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Plusieurs petits poissons dans un aquarium
En raison de leur caractère social et du fait qu’ils partagent 70 % de leur ADN avec les humains, les poissons-zèbres constituent d’excellents cobayes. (Shutterstock)

Des poissons drogués ? Le microdosage de LSD chez le poisson-zèbre montre d’éventuels bienfaits pour les humains

Le microdosage – ingestion régulière de petites quantités d’une substance psychédélique – est devenu un phénomène courant.

Considéré comme un moyen d’accroître sa productivité, de stimuler sa créativité ou d’améliorer son ouverture d’esprit, le microdosage de drogues psychédéliques gagne en popularité auprès de chercheurs universitaires et de personnes qui souhaitent tenter des expériences.

Le microdosage peut toutefois offrir davantage que des effets positifs sur l’humeur.

Grâce au poisson-zèbre et à notre nouvelle méthode d’administration précise et répétée de substances, mes collègues et moi étudions le LSD et les terpènes (substances chimiques présentes dans les plantes et responsables, entre autres, de leur odeur) dans le cadre d’une série de projets visant à explorer de nouveaux traitements pour les troubles de santé mentale et ceux liés à l’usage de l’alcool.

Le poisson-zèbre peut sembler un choix étrange pour étudier la santé humaine, mais il partage 70 % de ses gènes avec nous ; c’est un organisme auquel les scientifiques ont souvent recours pour observer les processus biologiques. Il est aussi incroyablement social, ce qui le rend bien adapté aux études comportementales des troubles psychiatriques et à la recherche sur différentes substances.

Toutefois, les recherches antérieures avec le poisson-zèbre portaient sur une administration « chronique », où les poissons demeuraient pendant des semaines dans une solution comprenant les substances étudiées. Étant donné que les humains ont besoin (au minimum) d’un peu de sommeil, cette administration ne peut refléter avec précision les habitudes de consommation humaine.

Une question de dosage

Pour dépasser ces limites, nous avons mis au point une nouvelle méthode qui permet de donner une dose précise à plusieurs poissons pour des durées d’exposition exactes. En plaçant un module dans le réservoir d’hébergement, nous pouvons déplacer des groupes de poissons vers un réservoir de dosage pour une période déterminée, ce qui permet d’imiter la façon dont les humains consomment de la drogue ou de l’alcool.

Pour vérifier si cette nouvelle procédure de dosage pouvait avoir des effets comportementaux et neurochimiques, nous avons réalisé une série de projets avec cette méthode pour examiner les effets de l’alcool et de la nicotine.

Tout d’abord, nous avons soumis les poissons-zèbres à une dose quotidienne modérée ou à une dose hebdomadaire très élevée d’éthanol pendant trois semaines. Nous avons constaté une différence significative dans les choix d’emplacement pendant la période de sevrage des poissons du groupe qui recevait une dose quotidienne modérée par rapport au groupe témoin, ce qui signifie qu’il y a eu des changements neurologiques.

Nous avons ensuite réalisé une étude avec des doses plus faibles pendant des périodes plus courtes. Dans ce cas, nous avons observé une diminution de l’audace et une hausse des comportements anxieux pendant le sevrage de la dose la plus élevée (à l’inverse de ce qu’on remarque après une dose unique élevée).

De même, en testant notre modèle avec de la nicotine, nous avons constaté que des doses très fortes diminuaient les comportements anxieux alors que des doses plus faibles, mais répétées, entraînaient une augmentation des comportements anxieux pendant le sevrage.

Chez les êtres humains, la consommation d’une boisson alcoolisée ou d’une cigarette peut diminuer l’anxiété, et on observe le contraire lors du sevrage. Nos études sur le poisson-zèbre démontrent les mêmes effets, ce qui nous conforte dans l’idée que nous pouvons l’utiliser pour tester de nouveaux composés avec des effets thérapeutiques potentiels pour les humains.

un verre court contenant de l’alcool à côté d’un cendrier dans lequel se trouve une cigarette fumante. en arrière-plan, hors champ, un homme portant une chemise bleue et un masque chirurgical
Les chercheurs ont constaté que la consommation de cigarettes et d’alcool a connu une hausse pendant la pandémie. Ces substances peuvent réduire l’anxiété, mais le sevrage de celles-ci peut ensuite l’augmenter. (Shutterstock)

Thérapies possibles

Les terpènes constituent un groupe vaste et diversifié de composés aromatiques. Ils sont responsables de l’odeur, du goût et de la pigmentation des plantes. De nombreux terpènes – comme ceux présents dans le thé, la citronnelle, le cannabis et les agrumes – présentent des vertus médicinales.

