Menu Close

Enquête : Les conférences prédatrices, parodies lucratives de rencontres scientifiques

Une conférence vide de contenu. Photo by ål nik on Unsplash

Avec l’humour distancié qui fait son charme, l’écrivain anglais David Lodge a donné à un public large une idée de ce qu’est une conférence dans le monde universitaire : reconnaissance par les collègues, petites vanités, dynamique sociale d’un microcosme… Une sorte de « tourisme » professionnel très encadré.

Si, en littérature, la recherche universitaire est avant tout un parcours individuel, en sciences, les avancées sont le résultat d’un effort collectif, même si des géants laissent parfois leur empreinte particulière. Ainsi, les scientifiques pratiquent l’art de la rencontre. Elles se déclinent en plusieurs tailles, et en plusieurs noms : conférences, congrès, symposiums, ateliers ou workshops, journée(s), séminaires… Leurs thèmes peuvent être plus ou moins (hyper-)spécialisés. Leur aire géographique varie du local ou régional à l’intercontinental, en passant par les rencontres nationales, quand ce ne sont pas des échanges bilatéraux ou multilatéraux.

En somme, il s’agit d’une activité courante de communication sur les résultats et travaux en cours, complémentaire de la publication dans des revues. Lors des réunions, le sérieux et la concentration sont de mise, ce qui étonne parfois les hôteliers qui accueillent les conférenciers.

Dans certaines disciplines, en informatique ou en économie notamment, une présentation réussie en conférence, qui suscite une discussion riche, est mieux considérée par la communauté qu’une publication dans une revue.

Organiser une rencontre, mode d’emploi

De façon générale, organiser une rencontre apporte du prestige. Il varie selon le nombre et la réputation des participants, selon la nature ponctuelle ou périodique de la réunion (elle peut se dérouler dans un lieu fixe ou bien changeant, ou être pilotée chaque fois par une équipe différente). En général, la responsabilité de l’organisation est partagée par un certain nombre d’universitaires. Souvent sous le patronage d’une société savante, les organisateurs peuvent aussi s’être constitués en groupe informel sous l’impulsion d’un leader reconnu du domaine.

Les organisateurs décident du programme scientifique de la conférence, et « invitent » alors quelques participants renommés dont la présence est particulièrement espérée. Ces invités donneront par exemple une intervention « plénière » s’il y a des sessions plus spécialisées organisées en parallèle ; autre possibilité, on les sollicitera pour une intervention qui va donner le ton de la rencontre, en anglais une keynote. Pour le commun des chercheurs, c’est le comité scientifique qui choisira, parmi les contributions soumises, celles qu’il accepte, pour une présentation orale ou bien pour une présentation limitée à une affiche, dans une session où ces « posters » se discutent individuellement.

Choisir un lieu attrayant

Une rencontre scientifique, c’est aussi de l’événementiel. Le choix du lieu est de la responsabilité des organisateurs : ce peut être l’université elle-même (lors des vacances, les salles sont libres), ou un endroit attrayant : lieu de villégiature (en saison ou pas), ville possédant un palais des Congrès, voire un site isolé dédié à la discipline et conçu pour favoriser les rencontres informelles entre les congressistes : les écoles d’été de l’Ecole de Physique des Houches, par exemple.

La charmante île de Lindau en Allemagne où se réunissent les Nobels. Böhringer/Wikipedia, CC BY-SA

À toute conférence, ses tâches matérielles : pauses café, repas, transports éventuels depuis les hôtels – dont le prix peut avoir été négocié –, éventuelle escapade touristique, « banquet » formel de la conférence, organisation de la publication des « Actes » de la rencontre. Ces tâches, parfois assumées par des prestataires, sont un peu décalées par rapport au quotidien de laboratoire, comme dans une famille la préparation d’un mariage, qui peut être « dans l’intimité », « mondain », ou même « princier ».

Combien ça coûte ?

Derrière tout évènement scientifique, il y a donc un budget, parfois conséquent, d’autant qu’il peut être parfois nécessaire de défrayer certains des « invités ». Pour trouver de l’argent, le comité d’organisation frappe à bien des portes – institutions de recherche, structures administratives locales, « sponsoring » par des sociétés industrielles ou commerciales du secteur, éventuelle exposition commerciale de produits – pour que les droits d’inscription, pris sur les budgets des laboratoires, soient non dissuasifs, et réduits pour les étudiants (« chercheurs en formation »), ou pour les participants issus de pays où la recherche est en difficulté.

