depuis les observations du cœur faites au XIXe siècle, les choses ont bien changé : aujourd’hui, de nouveaux systèmes permettent de mesurer ces effets facilement. Il s’agit d’objets connectés dont on peut lire les interprétations en temps réel sur une tablette ou un smartphone. C’est la miniaturisation de l’électronique qui a permis de passer de boîtiers pesant plusieurs centaines de grammes à ces nouveaux instruments intégrant des capteurs semblables à ceux des smartphones et dotés d’une ergonomie suffisante. Selon le point de mesure des vibrations, on peut obtenir différentes informations. Quand il s’agit de la poitrine, à proximité immédiate du cœur, on parle de séismocardiographie (SCG), par analogie avec la séismologie. Quand il s’agit du centre de masse (par approximation, dans le bas du dos), on parle alors de balistocardiographie (BCG). Dans tous les cas, on utilise des accéléromètres et des gyroscopes, afin de mesurer des accélérations et vitesses de rotation à la surface de la peau dans toutes les directions possibles.

Exemple de combinaison de séismocardiographie (SCG) et balistocardiographie (BCG), en plus de l’électrocardiogramme (ECG). Auteur, Author provided

Ce que l’on apprend des vibrations cardiaques

La première information que peut apporter ce type de mesure est naturellement la fréquence cardiaque : le nombre de fois que le cœur se contracte par minute. En faisant des enregistrements de longue durée, il est également possible de détecter certains troubles du rythme ou « arythmies » qui ne seraient pas forcément apparus dans les quelques minutes d’enregistrement que l’on peut faire au cours d’une visite de routine chez un cardiologue. Et pour mesurer cela sans gêner le patient, les chercheurs rivalisent d’ingéniosité, puisqu’ils ont récemment mis au point un dispositif intégré à un lit, qui commence ses mesures dès que le patient s’allonge.

Par ailleurs, des modélisations numériques et des études cliniques récentes ont montré que si la contraction cardiaque est plus forte et la quantité de sang éjectée au cours d’un battement est plus grande, alors il est possible de quantifier cette augmentation grâce aux signaux de vibration mesurés.

Dans d’autres scénarios, la mesure de l’amplitude des vibrations résultant de l’activité cardiaque permet de connaître l’état de santé du cœur en tant que muscle. En effet, un cœur sain et un cœur malade peuvent très bien être capables de fournir un résultat équivalent en termes de volume sanguin éjecté, tout en fournissant un effort totalement différent. Par comparaison, sur l’autoroute il est tout à fait possible de rouler à 130 km/h à côté d’une Lamborghini, même avec une vieille Fiat Punto. Pourtant, l’effort que cela représente pour la machine est bien différent !

Suivi à la maison

Les instruments embarquant cette technique n’ont pas pour vocation de remplacer un jour l’IRM ou l’échographie. Néanmoins, des prototypes existent déjà et devraient bientôt permettre à chacun d’effectuer ses propres mesures de suivi à la maison, entre deux consultations. Pour les professionnels de la santé, cela pourrait changer la donne dans le suivi de nombreuses maladies tel que l’insuffisance cardiaque. En effet, l’OMS indique dans ses priorités stratégiques qu’il est nécessaire de développer des méthodes de suivi afin de mieux prévoir et suivre les maladies cardiovasculaires. En ce qui concerne l’insuffisance cardiaque, il s’agit de 1,4 million de nouveaux patients par an dans le monde, avec un coût de 10 000 euros pour chaque hospitalisation et, dans plus en plus de pays, des pénalités pour les hôpitaux en cas de ré-hospitalisation, ce qui est malheureusement monnaie courante.

Par ailleurs, des études cliniques sont en cours pour confirmer l’applicabilité d’une combinaison des deux technologies, séismocardiographie et balistocardiographie. Parmi les champs d’application étudiés, le suivi des patients ayant subi un infarctus du myocarde, ou encore la détection et le suivi de l’apnée du sommeil, ces arrêts involontaires et répétés de la respiration au cours de la nuit.

À l’heure du quantified self et des outils connectés, on peut imaginer que les sportifs s’empareront bientôt d’une telle technique pour suivre les effets de leurs entraînements sur la mécanique de leur cœur.

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