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Dans le tome 2 de La Présidente, la France a connu un quinquennat bleu marine. Arenes.fr

« La Présidente », tome 2 : il est encore temps d‘éviter le pire

Le succès du tome 1 de La Présidente, vendu à 120 000 exemplaires, nous éclaire sur l’inquiétude collective face à une élection présidentielle 2017 dont l’issue est rien moins qu’incertaine.

À quelques mois de cette échéance, l’historien François Durpaire et le dessinateur Farid Boudjellal, lanceurs d’alerte, enfoncent le clou et publient sous le titre Totalitaire, le tome 2 de leur BD-fiction. Depuis cette publication, les évènements se sont précipités et nos démocraties ploient sous le double choc des attentats terroristes et de la gestion sécuritaire du Vivre-ensemble. Dans un contexte de mondialisation, « la peur est le chantage du pouvoir », selon la formule de Bernard Lavilliers dans son dernier album. Allons-nous entendre la politique-fiction que les auteurs proposent à notre réflexion ?

Une science-fiction civique

Dans le scénario de La Présidente, Marine Le Pen était élue à la présidence de la république en 2017. Nous voici maintenant à la fin de son premier mandat, en 2022, après un quinquennat bleu marine.

Quel est alors l’état de la France et du monde ?

L’originalité de cette bande dessinée d’un genre nouveau – une sorte d’histoire du temps futur – est d’appliquer une méthodologie historique puis de mettre l’imagination en action. La mécanique est bien rodée et les ressources sont connues : une enquête approfondie avec citation des orgues, une connaissance approfondie des mécanismes de pouvoir au sein du front national, une bonne connaissance des mécanismes du pouvoir et des médias. Le projet est de faire une pause et de penser le monde contre l’immédiateté des médias et d’un flux d’informations constant.

Quand la nouvelle campagne s’ouvre, un candidat-surprise issu de la société civile émerge, autour duquel s’organisent des résistances. Les sondages de ce candidat sont meilleurs que ceux de la présidente. Mais pourra-t-il seulement s’exprimer ? La France de 2022 sera-t-elle totalitaire ? Quelles modalités claniques d’exercice du pouvoir seront mises en actes ? Comment Marion Maréchal-Le Pen s’opposera-telle à sa tante ? Un coup d’État institutionnel se profilera-t-il ? Aujourd’hui, le progrès des technologies de surveillance et de contrôle offrent des moyens inégalés de contrôle : systèmes de surveillance électroniques, puces intégrées dans tous les objets connectés, robots, système de géolocalisation, contrôles automatisés de toutes nos communications. Nous sommes bien loin du 1984 d’Orwell et des totalitarismes du XXe siècle.

Une mise en question collective

Mais le bilan virtuel du premier quinquennat Le Pen tient aussi, pour les deux auteurs, aux ouvertures sécuritaires que les quinquennats précédents ont offertes. Des bracelets électroniques et de la mise en résidence surveillée proposés pour tous les fichés S par Nicolas Sarkozy au décret du 6 avril 2016 autorisant le dispositif de reconnaissance faciale inauguré sous François Hollande, de l’état d’urgence prolongé aux centres de rétentions ou aux couvre-feux locaux, le terrain sécuritaire est déjà en place avant 2017.

Lors d’un débat télévisé avec Manuel Valls, en 2022, Marine Le Pen aura ce propos : « Vous me parlez de responsabilité, vous qui vous contentiez de faire voter des lois alors que moi je les applique ». Les évènements vont alors s’accélérer à l’échelle du monde, un nouveau président américain, de nouvelles alliances, une géopolitique mondiale explicite. À Paris, à Berlin, à Madrid, des places seront occupées, des villes de la fraternité émergeront, mais une nouvelle présidente veille qui veut éduquer « un citoyen nouveau » ce que le tome 3 – en préparation – éclairera sans nul doute par une réflexion sur l’école de demain.

Plusieurs lectures de cette science-fiction graphique qui met au jour les ressorts cachés du politique sont possibles : la critique d’un totalitarisme en marche sous la montée du Front national, la montée des replis nationalistes, l’annonce de la fin d’une génération politique qui gouverne à courte vue, ou plus fondamentalement – lecture dont il n’est pas sûr qu’elle soit dans le projet des auteurs, mais que je choisis – la mise à jour de l’échec d’un système où les professionnels de la politique professionnelle s’approprient les postes de pouvoir et les bénéfices induits sans laisser aucune place aux civilités infra et supra-politiques qui fondent le Politique.

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