Nous avons constaté que des poissons-zèbres qui ont reçu une forte dose de terpène limonène (qu’on trouve dans les écorces d’agrumes et le cannabis) et de myrcène (dans le cannabis et le houblon) voyaient leurs comportements anxieux diminuer de façon importante. Une observation qui pourrait être cliniquement significative est que, contrairement à ce qui se produit avec la nicotine ou l’alcool, aucun effet négatif n’a été remarqué après des doses répétées pendant sept jours, ce qui semble indiquer un potentiel addictif minimal ou nul.

Cette étude, associée à des recherches antérieures, tend à montrer que les terpènes limonène et bêta-myrcène possèdent des effets sédatifs et anxiolytiques qui pourraient constituer des composés thérapeutiques pour le traitement de divers troubles mentaux.

gros plan d’une main tenant une pince à épiler manipulant de petits carrés de carton qui sont des languettes de microdose
Le microdosage de psychédéliques pour augmenter la productivité et stimuler la créativité suscite un intérêt croissant. (Shutterstock)

Recherche dans les Prairies

Certaines des recherches sur les psychédéliques les plus importantes ont débuté en Saskatchewan dans les années 1950. Humphry Osmond, psychiatre d’origine britannique, a utilisé le LSD et la mescaline pour traiter l’alcoolisme, des doses uniques ayant permis un taux de guérison de 50 à 90 % sur deux ans.

Cependant, bien qu’Osmond ait constaté le succès des traitements avec une dose unique élevée, l’administration d’une telle dose nécessitait une surveillance continue du patient pendant l’hallucination de sept à quinze heures afin d’éviter tout problème résultant d’une altération du jugement. D’un point de vue thérapeutique, cela prendrait beaucoup de temps aux cliniciens et ne serait pas réalisable.

C’est là qu’intervient le microdosage. Comme il s’agit d’une prise facile et sûre, nous pensons que ce modèle d’exposition est plus pertinent sur le plan thérapeutique, car les doses sont suffisamment petites pour être autoadministrées en toute sécurité avec les conseils appropriés d’un clinicien.

Connaissances futures

Dans notre première étude, nous avons administré à répétition des microdoses de LSD à des poissons-zèbres. En utilisant des tests de neuroscience comportementale pour quantifier la locomotion, l’audace et les comportements de type anxieux, nous n’avons observé aucun impact sur leur comportement après 10 jours de microdosage. Comme pour les terpènes, cela peut suggérer une absence de symptômes de sevrage ou de potentiel addictif, ce qui est encourageant pour les possibilités d’un usage clinique chez l’être humain.

Notre étude actuelle examine les effets du microdosage de LSD sur les symptômes du sevrage de l’alcool, dont l’abus est considéré comme un problème croissant dans les soins de santé canadiens.

Au Canada, les effets négatifs de l’alcool se font largement sentir. Les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale demeurent le type le plus fréquent de déficience intellectuelle au Canada, et les méfaits de l’alcool sont l’une des principales causes de blessures et de décès. L’alcool coûte aux Canadiens des milliards de dollars en perte de productivité et constitue un fardeau pour les systèmes de soins de santé et judiciaires. Le traitement et la désintoxication peuvent être coûteux, nécessiter beaucoup de temps et engendrer de longues périodes d’attente – si tant est qu’ils soient accessibles.

Des recherches supplémentaires sur d’autres substances psychédéliques, comme la psilocine (le composé psychoactif de la psilocybine, ou « champignon magique »), sont également prévues dans le but de fournir des preuves scientifiques permettant de déterminer si ces substances doivent être utilisées dans le cadre d’essais cliniques de plus grande envergure sur des humains.

Les psychédéliques peuvent être bénéfiques, mais, malgré les preuves de plus en plus nombreuses que le LSD et la psilocine n’entraînent pas de dépendance et présentent peu de risques, leur usage reste très limité. Peut-être qu’avec davantage de recherche et un changement dans la perception du public, nous pourrions voir un jour le LSD devenir un traitement radical pour la santé mentale et la dépendance.

This article was originally published in English

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