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La femme âgée asiatique est confuse parce qu'elle ne peut se souvenir du visage de sa fille
Lorsqu’un locuteur en bonne santé ne parvient pas à trouver un mot de son lexique qu’il a l’impression de connaître, les spécialistes du langage parlent du phénomène du « mot sur le bout de la langue ». (Shutterstock)

Est-ce normal d’oublier des mots quand on parle  ? Quand doit-on s’inquiéter  ?

On a tous vécu cette situation où, au milieu d’une phrase, on est incapable de trouver le mot qu’on veut utiliser, même si on sait très bien qu’on le connaît.

Pourquoi cela se produit-il  ?

Et doit-on considérer qu’il s’agit d’un signe qu’il y a un problème  ?

Tout le monde éprouve occasionnellement des difficultés à trouver ses mots. Mais si cela arrive très souvent avec un large éventail de mots, de noms et de chiffres, cela peut être le signe d’un trouble neurologique.

Les étapes de la production de la parole

La formulation d’un mot nécessite plusieurs étapes de traitement :

  1. déterminer le sens voulu ;

  2. choisir le mot juste dans son « lexique mental » (un dictionnaire mental du vocabulaire du locuteur) ;

  3. récupérer sa structure sonore (appelé « forme ») ;

  4. exécuter les mouvements des organes de la parole pour formuler son idée.

La difficulté à trouver des mots peut survenir à chacun de ces stades.

Lorsqu’un locuteur en bonne santé ne parvient pas à trouver un mot de son lexique qu’il a l’impression de connaître, les spécialistes du langage parlent du phénomène du « mot sur le bout de la langue ».

Souvent, le locuteur frustré tentera de donner quelques informations sur le sens du mot qu’il souhaite utiliser, « tu sais, ce truc avec lequel tu frappes sur un clou », ou sur son orthographe, « ça commence par un M  ! »

Ce type de problème est relativement commun et se produit généralement lors de la récupération de la structure sonore d’un mot (étape 3 ci-dessus).

Qu’est-ce qui peut faire qu’on cherche un mot  ?

Les difficultés à trouver des mots surviennent à tout âge, mais elles sont plus fréquentes à mesure qu’on vieillit. Chez les personnes âgées, elles peuvent être source de frustration et d’anxiété quant à la possibilité de développer une démence. Mais il n’y a pas toujours lieu de s’inquiéter.

Pour étudier ce phénomène, les chercheurs peuvent demander aux personnes de tenir un journal afin de noter la fréquence et le contexte dans lequel il se produit. L’examen de journaux de bord a montré qu’on a davantage tendance à chercher certains types de mots, tels que les noms de personnes et de lieux, les substantifs concrets (de choses, comme « chien » ou « bâtiment ») et les substantifs abstraits (de concepts, comme « beauté » ou « vérité ») que les verbes et les adjectifs.

Les termes qu’on utilise peu sont aussi plus susceptibles d’engendrer le phénomène du « mot sur le bout de la langue ». On suppose que c’est dû au fait que les liens entre leur signification et leur sonorité sont plus faibles que pour les mots fréquents.

Des études en laboratoire ont également montré que ce phénomène se produit plus souvent dans des situations sociales stressantes, par exemple lorsque l’on fait l’objet d’une évaluation, et ce, quel que soit son âge. Ainsi, de nombreuses personnes déclarent avoir connu ce type de problème dans le cadre d’entretiens d’embauche.

Quand doit-on craindre un problème sérieux  ?

Des échecs répétés avec un large éventail de mots, de noms et de chiffres sont susceptibles d’indiquer des problèmes plus graves.

Les spécialistes du langage utilisent les termes « anomie » ou « aphasie anomique » pour décrire cette condition. Elle peut être due à des lésions cérébrales causées par un accident vasculaire cérébral, une tumeur, un traumatisme crânien ou une démence telle que la maladie d’Alzheimer.

