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La réforme du collège : toujours en chantier

La réforme du collège est cruciale pour les jeunes. François Lo Presti/AFP

Après la réforme du lycée au début de cette décennie, puis la réforme du primaire engagée sous la Loi de Refondation de l’école, voici la réforme du collège.

Cette réforme était depuis longtemps attendue par les spécialistes de l’éducation. Ni primaire supérieur, ni petit lycée, le collège n’a jamais vraiment trouvé sa place.

Et pourtant il a un rôle primordial : assumer l’éducation des jeunes à l’âge le plus difficile, celui de la puberté ; et éviter que les choses ne s’aggravent, puisqu’à la sortie de l’école plus de 15 % des élèves ne maîtrisent pas les fondamentaux. Or, d’après PISA ils sont plus de 22 % à l’âge de 15 ans. Ceci signifie que le collège ne résout pas les difficultés ; au contraire il les aggrave. D’où l’extrême importance de réussir la réforme du collège pour permettre une réussite d’un plus grand nombre et partant une meilleure insertion sociale.

La question des pédagogies

On ne reviendra pas sur la question des langues, du latin et du grec, ni sur les classes bilingues qui ont fait couler beaucoup d’encre, mais qui sont l’arbre qui cache la forêt.

La réforme du collège présente en réalité une mesure principale : elle porte sur les pédagogies. Il y a un renforcement de l’accompagnement personnalisé, de l’enseignement par petits groupes et par projets et de l’interdisciplinarité grâce aux espaces pratiques interdisciplinaires (EPI).

Ce sont des avancées importantes depuis l’abandon des itinéraires de découvertes (IDD), qui prévoyaient aussi le développement de projets interdisciplinaires et le travail en petits groupes.

Mais la mise en œuvre de ces avancées sera difficile. Les inspecteurs et les chefs d’établissement peinent à trouver des solutions et les enseignants aussi. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’option choisie par le ministère : développer l’interdisciplinarité à travers la coopération entre les enseignants. Dans d’autres pays, on l’atteint grâce à des enseignants qui sont bi ou même trivalents, une approche peut-être plus efficace.

Par ailleurs, en matière de pédagogie, on ne s’est pas interrogé sur le fait que, dans PISA où la France a une performance tout juste moyenne, si les élèves français répondent bien aux questions qui relèvent du cours en mathématiques et en sciences (ils ont donc la tête bien pleine), ils ont beaucoup plus de mal avec la résolution de problèmes de la vie courante (ils n’ont donc pas une tête bien faite).

Une pédagogie plus inductive, sur le modèle des pays asiatiques qui raflent les premières places dans PISA, et moins hypothéticodéductive, devrait être envisagée pour permettre les succès d’un plus grand nombre.

Enfin, la question de l’usage du numérique, à travers des programmes enfin disponibles sur tablettes et ordinateurs et non pas sur la technologie du XVe siècle que sont les livres, prend du retard. Pourtant c’est sûrement avec le numérique que l’on pourra atteindre une école plus efficace et plus équitable.

Collège unique

Par ailleurs, la réforme évite deux débats que l’on aurait aimé voir ouvrir : le collège unique et l’autonomie des établissements.

Sur la première question, la réponse du ministère est claire : on garde ce système et on le renforce même. Mais on ne dit pas vraiment pourquoi. Le lycée n’est pas unique, pourquoi le collège doit-il l’être ? Parce que l’on ne veut pas faire une orientation vers le technologique et le professionnel avant 15 ans ? Pourquoi pas ? Certains pays (par exemple, Allemagne, Autriche, Suisse) l’opèrent plus tôt et leur taux de chômage des jeunes est beaucoup moins élevé (25 % en France contre 9 % en Allemagne et 8 % en Suisse).

Certes l’orientation à 11 ans est trop précoce et des passerelles doivent exister entre les trois parcours, mais pourquoi éviter ce débat crucial ? Est-ce parce que l’on veut protéger l’une des icônes de la République, l’école Républicaine symbole de l’équité ? Mais qu’en est-il exactement ?

Suivant les données de l’OCDE, la France est le pays où l’influence du milieu social sur les résultats des élèves (le déterminisme social) est parmi les plus élevés des 65 pays qui ont passé l’enquête PISA, et cet impact s’est accru sur la dernière décennie. En conséquence, les chances d’un jeune issu d’un milieu défavorisé d’arriver au sommet de la société sont minimes.

Et ce d’autant qu’il ne possède ni le capital social, ni les codes, ni les attitudes qui pourraient lui permettre d’être « reconnus » par l’élite en place. L’école républicaine et son avatar l’élitisme républicain recouvrent donc une bien faible réalité. Il serait plus judicieux de se fixer comme objectif de donner aux jeunes issus de milieux défavorisés toutes les chances d’acquérir rapidement un emploi. En cela l’école serait plus républicaine qu’à l’heure actuelle.

L’autonomie des établissements

L’autonomie des établissements en France est une des plus faibles des pays de l’OCDE.

Certes, la réforme en cours implique plus d’autonomie pédagogique avec 20 % de la dotation horaire globale laissée aux enseignements pour les EPI. Mais c’est là une petite autonomie, car elle ne concerne que l’enseignement.

Il n’y a rien sur l’autonomie en matière de gestion du personnel (recrutement, évaluation, décision de formation permanente des enseignants) ni sur la gestion financière.

A nouveau, pourquoi ne pas lancer un véritable débat sur cette question ? Les pays, où l’autonomie est plus importante, ont souvent de meilleures performances de leurs élèves. Le temps est venu de passer d’un fort centralisme, où on juge de la qualité d’un chef d’établissement à sa mise en œuvre des instructions ministérielles, à une décentralisation où le chef d’établissement, aidé par des professeurs principaux, dispose de nombre de responsabilités et est évalué sur la qualité des ses initiatives et de leurs résultats.

Que conclure, en conséquence, sinon que cette réforme, dont on attendait qu’elle améliore la qualité, l’efficacité et l’équité de l’éducation au collège, se limitera à apporter une petite pierre à l’immense édifice de l’éducation nationale, grâce aux EPI, ce qu’avaient un peu fait les itinéraires de découvertes en leur temps avant d’être abandonnés. La réforme du collège reste donc en chantier.

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