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Idylle Taylor Swift–Travis Kelce : cinq leçons de marketing en cinq chansons

Taylor Swift amène avec elle de nouveaux supporters dans les tribunes des stades de NFL, ligue de football américain, même ici lors d'un match délocalisé à Francfort en Allemagne. Kirill Kudryavtsev / AFP

Que se passe-t-il lorsque l’on réunit la plus grande pop star du monde et un double (et peut-être bientôt triple) champion du Super Bowl ? Beaucoup d’excitation, comme l’a montré la romance entre Taylor Swift et Travis Kelce. Mais au milieu de toutes les acclamations et de tous les partages Instagram, la situation donne des indications utiles en matière de marketing. Voici en cinq titres de l’artiste, et à quelques heures du Super Bowl 2024, cinq leçons que la NFL (la ligue étatsunienne de football américain) et d’autres spécialistes du marketing expérientiel peuvent en tirer pour améliorer leurs marques et leur réputation.

« Blank Space » : accepter l’élargissement de l’audience

« Cause you know I love the players… And you love the game ! » (« Vous savez que j’aime les joueurs… Et vous aimez jouer », Blank Space, 2014)

Les grands spécialistes du marketing du divertissement savent comment remplir un espace vide, un blank space. Taylor Swift a donné à la NFL une occasion unique d’étendre son attrait à un groupe démographique – les jeunes femmes – qui ne s’intéressait peut-être pas au football américain auparavant. Les « Swifties », comme on appelle les fans de la chanteuse, trépignent à l’idée de voir l’icône de la pop tomber amoureuse. Ainsi, chaque fois qu’elle se rend dans un stade pour encourager son nouvel amant, le star des Kansas City Chiefs qui évolue au poste de tight end, ce qu’elle a fait plusieurs fois au cours des derniers mois, les médias s’en donnent à cœur joie. Le suspens sur sa présence en tribune pour le Super Bowl, quelques heures après le concert qu'elle donne à Tokyo, reste entier d'ailleurs.

Alors que les fans de football sérieux souhaitent que l’attention reste concentrée sur le football, la ligue qui chapeaute la compétition est bien inspirée d’en tirer parti. Après tout, Swift est une star très populaire : elle a plus de chansons classées (212), de succès dans le top 10 (42) et de débuts de chansons en première position (5) dans le Billboard Top 100 que n’importe quelle autre musicienne de l’histoire.

Taylor Swift en tribune aux couleurs des Kansas Chefs. David Eulitt/AFP

Les Chiefs sont connus pour leurs victoires et les joueurs phares qu’ils attirent, et ils continuent de susciter l’engouement de leurs fans traditionnels. La présence de Swift a par-dessus cela donné un ton plus enjoué aux matchs. L’entraîneur des Chiefs, Andy Reid, d’ordinaire très sérieux, s’est mis à plaisanter à propos du couple (« C’est moi qui leur ai arrangé le coup »). Le niveau monte d’un cran avec des memes sur Taylor Swift devant quitter le stade dans une machine à pop-corn, combinaison de culture pop participative, de célébrité et de sport.

Élargir l’audience est une tactique efficace pour les entreprises, à condition de ne pas se mettre à dos les anciens fans en s’ouvrant à de nouveaux. Jusqu’à présent, cette stratégie s’est avérée payante pour la NFL : les audiences montent en flèche lorsque Taylor Swift assiste à un match, et les ventes de maillots de Travis Kelce vont également croissante. Ce nouvel intérêt pour le sport est le bienvenu, au moment où les audiences télévisées de la NFL chez les 18-35 ans connaissaient un certain déclin.

« Wildest Dreams » : capitaliser sur les nombreuses motivations du fandom

« Say you’ll see me again/Even if it’s just in your wildest dreams » (« Dis que tu me reverras, même si c’est juste dans tes rêves les plus fous », Wildest Dreams, 2014)

Le rêve le plus fou des spécialistes du marketing sportif ou du divertissement est de pouvoir attirer toutes sortes de fans tout en répondant aux attentes personnelles de chacun. C’est pourquoi ceux-ci sont bien avisés de penser aux « données psychographiques » en plus des données démographiques. Cela signifie qu’au lieu de segmenter les publics en fonction de critères démographiques – comme les jeunes femmes ou les étudiants – ils adaptent leurs appels aux modes de vie, aux intérêts, aux activités et à la façon dont les consommateurs pensent.

Les recherches que j’ai cosignées montrent que les amateurs de sport engagés sont motivés par des désirs psychologiques tels que l’évasion et le renforcement de l’estime de soi – tout le monde veut être associé à un gagnant. On retrouve également des motifs sociaux tels que le désir de renforcer les liens au sein d’un groupe et de participer à des traditions et à des rituels.