Pour les très grands forums qui réunissent des milliers de participants, sous l’égide d’une société savante, il est souvent demandé à la plupart des « invités », et même parfois aux membres des comités et sous-comités spécialisés, de payer leur participation. Ceci pour éviter des dispenses, qui risqueraient de devenir des passe-droits pas vraiment légitimes.

Dans ce monde académique dévoué, où la malhonnêteté est plus fréquemment intellectuelle que financière, les droits d’inscription résultent d’un calcul plutôt transparent, même si certaines sociétés savantes ou techniques paraissent un peu « gourmandes » : malgré un fonctionnement un peu luxueux, le soupçon d’enrichissement personnel est absent.

Des évènements spécialisés de haute volée sont également organisés. Ils mêlent représentants d’industries de pointe, décideurs, et scientifiques réputés pour leur vision prospective. On y trouve des espaces dédiés à l’exposition de matériels. Les règles pour ces salons, ou foires professionnelles, qui peuvent demander la location d’un centre d’exposition tout entier, sortent un peu du cadre académique même si un comité scientifique pilote l’évènement. Parfois, la nature commerciale est clairement affichée comme pour Consumer Electronics Show (CES) à Las Vegas, grand-messe mondiale de l’innovation technologique.

Le CES, plus foire commerciale que rencontre scientifique. http://www.europlasma.be/Events/CES-Las-Vegas-2015, CC BY

« Vous êtes invité »… par un comité fantôme

Parfois, ce système établi de conférences scientifique dérive vers de bien étranges rivages… Depuis quelques années, il est devenu très fréquent pour les chercheurs de recevoir dans leur boîte mail des « invitations » à présenter ses travaux, en Chine notamment, ou même à organiser une session thématique de son choix pour d’« importantes » conférences au domaine scientifique très large. Ces invitations sont envoyées par un secrétariat au nom d’un comité où vous ne connaissez personne, même de réputation. Il est raisonnable de ne pas répondre en pensant qu’une conférence trop large ne permettra pas de trouver son public. Mais certains peuvent rêver d’être enfin reconnu à leur juste valeur, puisque un comité lointain estime qu’un travail, que l’on jugeait très spécialisé, va intéresser un public important.

Peu de précisions seront obtenues du secrétariat. Evidemment… Car l’essentiel, malgré votre statut « d’invité », est qu’il vous faut payer les frais d’inscription (1000 dollars, jusqu’à 2500 dollars, avec 100 $ de réduction pour les orateurs !). Je me souviens d’avoir été impressionné qu’une conférence, au titre orienté biochimie, parvienne à afficher à son programme plusieurs prix Nobel, tant en physique qu’en chimie, avec photos, et présentations de ces prétendus intervenants. Comment les organisateurs ont-ils fait ? Tout simplement en copiant collant les informations présentes sur le site officiel des prix Nobel. Le programme annoncé n’était qu’un fourre-tout « en construction », même après la date limite de participation (peu de doute à avoir : tout contributeur payant est le bienvenu jusqu’au jour J).

Conférences prédatrices

Une dénonciation des conférences prédatrices, parue dans un premier temps sur le Huffington Post. Nature Microbiology

Au delà de ces « spams » ciblés, il existe une véritable industrie des « conférences prédatrices », avec ses sociétés identifiées et ses artisans, parodiant pour gagner de l’argent, les pratiques des rencontres scientifiques.

Tout d’abord, il s’agit de proposer un lieu attirant. On fait miroiter aux participants une possibilité de « rencontrer des spécialistes internationaux », on évoque de possibles développements commerciaux. Le titre, conforme à la dernière mode technologique, est généraliste. Il est gonflé d’importance : « International Conference », voire « World summit » ! Il est souvent une simple démarque d’une conférence reconnue dans le domaine. Avec une liste de sous-thématiques très larges et ouvertes à des applications toujours séduisantes (nano, énergie, environnement, robotique, intelligence artificielle…), cela ne peut produire qu’une rencontre hétéroclite de spécialités diverses.

Dans beaucoup de cas, un comité est mentionné, qui peut inclure de vrais scientifiques, pas toujours consentants. Parfois, certains scientifiques se laissent aller, par naïveté ou absence de scrupules, à s’auto-proclamer « invités », ou « keynote speaker ». À ce comité principal, au rôle sans doute insignifiant, peut s’ajouter un « comité technique », au rôle encore moins clair, si ce n’est de donner une apparence de sérieux. Il produit une liste de noms, que l’on imagine d’universitaires, avec des rattachements improbables… Par exemple Corée du Nord, ou centre de recherche nucléaire d’une université islamique en Iran.

