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Vue aérienne du train de marchandises de la compagnie Norfolk Southern après son déraillement
Vue aérienne du train de marchandises de la compagnie Norfolk Southern après son déraillement. National Transportation Safety Board / Wikimedia Commons

Déraillement d’un train en Ohio : Quels sont les effets du chlorure de vinyle, ce produit chimique qui inquiète les riverains ?

Le 3 février dernier, un train de marchandises transportant des produits chimiques a déraillé non loin de la localité d’East Palestine, dans l’État de l’Ohio, aux États-Unis. Plusieurs de ses wagons contenaient du chlorure de vinyle (ou chloroéthène), un composé organique industriel utilisé dans la fabrication du polychlorure de vinyle (le célèbre plastique PVC). Or, on sait que cette substance peut faire des ravages sur le foie humain.

Il a été notamment été démontré qu’elle accroît non seulement le risque de cancer du foie, mais aussi celui d’une maladie du foie non maligne connue sous le nom de TASH, ou stéatohépatite associée à des substances toxiques. On constate dans le foie de personnes atteinte de TASH (et par ailleurs en bonne santé) la même accumulation de graisse, la même inflammation et les mêmes cicatrices (fibrose et cirrhose) dans celui de personnes atteintes de cirrhose due à l’alcool ou à l’obésité.

Pour que ce type de lésions se développe, les niveaux d’exposition au chlorure de vinyle doivent être relativement élevés, de l’ordre de ceux auxquels peuvent être exposés certains travailleurs du secteur de l’industrie.

Des expositions à des concentrations environnementales plus faibles restent néanmoins préoccupantes. On connaît en effet mal les conséquences qu’une exposition à de faibles concentrations peut avoir sur la santé hépatique, en particulier chez les personnes souffrant d’une maladie du foie sous-jacente et présentant d’autres risques.

En tant que professeure adjointe de médecine spécialisée dans la santé environnementale et professionnelle, j’étudie l’impact de l’exposition au chlorure de vinyle sur le foie, en particulier sur la manière dont cette substance peut affecter les personnes souffrant d’une maladie hépatique sous-jacente. Des découvertes récentes ont modifié notre compréhension du risque qu’elles encourent.

Les leçons de Rubbertown

Le chlorure de vinyle est utilisé pour produire du PVC, un plastique dur employé dans la fabrication de tuyaux, ainsi que dans celle de certains emballages, revêtements ou gaines de câbles.

Les risques que ce produit chimique fait encourir à la santé ont été découverts dans les années 1970 au sein d’une usine B.F. Goodrich située dans le quartier de Rubbertown, à Louisville, dans le Kentucky, aux États-Unis. Quatre travailleurs participant au processus de polymérisation pour la production de chlorure de polyvinyle ont chacun développé un angiosarcome du foie, un type de tumeur extrêmement rare.

Leurs cas sont devenus l’un des événements sentinelles les plus importants de l’histoire de la médecine du travail et ont conduit à la reconnaissance internationale du statut d’agent cancérigène du chlorure de vinyle.

Dans notre organisme, le foie joue notamment un rôle de filtre : il élimine les substances toxiques du sang. Des cellules spécialisées, appelées hépatocytes, participent à réduire la toxicité des médicaments, de l’alcool, de la caféine et des produits chimiques environnementaux, puis renvoient les déchets qui résultent de ce traitement pour qu’ils soient excrétés.

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L’exposition du foie au chlorure de vinyle a pour caractéristique une combinaison paradoxale associant des tests de la fonction hépatique dont le résultat est normal à une présence de graisse dans le foie, conjuguée à la mort des cellules hépatiques (lesquelles constituent l’essentiel de la masse du foie). Le détail des mécanismes qui conduisent à la maladie hépatique induite par le chlorure de vinyle sont malheureusement encore largement inconnus.

Des recherches récentes ont démontré que l’exposition au chlorure de vinyle, même à des niveaux inférieurs aux limites réglementaires, peut renforcer les maladies du foie causées par un régime alimentaire « occidental », autrement dit riche en graisses et en sucre.

Cette interaction, jusqu’à présent non identifiée, entre le chlorure de vinyle et les maladies du foie gras sous-jacentes fait craindre que le risque lié à des expositions plus faibles au chlorure de vinyle ne soit pour l’instant sous-estimé.

Exposition extérieure et risque lié aux puits

À l’extérieur, le chlorure de vinyle se dilue assez rapidement dans l’atmosphère. Il est également décomposé par la lumière du soleil, généralement en neuf à onze jours. Par conséquent, il est peu probable que les niveaux d’exposition à l’extérieur des bâtiments soient problématiques. Sauf s’ils sont vraiment très élevés, comme cela peut se produire immédiatement après un rejet massif de chlorure de vinyle. Dans une telle situation, si une odeur de produit chimique se fait sentir, si des démangeaisons surviennent ou si l’on se sent désorienté, il faut quitter les lieux et consultez un médecin.

Cette substance se disperse également dans l’eau. Aux États-Unis, la loi fédérale Clean Water Act exige la surveillance et l’élimination des composés organiques volatils tels que le chlorure de vinyle dans les approvisionnements en eau des municipalités. Les rejets liés au déraillement survenu aux abords d’East Palestine ne devraient donc pas poser de problème de ce point de vue.

La situation des puits privés est différente. Ceux-ci pourraient en effet être contaminés si le chlorure de vinyle pénétrait dans les eaux souterraines. Or, ces puits ne sont pas réglementés par le Clean Water Act et ne sont généralement pas surveillés.

Photo de wagons du train déraillé dont s’élève un panache de fumée noire
Le déraillement du train à East Palestine, Ohio, a provoqué un incendie massif. Plusieurs de ses wagons contenaient des produits chimiques dangereux, dont du chlorure de vinyle. Dustin Franz / AFP

Par ailleurs, le chlorure de vinyle présent dans l’eau se volatilise facilement dans l’air. Il peut donc s’accumuler dans les espaces clos situés au-dessus d’eaux souterraines contaminées. Ceci est d’autant plus problématique lorsque l’eau est chauffée (douches, cuisson des aliments…). Dans une telle situation, on ne peut exclure que du gaz de chlorure de vinyle s’accumule dans certains lieux fermés. Cette préoccupation en rappelle d’autres, récentes, concernant les fumées émises par les cuisinières fonctionnant au gaz naturel dans les maisons mal ventilées.

Or, bien que l’on ait défini des niveaux d’exposition limite pour les expositions aiguë et intermédiaire au chlorure de vinyle, rien de tel n’existe pour l’exposition chronique.

Que faire, alors ? Toute personne possédant un puits privé ayant pu être exposé au chlorure de vinyle devrait le faire contrôler et tester à plusieurs reprises. Autre recommandation : aérer sa maison, et ne pas hésiter à consulter un médecin en cas d’étourdissement ou de démangeaisons oculaires.

This article was originally published in English

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