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Un barrage hydroélectrique est en construction
L'augmentation de notre capacité en énergie « propre » a des conséquences environnementales, notamment sur les terres autochtones. Courtoisie de Mariane St-Aubin, Author provided

La transition énergétique nécessite beaucoup de minéraux et de métaux. Cela pourrait avoir un impact sur nos lacs

Bien que la transition énergétique soit nécessaire à notre société, elle s’accompagne toutefois de besoins importants en minéraux et en électricité « verte » comme l’hydroélectricité. Ces activités ont souvent lieu en terres autochtones et ont des conséquences environnementales pour nos lacs et nos rivières.

Cette transition énergétique nécessite la mise en place de plusieurs nouvelles infrastructures, y compris le développement d’une flotte mondiale de véhicules électriques et l’installation de larges parcs d’éoliennes et de panneaux solaires. Ceci cause une forte demande en minéraux, principalement des métaux, que l’on qualifie dorénavant de critiques et stratégiques.


Nos lacs : leurs secrets, leurs défis, est une série produite par La Conversation/The Conversation.

Cet article fait partie de notre série Nos lacs : leurs secrets, leurs défis. Cet été, La Conversation vous propose une baignade fascinante dans nos lacs. Armés de leurs loupes, microscopes ou lunettes de plongée, nos scientifiques se penchent sur leur biodiversité, les processus qui s'y produisent et les enjeux auxquels ils font face. Ne manquez pas nos articles sur ces plans d'eau d'une richesse inouïe !

Étant donné l’importance nationale d’établir un approvisionnement stable dans un contexte géopolitique complexe, plusieurs pays riches en minéraux voudront favoriser l’exploitation de nouvelles mines. Au Canada et au Québec, ces mines sont souvent distribuées sur le Bouclier canadien, allant jusque dans le Grand Nord, sur des territoires fragilisés par les changements climatiques.

Par exemple, plusieurs projets de mines de terres rares sont à l’étude dans le Nord, et la première mine en activité pour ces métaux a été inaugurée en 2021 près du Grand Lac des Esclaves aux Territoires du Nord-Ouest. Des projets similaires se développent au Nunavik.

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Les lacs en régions minières reçoivent des métaux critiques et stratégiques dont on connait peu de choses au niveau écotoxicologique. (Maikel Rosabal), Author provided (no reuse)

Que ce soit par les rejets miniers ou par les dépôts atmosphériques, ces mines peuvent exporter un cocktail de métaux vers les écosystèmes aquatiques de la région. Souvent, ce n’est pas le minéral d’intérêt qui est le plus préoccupant, mais un autre métal extrait accidentellement. C’est le cas des métaux radioactifs comme l’uranium et le thorium, lesquels sont extraits en même temps que les terres rares.

Un manque criant de données

Plusieurs de ces métaux n’ont pas encore été bien étudiés en écotoxicologie, ce qui complique le travail des gouvernements. Ces derniers doivent en effet établir des critères de qualité des eaux en disposant de très peu de données.

Des chercheurs et des membres de la communauté d’Inukjuak échantillonnent des organismes sentinelles
Des chercheurs et des membres de la communauté d’Inukjuak échantillonnent des organismes sentinelles près d’une nouvelle centrale au fil de l’eau. (Courtoisie de Mariane St-Aubin), Author provided (no reuse)

En tant que professeurs en sciences biologiques, respectivement à l’UdeM et à l’UQAM, et experts en qualité de l’eau, nous sommes impliqués dans la génération de données toxicologiques permettant d’établir ces critères. Nous avons par exemple mesuré dans une récente étude les concentrations en terres rares naturellement présentes dans l’eau et les animaux afin de documenter les effets de l’ouverture de nouvelles mines.

Nous développons également des outils permettant de détecter de façon précoce l’effet des métaux critiques et stratégiques sur les écosystèmes. Ainsi, nous avons récemment utilisé les larves aquatiques d’insectes et le zooplancton comme moyen de suivi environnemental des terres rares.


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Dans ces études, nous avons établi que c’est souvent la forme ionique libre du métal qui explique le mieux son accumulation dans les animaux, surtout lorsqu’on tient compte des autres ions en solution qui peuvent entrer en compétition avec l’ion libre au site d’entrée du métal (par exemple, au niveau des branchies d’invertébrés).

Les larves d’insectes peuvent servir d’espèce sentinelle pour la pollution métallique. (Courtoisie de Maikel Rosabal), Author provided (no reuse)

Ces résultats permettront à nos agences gouvernementales de mieux prédire l’impact de futurs rejets de ces contaminants dont l’intérêt va croissant.

Des centrales hydroélectriques sur nos rivières

Par ailleurs, la transition énergétique implique un grand approvisionnement en énergie électrique non dépendante des combustibles fossiles. L’hydroélectricité est alors une option souvent choisie, mais elle nécessite la construction de nouvelles centrales sur nos rivières.

En plus de fréquemment modifier le régime hydrologique et la biodiversité, ces centrales peuvent favoriser la production d’une neurotoxine, le méthylmercure. Cette production est causée par l’activité de microbes qui vivent en zones pauvres en oxygène, que ce soit dans les terres ennoyées par les barrages ou dans les sédiments au fond des réservoirs.

Nos récents travaux démontrent que même de très petites centrales comme celles au fil de l’eau peuvent causer des hausses transitoires de méthylmercure dans les réseaux alimentaires, et ce jusqu’aux grands poissons prédateurs et leurs consommateurs tels que les oiseaux piscivores et les êtres humains.


L’expertise universitaire, l’exigence journalistique.

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Ces petites centrales comptent pour plus de 90 % des centrales au monde, mais sont rarement étudiées. Selon certaines études, leurs impacts cumulés pourraient s’avérer plus grands que ceux des centrales à réservoirs. Nous avons également établi que les perturbations du territoire en amont des centrales, comme les feux de forêt et les coupes de bois, peuvent exacerber la production de neurotoxine en permettant un transfert de mercure et de matières organiques vers les rivières.

Des partenariats nécessaires avec les Premiers Peuples

Comme ces mines et ces centrales sont plus souvent qu’autrement situées en terres autochtones, il devient impératif d’établir des liens de confiance et de communication avec les communautés qui y vivent. Dans ce contexte, nous avons développé des projets de recherche en co-création des savoirs, en partenariat avec les communautés des Premiers Peuples, l’industrie et différentes universités.

La recherche en écotoxicologie devrait se faire en partenariat avec les Premiers Peuples
La recherche en écotoxicologie devrait se faire en partenariat avec les Premiers Peuples. (Courtoisie de Mariane St-Aubin), Author provided (no reuse)

Ces projets incluent les intérêts de recherche des communautés, et ces dernières reçoivent directement les résultats de la recherche. Nous profitons de ce cadre de recherche pour promouvoir le transfert de connaissances dans les communautés, par exemple au moyen de camps des savoirs lors desquels les jeunes sont invités à faire de la science avec des équipes de recherche et à découvrir les savoirs traditionnels avec les Aînés.

En travaillant de concert avec les communautés, l’industrie et les gouvernements, nous pensons qu’il sera possible de développer une recherche inclusive qui permettra de suivre l’impact de la transition énergétique sur nos lacs et nos rivières.

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