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Photo d'un incendie de forêt prise depuis un avion
Fumée s'élevant d'un incendie actif dans les Territoires du Nord-Ouest. (Sander Veraverbeke), Author provided

Des feux « zombies » aux conséquences incertaines de plus en plus fréquents dans les forêts boréales

Les « feux zombies » sont des incendies qui se déclarent pendant une saison des feux, couvent pendant les mois d’hiver sous la neige et réapparaissent au printemps avant que la foudre et les incendies d’origine humaine ne se manifestent à nouveau.

Les gestionnaires des feux de végétation basés au nord préfèrent le terme « feu hibernant », qui est techniquement plus précis. Cela évite également d’alimenter les perceptions négatives omniprésentes à l’égard des feux de forêt qui, dans la région boréale, sont un agent essentiel du renouvellement et de la santé de la forêt.


Cet article fait partie de notre série Forêt boréale : mille secrets, mille dangers


La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable — et instructive — balade en forêt !


Mais il est difficile de résister à l’utilisation d’une expression dont le message est si fort. Faut-il s’inquiéter des feux « zombies » ? En tant que membres d’une équipe de scientifiques ayant consacré leur carrière à la compréhension de l’évolution des régimes d’incendies boréaux, nous avons décidé de vérifier par nous-mêmes.

Comportement inhabituel des feux

Le comportement du feu fait référence à la façon dont il brûle. Ce comportement apparemment inhabituel des incendies était auparavant peu préoccupant, car les feux hibernants sont difficiles à détecter et nous pensons qu’ils étaient relativement rares. Nous ne savons donc que très peu de choses sur ces incendies et leurs effets potentiels.

Toutefois, comme le réchauffement rapide du climat entraîne des périodes de feux de forêt plus importantes, plus longues et plus intenses dans le biome boréal, les feux hibernants se multiplient, et les inquiétudes des gestionnaires des feux de végétation et des scientifiques augmentent.

La réinflammation de feux hibernants déclenche la saison des incendies plus tôt que par le passé, ce qui accroît la charge de travail des équipes d’incendie et de pompiers, déjà soumis à de fortes pressions.


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Par exemple, la saison des incendies exceptionnellement hâtive et intense cette année en Alberta peut avoir été alimentée en partie par des allumages précoces de feux hibernants, en raison des brûlages de fin de saison dans tout l’ouest du Canada à l’automne dernier.

Il est clair que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour connaître précisément la contribution actuelle ou future des feux hibernants à ces saisons d’incendies intenses.

Étude des feux dans les régions éloignées

L’été dernier, notre équipe a visité des sites dans le sud des Territoires du Nord-Ouest qui s’étaient enflammés en 2014, avaient connu un feu hibernant et s’étaient rallumés en 2015. Ces sites ont été associés à des emplacements voisins issus du même feu de 2014 qui n’avaient subi qu’une seule saison d’incendie.

Ce travail a nécessité un groupe interdisciplinaire composé de plusieurs spécialistes. Les experts en télédétection ont identifié nos sites et nous y ont guidés, les spécialistes du carbone du sol ont élaboré les protocoles d’échantillonnage requis pour quantifier les différences dans les pertes de carbone sur les sites de feux saisonniers et hibernants, et les écologistes des forêts qui ont mesuré les effets des feux hibernants sur la structure et la composition de la forêt.

Avec ces emplacements à notre disposition et le soutien considérable de nos partenaires du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, nous avons recueilli les premières données de terrain sur les feux hibernants. Tous les sites potentiels étaient incroyablement éloignés et n’étaient accessibles que par hélicoptère ; notre équipe a pu utiliser un appareil qui se tenait prêt à intervenir en cas d’incendie, la saison des feux se révélant relativement calme.

Émissions de carbone

Certaines préoccupations ont été exprimées quant aux répercussions potentielles de ces incendies sur l’écologie et le carbone, mais nous ne disposons actuellement d’aucune donnée à ce sujet. La question la plus pertinente sur le plan social concerne les émissions de carbone et les rétroactions possibles sur le réchauffement climatique.

