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La sobriété médicamenteuse : comment faire bon usage des médicaments ?

Un gros plan sur les mains d'un homme qui tient des comprimés de médicaments
Le principal risque d'un arrêt précoce d'un traitement antibiotique ou antifongique est l'échec thérapeutique. Plus grave encore, la bactérie ou le champignon responsable de l'infection peut devenir résistant. fongbeerredhot/Shutterstock

Le principal risque d’un arrêt précoce d’un traitement antibiotique ou antifongique est l’échec thérapeutique. Plus grave encore, la bactérie ou le champignon responsable de l’infection peut devenir résistant.

Nous entendons tous beaucoup parler de sobriété énergétique. Qu’en est-il de la sobriété médicamenteuse ? Faut-il être sobre vis-à-vis des médicaments dans toutes les situations – c’est-à-dire en consommer le moins possible – ou existe-t-il des situations où la prise de médicament n’est pas négociable ?

Vous comprenez donc que le sujet n’est pas aussi simple qu’il n’en a l’air. Prenons l’exemple du Dry January : le principe est simple à appliquer car être sobre en alcool est forcément bénéfique pour tous.

Respectez la durée du traitement prescrit en cas d’infection ou de maladie chronique

Ce n’est pas le cas de la sobriété médicamenteuse qui n’est pas un principe qui peut s’appliquer à tout le monde et dans toutes les situations. Lorsque vous prenez des antibiotiques, dans le cadre par exemple d’une infection urinaire ou pulmonaire due à une bactérie, ou des antifongiques pour traiter une mycose cutanée provoquée par des champignons, vous savez que la durée de traitement prescrit par votre médecin doit être respectée scrupuleusement.

Il s’agit de ce que l’on appelle l’observance thérapeutique qui permet le bon usage du médicament. Le principal risque d’un arrêt précoce du traitement est l’échec thérapeutique. Plus grave encore, la bactérie ou le champignon en cause dans votre infection peut devenir résistant.


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Dans le cas d’une infection traitée par des antibiotiques ou des antifongiques, il ne vous est donc pas possible d’être sobre en médicaments. De la même manière, dans le cas de maladies chroniques appelées aussi affections de longue durée (diabète, cancers, maladies cardiovasculaires…), vous devez prendre votre médicament conformément à votre ordonnance : dans le cas contraire, votre maladie pourrait s’aggraver ce qui pourrait nuire gravement à votre santé.

Attention aussi aux mésusages, notamment chez les sujets âgés

Poursuivons sur l’exemple des antibiotiques ou des antifongiques. Si, en revanche, vous poursuivez votre traitement au-delà de la durée prescrite par votre médecin, vous êtes dans une situation de mésusage du médicament car vous n’avez plus besoin de prendre cet antibiotique ou cet antifongique.

A noter que les mésusages de médicaments sont particulièrement fréquents chez les sujets âgés. En effet, l’âge est souvent associé à la coexistence de maladies qui nécessitent la prise de plusieurs traitements médicamenteux en même temps. C’est ce que l’on appelle la polymédication.

Automédication : se poser avant les bonnes questions

Cela nous amène au sujet de l’automédication qui se définit comme l’utilisation par un patient d’un médicament sans avoir préalablement échangé avec un professionnel de santé, qu’il s’agisse de médicaments présents dans l’armoire à pharmacie familiale, ou de médicaments conseillés par un proche.

Avant de prendre un médicament en automédication, posez-vous la question de savoir si vous en avez réellement besoin et au moindre doute, prenez conseil auprès de votre médecin ou de votre pharmacien. En cas d’automédication, il est impératif de respecter les conditions d’utilisation qui figurent dans la notice des médicaments.

Il existe un cadre de bon usage des médicaments en automédication consultable sur le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

« Le bon médicament, au bon patient, à la bonne dose et pendant la bonne durée »

Pourquoi chercher à être sobre dans le domaine du médicament ? La première raison est médicale. Tout médicament contient un principe actif qui a des effets thérapeutiques bénéfiques, mais également des effets indésirables délétères.

Donc, si vous prenez un médicament à bon escient, la balance du bénéfice par rapport au risque est positive, c’est-à-dire que la survenue d’un éventuel effet indésirable est acceptable au regard du bénéfice thérapeutique.

En revanche, si vous prenez un médicament inutile sans bénéfice thérapeutique, le risque de survenue d’effet indésirable n’est plus acceptable et dans ce cas, la balance du bénéfice par rapport au risque est négative.

Appliquer ce principe simple du « bon médicament, au bon patient, à la bonne dose et pendant la bonne durée » qui est à la base du bon usage du médicament permet de répondre en partie à l’enjeu de la sobriété médicamenteuse.

Des outils numériques pour favoriser le bon usage

Il existe une Association pour le bon usage du médicament (ABUM) qui réunit des experts du sujet et la plupart des acteurs concernés, notamment médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes, infirmiers, patients, politiques, assureurs, acteurs médico-sociaux, industriels, éditeurs de logiciels.

L’ABUM est un lieu ouvert pour analyser, échanger, proposer des solutions concrètes et valoriser les meilleures innovations liées au bon usage du médicament. Parmi ces innovations, se développent des outils numériques pour promouvoir le bon usage des médicaments.

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C’est le cas de l’outil ANTIFON-CLIC qui a été développé et évalué aux Hospices Civils de Lyon par des professionnels de santé et des informaticiens : cet outil pourrait permettre de garantir une prescription antifongique optimale pour tous les patients atteints de mycoses invasives à l’hôpital (les candidoses dues à des levures du genre Candida et les aspergilloses invasives dues à des champignons filamenteux du genre Aspergillus). D’autres initiatives de ce type existent, certaines étant soutenues par l’ABUM.

L’ABUM mène également de nombreuses actions de sensibilisation du grand public au bon usage des médicaments : sur son site Internet, par l’organisation d’un forum annuel ou des campagnes ciblées, comme, récemment, dans les vitrines des pharmacies sur les interactions médicamenteuses. Cette dernière campagne (« les médicaments vous veulent tous du bien mais ont parfois du mal à vivre ensemble ») sera reprise en septembre 2024.

Une sobriété médicamenteuse pour répondre aussi aux enjeux environnementaux

La seconde raison est environnementale. En effet, si nous réduisons notre consommation en médicaments, nous pouvons avoir un impact environnemental positif. Tout médicament contient un principe actif qu’il faut produire dans des industries chimiques, conditionner dans des boites, transporter chez les distributeurs, dispenser aux patients, puis éliminer.

A toutes ces étapes, nous devons avoir conscience que le médicament a une empreinte carbone non négligeable. Notre message n’est pas de dire « Arrêtons de prendre des médicaments », mais « Prenons uniquement les médicaments utiles selon des préconisations médicales ». Nous devons et pouvons être sobres en médicament uniquement lorsque cela est compatible avec son état de santé.

A ce stade de la réflexion, il convient de réserver la prise en compte de l’impact environnemental dans les choix de production, de prescription, de dispensation ou d’utilisation, aux seuls cas de médicaments d’efficacité et de tolérance similaires pour le patient. Donc, soyons sobres en médicaments, mais avec modération !


Cet article est co-écrit par Anne-Lise Bienvenu (PharmD, PhD, Service Pharmacie, Groupement Hospitalier Nord, Hospices Civils de Lyon et Université Lyon, Malaria Research Unit, SMITh, ICBMS UMR 5246 Lyon, France) et Éric Baseilhac (MD, Association bon usage du médicament).

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