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Débat : la démission de Nicolas Hulot, rien de nouveau sous le soleil

Nicolas Hulot, le 23 mai 2018, à la sortie d'un Conseil des ministres. Ludovic Marin / AFP

Décidée et annoncée ce matin sur France Inter, la démission de Nicolas Hulot est, en réalité, un non-événement. Elle agitera le petit monde médiatique ces prochains jours – c’est certain –, elle conduira à un remaniement gouvernemental – ne couvait-il pas depuis plusieurs semaines déjà ? –, mais elle ne bouleversera ni les orientations politiques de l’exécutif, ni les rapports de force politiques et sociaux qu’il conviendrait justement de transformer pour relever les défis auxquels l’humanité est confrontée.

Une décision attendue

Respectant le mode opératoire dont l’homme est coutumier – il décide seul, annonce sa décision sans avoir informé son entourage et la justifie sur ce mode égotique qui consiste à croire que son geste donnera à penser –, la démission de Nicolas Hulot ne surprend guère. Elle est un énième renoncement personnel à un espoir dont on se demande surtout au nom de quoi Nicolas Hulot l’avait nourri.

Fils chéri de la télévision, converti après bien des excès à l’écologie, il passait plutôt, ces derniers temps, pour un soutien d’une écologie de gauche et radicale fort éloignée des convictions qui structurent la trajectoire et l’action politique d’Emmanuel Macron.

Fier de ne pas appartenir au sérail politique, de n’être représentant d’aucune formation partisane, de n’être le porte-parole d’aucun des acteurs associatifs ou syndicaux engagés en écologie, Nicolas Hulot avait-il sérieusement pensé qu’il changerait la donne ? Si tel est le cas, son année passée au gouvernement démontre que l’écologie d’un seul homme, fut-il l’une des « personnalités préférées des Français », ne peut rien.

Quarante-sept ans après la création, en 1971, du premier ministère de la Protection de la nature et de l’Environnement, occupé par Robert Poujade, Nicolas Hulot, 29e ministre en charge, n’aura engrangé que bien peu d’avancées significatives.

Son bilan, sorte de moindre mal si l’on en croit l’intéressé, ressemble plutôt à un gâchis d’énergie et de temps : pesticides, forages pétroliers, nucléaire, protection de la diversité et des espèces, grands projets imposés et inutiles… En dehors de l’emblématique Notre-Dame-des-Landes, et encore, il faudrait voir en détail, il n’y a pas de quoi pavoiser.

Les acteurs indépendants mobilisés sur toutes ces thématiques ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, soulignant à chaque fois les décisions en demie teinte, voire contestables, que Nicolas Hulot, en bon soldat, assumait après chacun des arbitrages présidentiels.

Pour que vive l’écologie ?

L’impuissance de Nicolas Hulot n’est, malgré tout, pas sa marque personnelle. Largement partagée par les écologistes de tous bords qui ont occupé quelque fonction ministérielle, elle signe l’incapacité de gouvernements successifs, et au-delà, d’une société tout entier dans laquelle il est encore bien peu coûteux de se dire écologiste sans avoir rompu, si ce n’est de manière cosmétique, avec les croyances et les pratiques les plus prédatrices en « ressources » humaines et environnementales.

Le sort fait aux espoirs de Nicolas Hulot ne signe donc en rien l’échec de l’écologie politique. Il dit, tout au contraire, l’impérieuse nécessité de pouvoir compter sur des écologistes capables de défendre les formes de radicalité et de conflictualités politiques qui sont nécessaires à la transformation écologique de la société. L’écologie se porte d’ailleurs bien sur nombre de territoires où les militants et les élus écologistes contribuent activement à amender les politiques publiques locales et à en inventer de nouvelles.

En cette veille d’élections européennes, toutes les stratégies, les alliances, les programmes qui ne tiendraient pas ceci pour acquis seront, une fois encore, sûrement tout à fait vains. Et puisque chacun s’accorde au moins sur le fait que le temps presse, au moins pourrait-on commencer par déclarer nulle et non avenue l’écologie mainstream et invertébrée idéologiquement qui a tenu lieu de paravent aux lobbies et aux libéraux-conservateurs de tous poils ces dernières années.

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