Bruce Willis
La famille de Bruce Willis a annoncé l’année dernière qu’il souffrait de troubles de la parole. Getty Images

La famille de l’acteur Bruce Willis a récemment révélé qu’il était atteint d’une maladie dégénérative connue sous le nom d’aphasie primaire progressive, dont l’un des premiers symptômes est la difficulté à trouver les mots plutôt que la perte de mémoire.

L’aphasie primaire progressive est généralement associée à la démence frontotemporale ou à la maladie d’Alzheimer, bien qu’elle puisse être causée par d’autres pathologies.

L’aphasie anomique peut être due à des problèmes survenant à différents stades de la production de la parole. Une évaluation par un neuropsychologue clinicien ou un orthophoniste peut clarifier quel stade est affecté et quelle est la gravité du problème.

Par exemple, si quelqu’un est incapable de nommer l’image d’un objet courant tel qu’un marteau, la personne qui l’évalue lui demandera de décrire à quoi sert l’objet (la réponse pourrait être « c’est quelque chose qui sert à frapper sur des choses » ou « c’est un outil »).

Si cela ne fonctionne pas, on lui dira de faire un geste ou de mimer la façon dont on l’utilise. On pourra aussi lui donner un indice, comme la première lettre (M) ou la première syllabe (mar).

Les résultats de la plupart des personnes atteintes d’aphasie anomique s’améliorent lorsqu’on leur propose des indices, ce qui montre qu’elles ont surtout des difficultés aux derniers stades, soit la récupération des formes de mots et les aspects moteurs de la parole.

Cependant, si la personne est incapable de décrire ou de mimer l’utilisation de l’objet, et que les indices ne l’aident pas, cela incite à penser qu’il y a perte de la connaissance ou de la signification des mots. C’est généralement le signe d’un problème plus grave, tel que l’aphasie primaire progressive.

Des études d’imagerie menées sur des adultes en bonne santé et des personnes souffrant d’aphasie anomique ont montré que ce ne sont pas les mêmes zones du cerveau qui causent la difficulté à trouver les mots.

Chez les adultes en bonne santé, des échecs occasionnels à nommer l’image d’un objet courant sont liés à des changements dans l’activité des zones du cerveau qui contrôlent les aspects moteurs de la parole, ce qui pourrait indiquer un problème ponctuel d’articulation plutôt qu’une perte de mots.

Dans le cas d’une anomie causée par une aphasie primaire progressive, les régions du cerveau qui traitent le sens des mots présentent une perte de cellules nerveuses et de connexions ou une atrophie.

Bien que l’aphasie anomique soit fréquente après un accident vasculaire cérébral survenu dans l’hémisphère gauche du cerveau, les difficultés à trouver des mots qui y sont associées ne semblent pas pouvoir être distinguées selon des zones précises.

Il existe des thérapies pour l’aphasie anomique. En général, un orthophoniste entraîne la personne à nommer des choses à l’aide de différents types d’indices ou d’amorces. Les indices peuvent être des caractéristiques d’un objet ou d’une idée, des caractéristiques sonores d’un mot ou une combinaison des deux. Les applications pour tablettes et téléphones intelligents donnent des résultats prometteurs lorsqu’on s’en sert pour compléter le traitement par des exercices à domicile.

Le type d’indice utilisé dépend de la nature de la déficience. La réussite de la thérapie est associée à des changements dans l’activité des zones du cerveau connues pour contribuer à la production de la parole. Malheureusement, il n’existe pas de traitement efficace pour l’aphasie primaire progressive, bien que certaines études indiquent que l’orthophonie peut apporter des bénéfices temporaires.

Si vous êtes préoccupé par vos difficultés, ou celles d’un proche, à trouver des mots, vous pouvez consulter votre médecin généraliste qui vous orientera vers un neuropsychologue clinicien ou un orthophoniste.

This article was originally published in English

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