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Footbusiness : quand faut-il virer un entraîneur … et doit-on vraiment le faire ?

Un entraineur viré: Claude Makelele et son adjoint Didier Tholot quittent le centre d'entrainement du Sporting Club de Bastia le 3 novembre 2014. PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

Lors de la saison 2014-2015, trois entraîneurs ont été limogés, Claude Makelele de Bastia, Alain Casanova de Toulouse et Jean-Luc Vasseur de Reims. Au final, alors qu’au moment du licenciement, leur club était en position de relégable, aucun n’est descendu en Ligue 2.

On ne peut donc que valider l’idée, communément admise, de virer le coach lors d’une mauvaise passe. En effet, une simple analyse statistique montre que le remplacement des trois tacticiens a tiré vers le haut les performances des équipes : Bastia, avec Makelele, comptabilisait 0.83 point par match contre 1.42 pour Ghislain Printant ; Toulouse, avec Casanova, gagnait 1 point par match en moyenne contre 1.44 pour son remplaçant Dominique Arribagé ; à Reims, Vasseur comptabilisait 1.12 point par match contre 1.28 avec Olivier Guégan.

Ce que dit la science économique

Dans tous les cas, l’effet a été positif. La théorie économique a tenté de vérifier si cela était véritablement une tendance ou seulement des cas particuliers. Les économistes italiens Maria de Paola et Vincenzo Scoppa, de l’Université de Calabre, ont analysé, sur cinq saisons de série A, l’effet du licenciement d’un entraîneur sur les performances d’une équipe.

Ils se sont demandé si l’équipe s’en sortait mieux après le limogeage du coach ou, au contraire, si un club de seconde zone restait un club de seconde zone, quelle que soit la personne à sa tête. Afin de garantir des résultats significatifs, les scientifiques ont intégré le niveau relatif des adversaires et si les matchs joués avaient lieu l’extérieur ou à domicile.

Au final, qu’ont-ils trouvé ? Une équipe qui renvoie son entraîneur améliore par la suite ses performances, toute chose égale par ailleurs. Le management agressif du président sur le coach serait donc viable, en tout cas d’un point de vue statistique.

Oui, mais de Paola et Scoppa n’ont pas précisément cette conclusion. Ils affirment, au contraire, que malgré ces résultats significatifs, on ne peut pas savoir si cela a un réel effet.

Pour eux, un licenciement suit une mauvaise passe sportive, un enchaînement de contre-performances. Ces événements peuvent tout simplement être dus à la blessure de joueurs importants, à la malchance, à des faits de jeu particuliers, etc. Tous ces incidents ne durent pas, la chance tourne.

On le voit bien, la saison dernière, Rennes avait enchaîné quatre victoires d’affilées avant de connaître dix matchs sans aucune victoire. Marseille avait connu une première partie de saison extraordinaire, en terminant champion d’Automne, avant de s’écrouler sur la fin.

En d’autres termes, il est possible qu’une équipe connaisse des performances totalement différentes de son véritable potentiel puis revienne à son niveau « normal », sans que l’entraîneur n’ait été changé.

Virer ou ne pas virer, telle est la question

L’économiste Bas ter Weel a tenté de vérifier ce postulat. Il a étudié, sur 18 saisons du championnat hollandais, l’évolution des performances des équipes qui ont licencié un entraîneur après une mauvaise passe et des équipes qui, malgré l’accumulation de défaites, n’ont pas viré le coach.

Que constate-t-il ? En maintenant l’entraîneur, les équipes redynamisent leur performance et atteignent un niveau supérieur à la moyenne de 25 %. Même en renvoyant le tacticien, les résultats semblent similaires à ceux des équipes qui le conservent.

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L’année dernière, le Stade Malherbe de Caen était lanterne rouge à l’issu de la 19e journée, avec seulement 15 points. Le manager Patrice Garande n’a pas été licencié. Résultat, sur toute la deuxième partie de saison, l’équipe a engrangé 31 points, soit plus du double que lors des 19 premières journées, et a réussi à se sauver en finissant à la 13eplace.

Une période extraordinaire est juste cela : extraordinaire. Elle sera corrigée naturellement par les joueurs et par le destin, la chance sera de nouveau de leur côté, la confiance reviendra et le jeu retrouvera son niveau initial. L’idée de renvoyer le coach pour insuffler un vent nouveau, un choc psychologique n’est donc pas totalement vraie.

Montpellier ou Ajaccio, qui ont très mal débuté cette saison, peuvent tout simplement vivre une période de malchance extraordinaire, qui n’est pas faite pour durer. Le niveau n’est peut-être pas seulement expliqué par l’entraîneur, mais aussi par le niveau relatif et la confiance de l’équipe.

Mais aussi par le hasard et l’aléatoire. Perdre un match sur un penalty litigieux ou sur un contre-favorable n’est pas du sort de l’entraîneur, le destin joue aussi énormément…

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