Le programme définitif n’est pas annoncé à l’avance, le lieu exact pas toujours précisé, et une fois l’évènement conclu, la seule trace de la prétendue « conférence internationale » se limite souvent à des photos en ligne, attestant que la réunion s’est tenue. Pour une durée annoncée de 3 jours, le premier jour peut se limiter à « enregistrement et remise des documents », et le troisième n’indiquer qu’une « visite » optionnelle. Le paiement des frais d’inscription ne garantit pas toujours la tenue de l’évènement promis. Des conférences diverses peuvent se retrouver en un même lieu, confinées dans une salle d’hôtel partagée à la hâte.

Quand tout est invention

La palme pourrait venir de « conférences », où se rassemblent des vrais scientifiques – en principe habitués à moins de naïveté –, qui sont organisées par des personnages, réels ou virtuels, on ne sait, se bardant de titres académiques inventés ou frauduleux : un joli délire est de s’inventer « membre du Comité Nobel pour la chimie ». Il faut, de même, une belle imagination romanesque pour afficher, à l’adresse d’une maison familiale, le lieu d’une prétendue université, la California South University, annoncée évidemment comme de renom. Ce joli site web poursuit un intérêt très terre-à-terre : monnayer des diplômes sans valeur acquis par « correspondance ».

Un comble : la publicité pour des universités douteuses et des conférences prédatrices peut passer par des canaux réputés sérieux. C’est dans la prestigieuse revue Nature, en contrepoint d’articles scientifiques véritables qui ont passé un filtre très sévère de qualité et d’originalité, que l’on trouve une rubrique Nature events directory (annuaire d’évènements scientifiques), dédiée à l’annonce (éventuellement gratuite) de conférences, y compris de celles avec des comités aux membres fantaisistes.

L’agenda de la revue Nature. Fourni par l’auteur, CC BY

Mais qui sont donc les gogos de clients ?

Les clients de ces conférences sont-ils de vraies victimes ? Le préjudice est clair pour les institutions qui ont financé sans méfiance l’inscription, mais les participants sont-ils floués, ou en ont-ils eu pour un argent qui n’était pas le leur ?

De vrais chercheurs, habitués aux authentiques conférences scientifiques, s’inscrivent parfois, faisant preuve de naïveté. Peut-être aussi d’une touche de vanité : la forte pression à enrichir son CV fait perdre au scientifique son sens critique. Il aura aimé croire qu’un comité d’inconnus le connaissait suffisamment, lui et ses travaux, pour l’avoir convié. Pourquoi refuser une « invitation » – certes payante – à être un orateur valorisé pour une occasion qui vous envoie au bout du monde ? La dépense reste faible par rapport au lourd budget des équipements scientifiques, et les institutions de recherche encouragent la « diffusion » des travaux.

Si on se fie aux « interventions » publiées à l’issue de ces conférences, la majorité des participants sont issus de la périphérie du monde académique, loin de toute vraie compétition internationale. Ces participants n’auront que rarement l’envie de dire à leur retour qu’ils n’ont rien appris des quelques conférences bien trop techniques et sans rapport avec leur compétence limitée, et restreinte à un micro-domaine fortement spécialisé. Outre un séjour touristique, du prestige social, ces participants peuvent cependant afficher sur leur C.V., une « publication internationale » et un certain prestige vis-à-vis de leurs collègues. S’ils font partie de la cohorte des enseignants qui doivent former des techniciens du bâtiment, leur contribution pas franchement originale en « matériaux de construction » apparaîtra dans un ouvrage dédié aux « matériaux intelligents ».

Des « Actes » de conférence douteux

Les rencontres scientifiques sont des lieux de discours, certes formalisés (par diapositives ou par posters), mais où l’on évoque des travaux en cours ou des résultats hypothétiques. On peut souhaiter garder trace des interventions, notamment s’il y a des conférenciers de prestige. Une évolution courante est de laisser en ligne – en accès libre, ou restreint aux seuls participants – une copie des diapositives présentées. Proposer à tout participant, venu avec un simple poster ou pour une intervention courte, d’écrire plusieurs pages sur sa présentation, détourne le concept d’Actes de la conférence, puisque ce texte excédera bien sûr ce qui a été présenté – voire débattu ou critiqué – publiquement. Au minimum, une publication devrait respecter les procédures scientifiques de « relecture par les pairs ». C’est loin d’être le cas lorsque les organisateurs se glorifient d’une liste de « relecteurs » comptant plusieurs centaines de noms, non identifiables professionnellement.

