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En Italie, le divorce entre employés et managers

Les managers italiens auraient des difficultés à répondre aux besoins d'autonomie et d'indépendance dans le travail. Irina Palei / Shutterstock

Cet article est tiré de l’étude à paraître sur les types de comportements managériaux appréciés par les employés en Italie réalisée par Antonio Giangreco, professeur en ressources humaines à l’IÉSEG School of Business, Francesca Macchi, Massimiliano Serati, Federica Sottrici de l’Università Cattaneo LIUC, et Vittorio D’Amato, directeur du Centre de recherche sur le changement, le leadership et la gestion du personnel de l’Università Cattaneo LIUC.


En Italie, seulement un quart des employés recommanderaient leur manager à un collègue ou à quelqu’un avec lequel ils seraient amenés à travailler, et plus de 4 sur 10 déconseilleraient de collaborer avec lui. C’est ce qui ressort de notre étude en ligne menée auprès de 461 personnes travaillant de différents secteurs (industrie, services, etc.).

En cause, un style de management trop éloigné de leurs attentes. Ces résultats démontrent en effet qu’il y a une certaine forme d’antagonisme, voire de rancœur, entre les employés et les managers ou les employeurs. Il semble d’ailleurs que l’Italie ne soit pas une exception, puisque 87 % des travailleurs se sont déclarés « désengagés », selon une étude mondiale de 2017 menée par Gallup. Pour ce qui est de la France, une récente enquête de l’Institut Sapiens faisait état d’une augmentation des arrêts de travail qui serait liée à un « ras-le-bol managérial ». En Italie non plus, les développements et changements sociétaux liés à la digitalisation n’ont pas visiblement pas encore permis d’améliorer de manière significative les relations.

Demande de liberté

Les managers italiens auraient notamment des difficultés à répondre aux besoins d’autonomie et d’indépendance dans le travail, que l’on retrouve en particulier chez les plus jeunes. Plus que leurs aînés, ces derniers demandent un fonctionnement plus souple et des process moins stricts. Ils sont attachés à la flexibilité des horaires et des lieux de travail pour concilier au mieux la vie personnelle et la vie professionnelle. Sans pour autant perdre en productivité grâce aux nouvelles technologies.

Pour l’étude, il a été demandé aux sondés d’évaluer l’importance d’une série de 14 comportements pour estimer si une personne est un bon manager. Il en ressort un certain nombre d’attentes précises des employés vis-à-vis des managers, telles que la capacité à communiquer, à écouter et à surtout rendre ses employés autonomes. Le comportement le plus apprécié est ainsi celui de « donner une grande liberté à ses employés » (55,7 %). Suivent dans la liste « être à l’écoute de ses employés » (51,19 %) ; « prendre en compte les avis de ses employés » (46,6 %) ; « ne pas avoir peur des décisions difficiles » (35,79 %) ; et « vérifier la bonne compréhension des objectifs » (35,57 %).

Les employés italiens considèrent qu’un bon manager sait faire preuve d’écoute. Edward R/Shutterstock

Les résultats suggèrent également que, pour bien fonctionner, les employés ont besoin que leurs managers reconnaissent et récompensent les résultats et les comportements. Ces derniers doivent par ailleurs s’assurer que leur équipe dispose de toutes les ressources pour mener à bien le travail. Les employés décrivent les managers efficaces comme des individus raisonnables, qui savent que les émotions sont contagieuses et que leurs propres émotions sont des moteurs puissants de l’humeur de leurs employés et donc, en définitive, de leur performance.

Au-delà de l’entreprise

L’identification avec les employés de leurs critères d’évaluation de performance, tout comme la définition claire de leurs rôles et responsabilités sont reconnus comme des comportements managériaux essentiels dans la littérature sur le sujet. Pourtant, les résultats de notre étude montrent que ce n’est pas ce qui fait qu’un employé va recommander son supérieur hiérarchique ou pas. On peut l’expliquer en avançant que ces facteurs sont certainement perçus comme si essentiels qu’ils sont considérés comme acquis.

On peut conclure en soulignant que ces tensions hiérarchiques dépassent plus largement le champ du management dans les entreprises. Dans la société civile, les manifestations sociales récentes (comme le mouvement des « gilets jaunes » en France et en Belgique et les manifestations liées aux « secteurs digitalisés » dans d’autres pays, etc.) semblent souligner une certaine polarisation entre ceux qui sont perçus comme titulaires de trop de privilèges (les employeurs et les managers) et ceux qui n’en ont pas (les employés). Pour les managers, les résultats de notre étude peuvent donc constituer un point de départ utile pour commencer à établir, à leur niveau, de meilleures relations de travail avec leurs employés.

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