Le football est connu pour ses stratégies intenses, sa bravade masculine et ses coups violents. Le croisement avec Swift donne donc aux marketers de la NFL l’occasion d’attirer de nouveaux fans aux motivations différentes. Un bon exemple est la modification il y a quelques semaines par la NFL de sa biographie sur X (anciennement Twitter) en « NFL (Taylor’s version) », un clin d’œil à l’identité et à l’humour du groupe Swiftie. L’artiste avait en effet réenregistré une partie de ses titres en leur apposant la parenthèse « Taylor’s version » prise dans une querelle de droit d’auteur et de diffusion avec son ancien label.

Les nouveaux fans, attirés par ce type d’appel, peuvent ensuite rester en raison d’une passion nouvelle développée pour le sport découvert par ce biais.

« You Belong With Me » : faire en sorte que les consommateurs se sentent à leur place

« If you could see that I’m the one who understands you, been here all along so, why can’t you see ? You belong with me » (« Si tu pouvais voir que je suis celle qui te comprend, que j’ai toujours été là, pourquoi ne le vois-tu pas ? Ta place est auprès de moi », You Belong With Me, 2008)

Certaines personnes pensent que le sport n’est pas fait pour elles, et plus particulièrement encore lorsqu’il s’agit de football américain. La NFL et les Chiefs exploitent aujourd’hui une occasion unique de susciter l’intérêt soudain de ces personnes qui ne sont pas réputées être des superfans de la discipline. Pour les convertir en téléspectateurs réguliers toutefois, ils devront s’assurer que les nouveaux venus développent un sentiment d’appartenir à cet univers.

Un exemple subtil de ce type de sensibilisation a été donné lorsque les Chiefs ont utilisé les réseaux sociaux pour accueillir Taylor Swift – et par extension, ses fidèles fans – au « Royaume des Chiefs ». De même, la ligue a explicitement fait savoir que les Swifties étaient les bienvenus dans les tribunes, même si une cohorte de fans de la NFL, petite mais bruyante, préférerait qu’ils restent à l’écart. Cette ouverture d’esprit est bonne pour les affaires.

« Love Story » : tirer profit d’un double marquage humain et en appeler au plaisir et à la fantaisie

« You’ll be the prince, and I’ll be the princess/It’s a love story, baby, just say yes » (« Tu seras le prince et je serai la princesse/C’est une histoire d’amour, bébé, dis juste oui », Love Story, 2008)

Mes travaux portent sur les marques humaines – les personnes, connues ou émergentes, qui font l’objet de communications marketing, interpersonnelles ou interorganisationnelles. À l’ère des réseaux sociaux, l’image de marque humaine n’a jamais été aussi importante. Une marque personnelle forte est associée à un plus grand nombre de recherches sur Google, de ventes de marchandises et de billets. Taylor Swift et Travis Kelce récoltent donc les fruits de leur co-marquage humain.

Qu’est-ce qui rend ces marques humaines si convaincantes ? De nombreux fans s’intéressent à la vie romantique de Taylor et l’encouragent à trouver l’amour et à choisir un jour une robe blanche. Cet intérêt et ce fantasme prennent la forme d’une relation parasociale – ou unilatérale – dans laquelle l’une des parties investit de l’énergie émotionnelle et du temps, tandis que l’autre personne ignore l’existence de la première. Bien que ces relations puissent potentiellement devenir nuisibles, dans la plupart des cas, les interactions parasociales sont une source d’évasion, d’amusement et de fantaisie.

Prise dans un torrent d’informations négatives et parfois angoissantes, une histoire amusante et divertissante peut s’avérer puissante. Les recherches menées dans notre livre sur la publicité et la stratégie de marque montrent que les spécialistes du marketing sportif sont désireux de tirer parti d’appels positifs.

« Exile » : ne vous contentez pas de penser localement

« You’re not my homeland anymore/So what am I defending now ? » (« Vous n’êtes plus ma patrie/Qu’est-ce que je défends maintenant ? », Exile, 2020)

Une dernière idée pour les marques et les spécialistes du marketing est de ne pas être limité par la géographie. Avec le commerce numérique et les réseaux sociaux, les chercheurs s’intéressent de plus en plus aux « fans lointains » qui parcourent de longues distances pour assister à des événements. Dans une étude récente sur le parrainage d’événements sportifs par des cyclistes professionnels, mes collègues et moi-même avons constaté que les participants à ces événements qui venaient de loin s’investissaient davantage dans l’événement et étaient plus enclins à acheter des produits dérivés.

La relation Swift/Kelce, et le fait que la NFL l’ait mise en avant, est un exemple de la raison pour laquelle il est important de ne pas se laisser enfermer par la géographie. Une affiche brandie par un spectateur lors d’un récent match des Chiefs à Francfort en Allemagne le prouve bien :

« Je suis venu du Texas : où est Taylor ? »

This article was originally published in English

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