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Genre et changement climatique : des photos qui parlent

Le président américain Donald Trump signe le décret présidentiel interdisant le financement d’ONG internationales soutenant l’avortement. Saul Loeb/AFP

Juste au-dessus de ces lignes, vous pouvez voir une photo du président américain Donald Trump, signant un de ses tout premiers décrets présidentiels. Ce décret rétablit la politique du bâillon mondial, qui interdit le financement d’ONG internationales soutenant l’avortement et, indirectement, la contraception.

En dessous de ce paragraphe, voici une autre photo. Celle-ci a été réalisée lors de l’annonce, dans les jardins de la Maison-Blanche, par le même Donald Trump, du retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat. La photo a été prise le 1er juin 2017, devant un parterre choisi et représentatif.

Le 1ᵉʳ juin, Donald Trump annonce le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat. Brendan Smialowski/AFP

Ces deux photos mettent en scène de façon explicite quelques caractéristiques principales d’une masculinité hégémonique dans l’ordre du politique de l’administration Trump :

  • l’absence totale ou quasi-totale de femmes dans l’entourage et/ou l’assistance ;

  • la moyenne d’âge de deux « blocs » composés exclusivement, ou presque, d’hommes blancs, que l’on peut légitimement situer au-delà de 55 ans d’âge ;

  • la dominante vestimentaire du costume deux pièces déclinant « les 50 nuances de gris », elles-mêmes visibles sur les crânes, lorsque ceux-ci ne sont pas déjà largement dégarnis !

La domination masculine et la maîtrise du corps des femmes

Au-delà de la représentation et de la scénarisation du masculin dans son ancrage genré, racial, social et générationnel, ces photos illustrent aussi la masculinité par deux codes extérieurs de la virilité.

D’une part,l’absence d’émotion qui se donne à voir dans la fermeté/fermeture de l’expression sur la plupart des visages (à l’exception de quelques rares sourires, signes dévalorisants d’une émotion mal maîtrisée).

D’autre part, la constitution du masculin par le collectif, comme en témoigne l’alignement quasi-militaire de l’assistance sur la pelouse de la Maison-Blanche, ainsi que la signature d’un acte exécutif par le Président, entouré de son État-major dans le Bureau ovale.

Cette affirmation d’une domination masculine renvoie aussi à des dispositifs d’appropriation facilement identifiables. Notamment sur le corps des femmes et sur la nature.

Au fond, ce qui est donné à voir sur la première photographie, c’est l’affichage assumé d’un dispositif politico-idéologique de lutte contre l’avortement. De façon assez cynique, celui-ci scénarise une revendication à l’appropriation de la maîtrise masculine du corps des femmes et de leur droit d’en user librement.

Ce dispositif réaffirme de façon provocante un modèle patriarcal archaïque. Dans celui-ci, la fonction biologique des femmes, qui leur permet de donner naissance à des enfants, se trouve inversée en son contraire : c’est-à-dire en l’assignation à produire des enfants, même contre leur gré.

Dans l’histoire de l’humanité, cette assignation fait que les femmes ne s’appartiennent pas, pas plus que le fœtus qu’elles peuvent porter. Alors que les femmes et leurs droits reproductifs sont l’enjeu central du dispositif juridique et médiatique, elles disparaissent de la photo. Leur corps, en jeu et enjeu, est en fait totalement invisibilisé.

La nature comme ressource illimitée et dominée

Pour rappel, la deuxième photographie illustre l’annonce du retrait américain de l’accord de Paris sur le climat. Une annonce faite de contre-vérités historiques et économiques, noyées dans une rhétorique nationaliste.

En rompant ainsi avec plus de 20 ans de négociations internationales ayant permis une prise de conscience planétaire des enjeux liés au dérèglement climatique, Donald Trump et les hommes qui l’écoutent et l’applaudissent participent encore de cette conception d’appropriation illimitée de la nature qui avait été formulée en des termes opposés.

Positifs pour Descartes :

« Car elles les [notions générales] m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ».

Et critiques pour Spinoza :

« La plupart de ceux qui ont écrit sur les affects et sur les principes de la conduite semblent traiter non de choses naturelles qui suivent des lois générales de la nature, mais de choses qui sont en dehors de cette Nature. Il semble même qu’ils conçoivent l’homme dans la Nature comme un empire dans un empire ».

Les deux photos sont la manifestation arrogante et pathétique d’un modèle anthropologiquement et écologiquement discrédité et dépassé. En effet, du point de vue de l’anthropologie, l’égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance de l’universalité des droits humains (dont les droits reproductifs et sexuels) sont parvenues à un stade où elles ne sont plus impensables, mais où elles se révèlent possibles et réalisables.

Du point de vue de l’écologie, les ravages largement reconnus de la compétition, du productivisme, du consumérisme et des mécanismes d’appropriation non raisonnée des ressources de la planète, laissent peu à peu la place au nécessaire apprentissage d’une gestion collective et égalitaire.

Un gazoduc en construction. NPCA Online/Flickr, CC BY

La perspective du développement durable et égalitaire

En 1987 déjà, le rapport « Our common future » de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement de l’ONU (communément appelé le rapport Brundtland) avait bien souligné la nécessaire articulation des trois piliers du développement durable (les piliers sociaux, économiques et écologiques) avec une critique des mécanismes d’inégalités et de domination à la fois géographiques (nord/sud), anthropologiques (hommes-femmes), démographiques (générations présentes/générations à venir) et sociaux (riches/pauvres).

Ceci suppose d’aller vers la création d’une nouvelle architecture institutionnelle au niveau mondial. Expression d’une volonté politique collective visant à dépasser l’obsolescence du statu quo anthropologique et écologique actuel, celle-ci serait capable de produire de nouvelles normes internationales.

Donald Trump et les hommes qui l’entourent, ou qui se retrouvent dans ses positions, s’y refusent toujours. Ce faisant, ils démontrent, si besoin était, l’urgence et la légitimité d’une nouvelle perspective anthropologique, associant égalité de genre et durabilité environnementale.

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