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Le président américain Joe Biden rencontre les médias après sa réunion virtuelle avec le premier ministre canadien Justin Trudeau, dans la salle Est de la Maison Blanche, le 23 février 2021, à Washington. (Photo AP/Evan Vucci)

La rencontre Trudeau-Biden couronne deux siècles et demi de relations canado-américaines

Après quatre ans de négociations avec Donald Trump, le premier ministre Justin Trudeau a eu sa première rencontre avec le président américain Joe Biden. Cette rencontre marque un nouveau départ dans les relations canado-américaines, tant pour les individus que pour les deux pays. Il s’agit également de la première rencontre bilatérale du nouveau président Biden avec un dirigeant étranger.

Joe Biden et Justin Trudeau ont convenu de travailler ensemble sur des enjeux communs, notamment les changements climatiques et la pandémie de Covid-19. Le président américain s’est également engagé à aider le Canada à obtenir la libération de deux Canadiens emprisonnés en Chine.

« Les êtres humains ne sont pas des jetons, a déclaré Joe Biden. Nous allons travailler ensemble pour obtenir leur retour en toute sécurité. Le Canada et les États-Unis feront front commun contre les violations des droits universels et des libertés démocratiques ».

Travailler avec des politiciens américains et gérer les relations complexes avec notre seul voisin est une constante de la politique et de l’histoire du Canada. En effet, le Canada n’existerait peut-être même pas sans la Révolution américaine de 1776.

Loyalistes britanniques

Les colonies du Nord qui composent aujourd’hui le Canada ont offert un refuge à des dizaines de milliers de loyalistes britanniques des 13 colonies du Sud qui se sont opposées à la guerre d’indépendance et à la création d’une nouvelle république.

Ces colons n’avaient aucun intérêt à briser leurs liens avec la monarchie et ont été incités, et dans certains cas poursuivis par les patriotes qui ont soutenu la révolution, à migrer vers le nord.

Pendant la guerre de 1812, leurs descendants, aidés par des soldats britanniques, ont marché vers le sud, envahissant les États-Unis et mettant le feu au bâtiment du Capitole et à la Maison-Blanche.

Une peinture de la Maison-Blanche incendiée par les troupes britanniques
Peinture de l’artiste Tom Freeman de 2004 représentant l’incendie de la Maison-Blanche le 24 août 1814. White House Historical Association/Facebook

L’Amérique du Nord britannique voyait d’un mauvais œil l’achat de l’Alaska par les États-Unis à l’empire russe en 1867. Ce n’est pas un hasard si, quelques mois avant que les États-Unis ne prennent possession de l’Alaska, les colons ont convenu de s’unir en une fédération appelée le Dominion du Canada.

En créant leur propre pays, les Pères de la Confédération n’ont pas hésité à emprunter des idées à leurs voisins du sud, comme le fédéralisme, avec des gouvernements régionaux (provinces) forts et l’établissement d’une constitution. Au cours des décennies suivantes, d’autres valeurs seront empruntées aux Américains, comme l’accès à la libre entreprise et la protection des droits individuels.

Jack Todd, qui a quitté les États-Unis pour s’installer au Canada afin d’éviter la guerre du Vietnam, chez lui en avril 2015 à Greenfield Park, au Québec. THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz

Le rôle du Canada en tant que refuge pour les Américains qui, pour quelque raison que ce soit, ne s’intégraient pas dans la société et la politique américaines s’est poursuivi après la Révolution américaine.

Avant la guerre civile américaine des années 1860, le Canada offrait une voie de sortie aux esclaves. Pendant la guerre du Vietnam, dans les années 1960 et 1970, près de 50 000 jeunes Américains ont émigré au Canada pour éviter d’être enrôlés.

Dormir avec un éléphant

Les politiciens canadiens sont extrêmement sensibles à la politique américaine dans tous les secteurs, du commerce à la défense nationale. Comme l’a déjà fait remarquer l’ancien premier ministre Pierre Elliot Trudeau, lors de sa première visite officielle à Washington : :

« Être votre voisin, c’est comme dormir avec un éléphant. Quelque douce et placide que soit la bête, on subit chacun de ses mouvements et de ses grognements ».

Le Canada a également été en concurrence avec les États-Unis pour attirer les meilleurs immigrants de l’étranger. Pour la plupart des immigrants potentiels, les États-Unis – avec leur vaste marché et leurs institutions d’enseignement réputées – ont toujours été plus attrayants que le Canada bien que cela ait changé pendant les années Trump.

Les politiciens canadiens ont adopté une stratégie intelligente pour promouvoir le Canada auprès des immigrants potentiels en leur rappelant qu’ils pourraient conserver leur culture en venant au Canada, contrairement aux États-Unis.

Au fil des décennies, le Canada a adopté le multiculturalisme au lieu d’insister sur l’assimilation des nouveaux arrivants, ce qui en a fait une destination attrayante pour les immigrants hautement qualifiés – et qui le différencie des États-Unis et de leur principe de « melting-pot ».

Le rôle du Québec

Le Québec a joué un rôle clé dans les relations canado-américaines au cours des 250 dernières années, en agissant comme un rempart à toute aspiration américaine d’expansion sur le continent. Une tentative d’invasion du Québec pendant la guerre d’indépendance américaine pour en faire la 14ᵉ colonie américaine a lamentablement échoué en 1775.

Plus des trois quarts des Canadiens vivent à moins de 200 kilomètres de la frontière américaine et ont une vie culturelle peu différente de celle de leurs voisins immédiats au sud. Les Québécois font exception, car leur langue (le français) et leur héritage culturel sont différents de la culture anglophone nord-américaine.

Le danger pour la souveraineté canadienne de nos jours n’est pas de se faire envahir par les États-Unis comme au XIXe siècle, mais plutôt de voir un resserrement progressif des liens économiques et culturels entre les deux pays.

Des reconstituteurs de la guerre de 1812 mettent en scène une bataille ». source=
La bataille de Longwoods est simulée par des personnificateurs de combattants britanniques, américains et autochtones de la guerre de 1812, à l’ouest de London, en Ontario, en mai 2012 ». THE CANADIAN PRESS/Dave Chidley

À l’heure actuelle, les relations canado-américaines se concentrent sur les relations économiques, le commerce, le tourisme et les changements climatiques, avec un soupçon de questions géopolitiques plus larges telles que la Chine.

La plupart des Canadiens considèrent comme positif le fait que la première rencontre de Joe Biden, bien que virtuelle, ait eu lieu avec Justin Trudeau. Néanmoins, les Canadiens ont appris en plus de deux siècles à faire preuve d’une certaine méfiance à l’égard de leur voisin. Les liens entre les deux nations sont peut-être durables, mais pour de nombreux Canadiens, leur maintien a nécessité un niveau d’effort important.

This article was originally published in English

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