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Un ours polaire sur une banquise. L'Arctique est particulièrement sensible aux changements climatiques, et la façon dont il réagit est complexe et a un impact important sur le reste du globe. shutterstock

Expédition MOSAiC: mieux comprendre la crise climatique grâce à l'Arctique

Nuit polaire interminable, ours blancs, températures glaciales plongeant jusqu'à -45°C… Voilà ce à quoi seront confrontés les 600 experts qui prennent part à l'expédition MOSAiC, la plus grande jamais réalisée au coeur de l'océan Arctique.

Du 20 septembre 2019 à septembre 2020, ce groupe de scientifiques partira à bord d’un brise-glace qui se laissera dériver, en suivant le mouvement de la glace, pendant toute une année. Avec un budget de plus de 120 millions d’euros (175 millions de dollars canadiens), MOSAiC (Multidisciplinary drifting Observatory for the Study of Arctic Climate) est le résultat de l’effort d’un consortium international d’institutions de recherche polaire.

L'objectif principal de cette odyssée scientifique est l’étude du système climatique Arctique, c’est-à-dire l’ensemble de l’atmosphère, l’océan, la glace marine et la biosphère, ainsi que leurs interactions. En quoi cette expédition scientifique mérite-t-elle un tel déploiement de ressources ?

En septembre 2019, le brise-glace de recherche allemand Polarstern partira de Tromsø, en Norvège et, une fois arrivé à destination, passera l'année suivante à dériver à travers l'océan Arctique, piégé dans la glace. The Alfred Wegener Institute, CC BY

Le système climatique Arctique est particulièrement sensible aux changements climatiques, et la façon dont il réagit est complexe et a un impact important sur le reste du globe.

L'Arctique se réchauffe plus vite

Pour un compte rendu détaillé et fiable de l'état du climat, on peut se tourner vers le cinquième rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC). Le rapport a conclu que l’Arctique s’est réchauffé substantiellement depuis la moitié du 20ème siècle, et que les humains ont contribué à ce réchauffement. Entre 1972 et 2012, la moyenne annuelle de l’étendue de la glace marine Arctique a diminué à un taux entre 3,5 et 4,1 pour cent par décennie. La masse de la calotte glaciaire du Groenland a aussi diminué pendant les dernières décennies.

Plus récemment, le rapport annuel de la NOAA sur l’Arctique a constaté qu’en 2018 le taux d’augmentation de la température près de la surface en Arctique était toujours deux fois plus élevé que celui de l’ensemble du globe. Dans ce contexte de réchauffement climatique, on s’attend à ce que les événements météorologiques extrêmes, comme le record de fonte de glace en une journée dans la calotte glaciaire du Groenland, soient de plus en plus fréquents.

Trajectoire de dérive potentielle du Polarstern pour la position de départ choisie à 120° E et 84° N. Les couleurs représentent le mois de dérive qui commence en octobre 2019 et se termine en octobre 2020. La petite barre de couleur illustre la concentration de glace de mer. Alfred-Wegener-Institut

Le fait que le réchauffement dans l’Arctique soit plus intense que le réchauffement au niveau global est connu sous le nom d’« amplification Arctique ». Ce phénomène est le résultat d’un grand nombre de processus physiques interdépendants qui ont lieu dans l’Arctique.

Par exemple, un de ces processus est la rétroaction albédo. L’albédo fait référence à la capacité d’une surface à réfléchir l’énergie du soleil. Comme exemple de la vie quotidienne, on sait par expérience que l’asphalte devient particulièrement chaud en été ; cela est dû au fait qu’il réfléchit peu l’énergie du soleil. Pour lutter contre le phénomène d’îlots de chaleur urbains dans certaines villes, on construit des toits réfléchissants.

Dans l'Arctique, si la température près de la surface augmente, la neige et la glace fondront plus rapidement et, comme le sol et l’océan sous-jacents réfléchissent beaucoup moins l’énergie du soleil, la température augmentera. Et ainsi de suite.

Raffiner les modèles climatiques

Pour étudier l’évolution du climat dans le temps, la communauté scientifique a développé des modèles climatiques. Ces modèles sont composés d’un ensemble de modules représentant chacun une composante du système climatique (atmosphère, océan…).

Prenons comme exemple l’atmosphère. Pour développer un modèle de l’atmosphère, il faut d’abord connaître les lois physiques qui régissent l’évolution de celle-ci. Ces lois sont représentées par un ensemble d’équations. Si l’on divise l’atmosphère en un grand nombre de petits cubes, on peut appliquer ces équations dans chaque cube afin d’obtenir l’évolution de la température, du vent et d’autres variables atmosphériques. On obtiendra ainsi une image 3D de l’atmosphère à différents instants.

Étendue de la banquise arctique (surface de l'océan avec au moins 15 % de glace de mer) National Snow & Ice Data Center

Un des principaux défis pour le développement des modèles climatiques est le fait que certains paramètres du modèle doivent être ajustés afin de bien représenter les processus physiques, comme la formation de nuages. Cet ajustement requiert la disponibilité d’observations, qui nous permettent de mieux comprendre ces processus.

L'importance des données observationnelles

Les satellites polaires, qui tournent autour de la Terre en suivant une trajectoire nord-sud, peuvent fournir des observations de la région Arctique avec une bonne résolution horizontale, c'est-à-dire avec beaucoup de détails à l'horizontale. Cependant, la période écoulée entre les observations d’un même endroit sont trop longues. Les observations « conventionnelles », qui sont fournies notamment par les stations météorologiques en surface, les bateaux et les avions, sont donc essentielles pour mieux comprendre des processus comme la formation des nuages dans l’Arctique. Malheureusement, comme l’Arctique est isolé, on dispose de peu d’observations de ce type dans cette région.

C’est là où entre en jeu MOSAiC. Cette expédition fournira des données observationnelles des quantités physiques telles la température et l’humidité de l’air. Ces données contribueront à l’amélioration de la performance des modèles climatiques, ce qui permettra d’obtenir des projections plus réalistes du changement climatique. En plus, le succès de cette expédition pourrait jeter les bases pour des campagnes de mesure encore plus ambitieuses dans l’Arctique.

Mais MOSAiC est plus qu’une affaire de scientifiques. Partout dans le monde, les professeurs et les étudiants sont invités non seulement à poser leurs questions aux scientifiques au bord du MOSAiC, mais aussi à leur suggérer des expériences. Une manière de faire comprendre au plus grand nombre que l’Arctique est bel et bien l’affaire de tous.

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