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La simplification du bac aura-t-elle lieu ?

A partir de 2021, les candidats au bac devraient valider une partie de l'examen au fil de l'année de terminale, en “contrôle continu”. Shutterstock.com/lightpoet

Le bac, une machine trop lourde à gérer ? C’est en tout cas l’un des constats qui portent la réforme des épreuves annoncée pour 2021. Si l’examen a atteint une ampleur inédite aujourd’hui – avec ses « 2 900 sujets à préparer » et ses « 4 millions de copies à corriger » à chaque session, comme le pointe le ministère de l’Éducation nationale dans son dossier de présentation de la réforme – ce n’est pas la première fois au cours de ses deux siècles et quelques années d’existence que le baccalauréat se voit reprocher sa complexité.

Des années 1920 à la fin de la IVe République, le baccalauréat reposait en effet sur une série d’épreuves écrites et orales, organisées en première puis en terminale, et se déclinait en deux sessions : l’une en juin, l’autre en septembre (durant laquelle les élèves qui avaient échoué devaient tout repasser). Une architecture très lourde que la période « gaullienne » va s’employer à alléger, depuis la suppression en 1959 de l’oral, sauf pour les langues vivantes, jusqu’à la fin du bac en deux temps en 1969 – ne subsiste plus alors en première qu’une épreuve de français « par anticipation ».

La question du rattrapage est, elle, sujette à plus d’hésitations. Remplacée en 1960 par un oral prévu sur le champ pour les élèves qui ont au moins 7/20 de moyenne générale, la session de septembre est rétablie en 1965 et à nouveau supprimée au profit d’un oral pour les élèves qui ont obtenu entre 8 et 12. On finit par trancher pour une seule session de rattrapage… Une configuration qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui !

Un contrôle continu longtemps invoqué

Si l’oral – modalité d’évaluation mise en avant par la prochaine version du bac, avec l’instauration d’un « grand oral » – a toujours gardé une place dans l’architecture de l’examen, le contrôle continu n’avait jamais réussi à s’y inviter jusqu’ici. À l’exception peut-être du remplacement fugitif en 1962 et 1963 des épreuves de première par « un examen probatoire », interne à chaque lycée. La Société des agrégés avait fait alors courir la rumeur que les examinateurs « maison » avaient eu tendance à faire preuve d’une bienveillance coupable pour leurs élèves (ce qui est d’ailleurs infirmé si l’on prend connaissance des statistiques des taux de reçus, qui diminuent en fait un petit peu).

Pourtant, nombre de projets allant dans le sens d’une évaluation en cours de formation ont été portés par le passé, sans jamais aboutir. On peut en citer quelques-uns pour mémoire, comme l’amendement déposé par Michel Debré au sein du Conseil de la République en 1950 :

« Afin de consacrer la fin des études du second degré, un certificat (dit de fin d’études secondaires) serait instauré, avec une première et une deuxième parties, selon les principes en usage pour le baccalauréat actuel. Il serait délivré dans chaque établissement public d’enseignement du second degré, par un jury particulier à l’établissement, mais présidé par un représentant du recteur. Ce certificat serait accordé ou refusé au vu des notes obtenues en cours d’année, sous réserve de certaines épreuves, pour les élèves dont les notes seraient insuffisantes. »

Huit ans après la tentative de Lionel Jospin dans la « loi d’orientation » de 1989, c’est au tour du ministre Claude Allègre d’annoncer une réforme du baccalauréat prévoyant l’introduction du contrôle continu dans un certain nombre de disciplines, parallèlement au maintien d’épreuves terminales. Mais ce projet est finalement victime du retrait des réformes exigé par ses adversaires, qui obtiennent sa démission en 2000.

En 2005, lorsque le ministre de l’Éducation nationale François Fillon propose de ramener d’une douzaine à six les épreuves terminales du diplôme, les autres matières étant validées au fil de l’année scolaire, il est en butte à de vives mises en cause de la part du SNES. Le principal syndicat des professeurs y voit un risque de rupture de l’égalité « avec des baccalauréats dont la valeur dépendrait des lycées fréquentés ». Suite aux manifestations puis aux grèves de lycéens qui prennent de l’ampleur, François Fillon doit renoncer.

Une simplification « ultra-compliquée »

Avec cette introduction du contrôle continu, la prochaine réforme du baccalauréat franchit donc un cap qui n’avait jamais été atteint jusque-là. Mais la simplification régulièrement invoquée ces dernières années est-elle au rendez-vous ? Si l’organisation du bac s’était nettement clarifiée durant les années 1950, c’est loin d’être ce qui se prépare avec le format prévu. Telle était pourtant la promesse du candidat à l’élection présidentielle Emmanuel Macron : « Je souhaite simplifier le baccalauréat. Quatre matières seront passées en contrôle terminal, les autres seront validées en contrôle continu », assurait-il dans L’Etudiant le 30 mars 2017.

La notion de contrôle continu était alors bien entendue comme l’ensemble des évaluations ordinaires faites au fil des années de première et terminale, regroupées dans les bulletins et les dossiers scolaires des lycéens, le candidat ajoutant :

« Nous faisons confiance au contrôle continu et au jugement des professeurs pour l’entrée dans les formations sélectives (écoles préparatoires aux grandes écoles, sections de techniciens supérieurs, IUT, écoles post-bacs). Pourquoi en seraient-ils incapables pour le baccalauréat ? »

Mais ce qui a été annoncé par le ministre de l’Éducation nationale Jean‑Michel Blanquer est très différent. Le bac se composerait de cinq épreuves finales, comptant pour 60 % des points : le français en fin de classe de première, puis, en terminale, deux épreuves de spécialité au printemps, suivies d’un « grand oral » et de la philosophie en juin. S’y ajouteraient 10 % basés sur les notes « ordinaires », celles consignées justement dans les dossiers de candidatures aux formations post-bacs, soit du « vrai » contrôle continu. Les 30 % de points restants constituent une sorte de « faux » contrôle continu, puisqu’ils reposeraient sur des « partiels » organisés en janvier et en avril en classe de première, puis en décembre en terminale.

La « simplification » demandée et proclamée par le chef de l’État Emmanuel Macron se solde par un étalement et une prolifération des moments possibles de « bachotage », une soi-disant simplification ultra-compliquée ! Sans compter, après une valse-hésitation, le maintien de « l’oral de rattrapage ».

Le prix de l’humour noir peut être accordé à la réaction du principal syndicat de chefs d’établissement, le SNDPEN, qui « accueille favorablement la nouvelle organisation du baccalauréat […], mais sera très attentif pour que la mise en œuvre des “partiels” ne désorganise pas chroniquement les lycées. »

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