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La voix de la jeunesse aux urnes : perdue ou snobée ?

Emmanuel Macron à Bercy, le 17 avril. Eric Feferberg/AFP

La montée du nationalisme dans l’ensemble de l’Union européenne et en Amérique du Nord a suscité de nombreux débats quant à son impact sur le commerce mondial, l’avenir des blocs commerciaux et le caractère fluctuant des politiques publiques. Mais au-delà, des deux côtés de l’Atlantique, on distingue un dénominateur commun : la voix de la jeunesse est largement ignorée.

Certes, la France se démarque par un fort soutien des jeunes aux principaux candidats à l’élection présidentielle. Cependant, s’ils sont bien présents sur scène aux côtés des présidentiables durant cette campagne, cela signifie-t-il pour autant qu’ils seront écoutés demain ?

Les anciens et leur regard neuf sur le passé

Une des caractéristiques de la montée du populisme au sein de l’Union européenne et en Amérique du Nord est la romantisation du temps passé, quand le pays avait de la « grandeur » et que tout allait « mieux ». Cette vision nostalgique est le plus souvent celle des votants les plus âgés, car les plus jeunes n’ont connu que les années de grande précarité. Ils sont arrivés sur le marché du travail au moment des crises financière et économique et il serait juste de dire qu’ils se sont trouvés au mauvais endroit, au mauvais moment.

Lors du référendum sur le Brexit, ce sont les votants les plus âgés qui ont aidé à faire pencher la balance en faveur de la sortie de l’Union européenne : 60 % des électeurs de plus de 65 ans ont opté pour un retrait, contre seulement 27 % des personnes de moins de 25 ans. Si l’on tient compte des faibles taux de participation et d’inscription des jeunes, leur silence n’en devient que plus assourdissant.

La jeunesse paie le prix du nationalisme

Les jeunes ont beaucoup à perdre avec une vision étriquée de la nation et la volonté de revenir en arrière. L’ouverture des frontières et la promotion de l’esprit de coopération internationale ont engendré une génération de jeunes conscients des bienfaits de l’intégration européenne. S’il est vrai que les étudiants sont parmi les plus privilégiés dans chaque pays, leurs inquiétudes au sujet de la fin de la mobilité universitaire et de la perte de l’identité européenne n’en sont pas moins réelles. Les conséquences du Brexit pour la jeunesse britannique – en terme d’opportunités internationales, économiques et sur le plan de la mobilité – sont désormais claires, et à présent ces risques apparaissent dans le reste de l’Europe avec la montée du nationalisme.

Une étude récente confirme à quel point la jeunesse s’est retrouvée en première ligne face aux dégâts causés par la crise économique, expérimentant une hausse rapide du chômage et une baisse simultanée des offres d’emploi. Les politiques mises en place en réaction à cette crise n’ont pas nécessairement – ou pas suffisamment – été menées dans l’intérêt des jeunes. Ils se trouvent du mauvais côté d’une ligne de partage intergénérationnelle qui risque de renforcer les inégalités à travers les différentes tranches d’âge mais aussi les inégalités entre les ménages et les familles.

Les jeunes sont-ils capables de s’engager politiquement ?

Le taux de participation des jeunes aux élections est au plus bas depuis bien longtemps et cette tendance semble même s’accentuer. En 2014, seuls 27 % des Français de moins de 35 ans avaient voté. Par ailleurs, les adhésions aux partis politiques sont globalement en baisse au sein de l’UE.

Avec Jean‑Luc Mélenchon, le 19 avril, à Lons-le-Saunier. Sébastien Bozon/AFP

Mais les élections ne sont pas l’unique moyen de s’engager politiquement. Les jeunes sont plus susceptibles de recourir à formes d’engagement alternatives. Des études montrent ainsi que les mouvements de protestation sont particulièrement suivis par les personnes de moins de 34 ans, en France comme ailleurs en Europe. C’est le cas Nuit debout, l’équivalent de Occupy Movement dans le reste du monde, qui a incarné un espace pour le débat public et la coopération débarrassé des hiérarchies traditionnelles.

L’observation de l’utilisation des médias sociaux par la jeunesse comme forme d’engagement politique met également en lumière les possibilités de favoriser l’engagement critique, tout en augmentant sa capacité à partager et débattre des informations politiques importantes.

L’engagement virtuel, une influence déconnectée ?

Si ces formes alternatives d’engagement sont stimulantes, elles peuvent cependant être difficiles à transformer en influence et en pouvoir politique. Bien qu’il existe des éléments probants suggèrant que l’engagement politique sur Internet est corrélé à la participation hors connexion, le constat s’impose : plus la jeunesse est absente lors des élections, moins les politiciens sont motivés à servir ses intérêts, alimentant ainsi un cycle de désaffection.

La France est peut-être différente des autres pays à cet égard. La mise en avant de ses jeunes militants et politiciens par le Front national attire un segment de population délaissé : de récents sondages ont montré que 39 % des 18-24 ans envisageaient de voter Le Pen. D’autres partis s’efforcent également d’augmenter leur quota de jeunes. Une récente enquête montre que Macron arrive en seconde position après Le Pen parmi les 18-24 ans et ex aequo dans le groupe des 25-34 ans.

Marine Le Pen en meeting à Paris, le 17 avril. Joël Saget/AFP

Cela pourrait être lié en partie aux stratégies de mobilisation en ligne du groupe « Les Jeunes avec Macron ». Du côté des socialistes, les jeunes ont été attirés par la proposition de Hamon sur le revenu universel, tandis que les explications interactives de cette mesure sur le site Internet de sa campagne visaient à attirer les « natifs du numérique ».

On trouve également des tentatives de mobilisation de la jeunesse sans intention partisane. À l’approche de l’élection présidentielle : voxe.org a ainsi tenté de développer et tirer profit du lien entre l’engagement sur Internet et celui non connecté avec l’initiative #Hello2017. Ce site propose des explications sur les partis, les candidats et les politiques, courtes et percutantes, agrémentées de nombreuses vidéos et de débats dans le « monde réel », filmés dans des bars et des cafés.

Nous saurons bientôt à quel point ces initiatives auront permis d’augmenter la participation des jeunes à l’élection présidentielle et si elles auront été les véritables porte-voix de leurs inquiétudes. Puis, à moyen terme, de la mesurer au fur et à mesure que le programme du nouveau Président sera mis en place.

Mais quel que soit le résultat de ce scrutin, la hausse continue de la précarité et de la désaffection vis-à-vis du politique montrent que s’adresser à la jeunesse n’a jamais été aussi important, tant en France que dans le reste du monde.


Traduction par Gaëlle Gormley.

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