Une grande partie du biome boréal est caractérisée par des sols tourbeux profonds créés par des conditions froides et un drainage déficient. Ces paramètres ralentissent la décomposition et favorisent l’accumulation de matières végétales, souvent de la mousse de tourbe ou Sphagnum, sous forme d’épaisses couches de sol riche en carbone reposant sur le matériel parental sous-jacent. Dans certains endroits, cette épaisseur peut atteindre plusieurs mètres.

On pense que les tourbières boréales emmagasinent jusqu’à 30 % des stocks de carbone terrestre de la planète. Les menaces qui pèsent sur ces régions risquent donc d’aggraver l’augmentation déjà rapide des concentrations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, qui est à l’origine du réchauffement climatique.

Lorsque ces sols organiques épais sont secs, ils peuvent supporter la combustion profonde et soutenue, nécessaire à la survie hiémale. Les scientifiques considèrent que ces tourbières abriteront la plupart des feux hibernants.

Les feux de végétation menacent également la résilience des forêts boréales. En effet, les brûlages plus profonds et la fréquence accrue des feux entraînent des changements dans la composition des forêts et, dans certains cas, leur conversion en couvertures terrestres non boisées.

Absence de renouvellement

La deuxième préoccupation majeure concerne les résultats de la reconstitution des forêts dans les peuplements forestiers qui sont touchés par des feux hibernants, qui, dans certains cas, brûlent deux fois en autant d’années. Nous pensons que les feux « zombies » conduiront plus souvent à un échec de la régénération — conversion de la forêt en une zone non forestière — pour trois raisons principales.

Premièrement, le réchauffement continu ou répété des semences d’arbres sur le site pourrait entraîner la réduction ou l’absence de sources de semences pour soutenir le renouvellement.

Deuxièmement, l’échauffement ou la combustion des structures racinaires souterraines (appelées rhizomes) qui favorisent la reprise rapide de la végétation après un incendie risque de ralentir la régénération des plantes au sol ou altérer complètement les espèces qui se renouvellent dans ces zones.

Enfin, il est possible que le brûlage continu des sols tourbeux engendre une combustion plus profonde modifiant profondément les conditions du lit de semence avec des conséquences pour les processus de régénération forestière.

un hélicoptère largue de l’eau sur un feu de forêt
Un hélicoptère déverse une charge d’eau sur un incendie en Colombie-Britannique en 2017. Des feux de végétation plus importants et plus chauds transforment la vaste forêt boréale du Canada en une source nette de gaz à effet de serre affectant le climat. La Presse canadienne/Jonathan Hayward

Entre autres effets, les changements de type de forêt ou l’incapacité de celles-ci à se régénérer affectent la disponibilité de l’habitat de la faune sauvage. Il s’agit d’une question de plus en plus inquiétante, en particulier dans le contexte du déclin des populations de caribous en Amérique du Nord.

Les progrès de la télédétection

Ce ne sont toutefois que des prévisions. Jusqu’à l’été 2022, il n’existait aucune mesure directe des feux hibernants, étant donné leurs difficultés de détection et d’accès ainsi que du peu d’intérêt qu’ils suscitaient jusqu’à présent pour les gestionnaires.

Cependant, les progrès de la télédétection spatiale ont rendu possible la détection des reprises de feu dès le début du printemps, ce qui, combiné aux informations sur les périmètres des incendies de l’année précédente, permet de détecter et de cartographier avec précision la réinflammation des feux hibernants.

Notre équipe a tiré parti de ces outils pour identifier les sites de feux hibernants qui se sont rallumés en 2015, après la saison des feux de 2014 qui a battu tous les records dans les Territoires du Nord-Ouest.

Nos travaux permettront de savoir où et comment ces incendies sont alimentés dans le paysage boréal. Ils permettront également d’obtenir des informations importantes sur les pertes de carbone dues à ce comportement fascinant, bien que mal compris, des feux de végétation. Parmi celles-ci figurent le potentiel de perte de carbone hérité et les résultats de la régénération forestière altérée, dont les conséquences se répercutent sur les futurs régimes d’incendie et sur la santé de la forêt boréale.

This article was originally published in English

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