Editeur prédateur

En fait, avec des tarifs d’inscription réduits pour les orateurs qui ne demandent pas à être publiés, l’organisateur se transforme en un éditeur de journal prédateur, qui vend la mise en ligne d’articles scientifiques sans la sélectivité inhérente aux articles scientifiques. Si un journal prédateur n’ose pas dire que tout sera publié, la conférence prédatrice a le grand avantage d’associer voyage et publication : la prétendue sélection par le « comité » garantit la présentation, ET la publication ultérieure.

Un article du New York Times sur les universitaires bidons. NYT

Si l’organisateur indique que les Actes seront publiés dans une revue bien indexée par les moteurs de recherche, il gagne en attractivité, d’autant que le monde des universitaires sait bien que toutes les publications ne sont pas égales. Malheureusement, avec la multiplication des rencontres, légitimes ou prédatrices, des éditeurs reconnus, y compris des sociétés savantes, se mettent à publier des Actes de conférence prédatrice. En théorie, les éditeurs exigent une relecture par les pairs. Ce n’est qu’une clause formelle, surtout si le niveau des « pairs » est incertain, ou loufoque. Le filtrage espéré d’une édition de société savante peut s’avérer inexistant.

Ainsi, dans les Actes d’une « Conférence Internationale pour la Science et l’Ingénierie en mathématiques, physique et chimie », tenue et publiée annuellement, on peut trouver un article qui prétend renouveler la théorie de la relativité, le suivant (du même auteur) ouvre à une nouvelle vision du big bang cosmologique, et ceci voisine avec l’étude d’un logiciel de reconnaissance des mouvements, spécifique à l’identification des danses traditionnelles kazakhes, alors que l’article final du même volume traite de l’impact économique des nouvelles technologies à un niveau national ! Non sans naïveté, le volume inclut une « photo de conférence », où l’assistance se limite à une vingtaine de personnes, ce qui n’a pas empêché d’organiser des conférences plénières et des sessions parallèles…

Quand cela se passe en France

Certaines de ces conférences se tiennent en France. C’est une expérience personnelle qui m’a introduit à ce monde étrange et parodique. Des collègues étrangers, avec qui je coopère, étaient initialement invités en France pour une réunion de travail avec d’autres partenaires. Mais la réunion authentique s’est transformée en un « évènement satellite » d’une rencontre internationale. Que s’est-il passé ? Ces collègues ont écrit un résumé d’intervention – dont je suis devenu co-signataire –, accepté rapidement par « l’organisation » de la conférence.

J’ai alors cherché à me renseigner sur cette rencontre proche de mes thèmes de recherche dont je n’avais pas entendu parler. J’étais intrigué par les droits d’inscription en dollars et par la présence dans le « comité » de collègues universitaires éloignés de ma spécialité. La durée s’annonçait courte (une seule journée de science pour 3 jours annoncés), l’orthographe des établissements organisateurs étrange, et peu de traces de l’édition précédente… Mais le soutien d’un laboratoire de renom qui a affiché l’évènement sur son site web et la mention d’un éditeur reconnu pour les Actes paraissaient rassurant.

J’étais plutôt satisfait que ma (modeste) contribution de co-auteur soit valorisée par une présentation en conférence, mais ma curiosité professionnelle a pris le pas : cette conférence était bizarre. Les quelques photos de la première édition témoignaient que l’« évènement » avait doublonné une première fois avec une conférence jumelle. C’était à nouveau le cas, et le laboratoire « organisateur » l’ignorait… J’ai alors lancé une alerte circonstanciée auprès de la direction de ce laboratoire, et j’ai eu la surprise de recevoir une réponse qui se félicitait de l’initiative de « jeunes chercheurs » du labo pour appuyer cet évènement dont on n’ignore pas qu’il est organisé depuis la Chine.

L’annonce a cependant été assez vite retirée du site du laboratoire. Les jeunes scientifiques, mis en alerte, ont su se désengager de l’évènement (maintenu dans une salle de réunion d’hôtel et non dans un institut universitaire). Vraisemblablement, un chercheur géographiquement éloigné était en relation non élucidée avec l’organisation chinoise, et avait su convaincre ses jeunes collègues français que leur participation serait bénéfique à leur CV.

D’autres conférences prédatrices se tiennent en France. Il est facile de les repérer en analysant les sites qui recensent les conférences annoncées, ou plus directement sur les sites de sociétés prédatrices. Des collègues y sont souvent annoncés comme orateurs. On espère que les organisateurs les trompent sur le vrai but, lucratif et non pas scientifique, de l’évènement. Ces conférences exhibent fréquemment le logo, comme sponsor ou co-organisateur, d’institutions de renom (université ou laboratoire), faisant supposer avoir reçu un soutien financier, ou matériel et moral. Le cas n’est pas non plus isolé où le site web institutionnel d’un laboratoire a un lien vers la conférence prédatrice. Pire peut-être, l’inscription peut proposer en supplément (moyennant une centaine de dollars), une « visite académique » (souvent prévue un samedi !) d’université ou laboratoire public.

J’ai alerté sur ces questions plusieurs directions d’institution, en pointant ces éléments troublants. Mais je n’ai reçu que très peu de réponses. S’agit-il d’une manifestation d’un esprit de corps, pour « éviter les vagues » et protéger éventuellement des collègues quelque peu indélicats qui pourraient participer en connaissance de cause à ces évènements indignes ? Tant que l’on n’a pas fouillé un peu le sujet, et pris conscience du foisonnement de ces organisations prédatrices, il n’est peut-être pas étonnant qu’une direction reste incrédule. Ces dérives restent sûrement marginales, mais, dans le même ordre d’esprit, on peut se souvenir du manque de vigilance d’universités lors des affaires de trafic de diplômes au profit d’étudiants chinois qui n’avaient jamais parlé le Français.

Et dans les vraies conférences ?

Certaines pratiques douteuses s’immiscent aussi dans de vraies conférences scientifiques. Le prestige des recherches un peu transversales et des technologies émergentes bousculent les frontières des communautés scientifiques établies. Ceci explique que puisse apparaître de véritables conférences scientifiques, mais sans assise collective ni comité solide, et dont le caractère non-lucratif est loin d’être assuré.

Ainsi, un chercheur aux travaux honorables et avec entregent peut solliciter des collègues de renom, pour qu’ils deviennent responsables d’une session thématique hébergée dans le cadre d’une grande conférence internationale sur un sujet « chaud ». Si de plus le lieu est attrayant, la réponse des collègues sera souvent positive : il est valorisant de recevoir une invitation pour une thématique que l’on maîtrise bien, et si la session se montre scientifiquement riche, on valorisera son propre sous-domaine, et sa propre réputation.

Mais il y a un souci. Les orateurs doivent financer sur leurs crédits de recherche, un voyage lointain et s’acquitter de frais d’inscription dont ils ne sont bien sûr pas dispensés. On découvre alors avec surprise que presque tous les participants sont des « orateurs invités » par des responsables de sessions, eux-mêmes astreints à payer leurs frais d’inscription.

L’attractivité de cette rencontre, avec la soumission spontanée de contributions à un comité, s’avère en réalité très faible. Les responsables de session se sentent floués lorsqu’ils comprennent qu’ils ont servi à récolter des frais d’inscription de plusieurs centaines d’euros par personne. Une obscure société « gère » les prestations fournies, minimalistes (pauses café, badges, valisette en plastique, clé USB pour les résumés des interventions, « vouchers » pour la cafétéria universitaire en guise de « repas inclus »…) alors que l’évènement, tenu dans des locaux universitaires, a des frais de locations de salle modestes ou nuls.

Les organisateurs de ce genre de conférences savent renouveler leur « stock » de responsables de session… Celle que j’ai décrite est bien rodée, et circule annuellement autour du monde. Tant pis si le service rendu à la communauté scientifique n’est pas excellent : ce critère n’est pas encore essentiel pour les rencontres de science.

Pour finir, un exemple amusant de ce mélange des genres où la science n’est pas bien traitée, la conférence-croisière… L’inscription vise, sans aucun doute, les chercheurs ayant trop de crédits (ce qui arrive, même en France, pour qui sait réussir la course aux contrats et autres financements spécifiques). Coquetterie ou prudence, sur la facture adressée au laboratoire, le mot “croisière” n’apparaîtra que sur demande expresse du participant !

Une conférence-croisière, mais vous pouvez vous cacher du comptable de votre université. Fourni par l’auteur, CC BY

Cet article est publié en partenariat avec l’émission de vulgarisation scientifique quotidienne « La Tête au carré », présentée et produite par Mathieu Vidard sur France Inter. L’auteur de ce texte a évoqué ses recherches dans l’émission du 22 décembre 2017 en compagnie d’Aline Richard, éditrice science et technologie pour The Conversation France.

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,600 academics and researchers from 4,945 institutions.

Register now