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Les prix ont globalement moins augmenté dans la zone euro que dans le reste de l'Union européenne. Shutterstock

La zone euro protège-t-elle de l’inflation alimentaire ?

La vague inflationniste reflue mais elle a largement secoué les économies européennes. Elle a été la conséquence de l’invasion de l’Ukraine, des sanctions mises en place contre la Russie et de leurs répercussions sur le marché des matières premières. L’impact sur le prix des denrées alimentaires a été particulièrement violent, plus encore pour les ménages à faible revenu. Un peu moindre néanmoins en France que dans la Zone euro et que dans la Zone euro par rapport à la moyenne des 27.

Serait-ce lié à des spécificités géographiques des États en question ou bien peut-on plus largement considérer que le fait d’appartenir à l’Union monétaire a bien eu un effet protecteur ? Telle est l’une des questions que nous avons approfondi dans une recherche récente.

Une inflation causée également par les taux de change

Plusieurs facteurs ont contribué à la hausse des prix des denrées alimentaires dans l’Union européenne. Ces dernières années, les conflits géopolitiques, la baisse des récoltes, l’augmentation des prix de l’énergie et des fertilisants mais aussi la volatilité des taux de change ont contribué à alimenter les pressions inflationnistes. Ces éléments ont soulevé des questions majeures sur la sécurité alimentaire, les dépenses des consommateurs et la stabilité économique.

Le conflit sur le territoire ukrainien a particulièrement affecté la production céréalière, entraînant une pénurie mondiale de céréales et exacerbant les pénuries alimentaires dans le monde. La fermeture des ports d’expédition en Ukraine a encore entravé les exportations de céréales, aggravant les défis auxquels sont confrontées les chaînes d’approvisionnement alimentaire.

En analysant les données de janvier 2001 à mai 2022, trois facteurs sont apparus comme particulièrement significatifs : les conflits géopolitiques, les prix mondiaux du pétrole brut mais aussi les fluctuations sur le marché monétaire.

Si les deux premiers facteurs ont déjà beaucoup été documentés, le troisième a plus rarement été évoqué. Les évolutions des taux de change, en particulier dans les États n’appartenant pas à la zone euro, ont joué un rôle important dans l’augmentation des prix des denrées alimentaires dans l’ensemble de l’UE. Les mouvements de taux de change peuvent en effet affecter de manière asymétrique les prix des denrées alimentaires à la fois à court et à long terme, en modifiant les coûts d’importation et d’exportation des biens.

Conséquences sur les tiers de la politique monétaire

Ce sont principalement les pays d’Europe de l’Est et les autres pays qui ne font pas partie de la zone euro qui ont enregistré la plus forte augmentation du niveau des prix des denrées alimentaires. Après la Roumanie, la Hongrie était dans le peloton de tête. En parallèle, le leu roumain, le forint hongrois et le lev bulgare ont connu la plus forte dépréciation de leur taux de change par rapport à l’euro entre 2021 et 2022.

Sur l’ensemble de la période 2001-2022, il apparaît en moyenne qu’une hausse d’une unité du taux de change par rapport à l’euro (1 euro n’est, par exemple plus l’équivalent de 10 unités de monnaie locale, mais de 11) implique, toute chose égale par ailleurs, une hausse de l’inflation alimentaire de 0,8 point de pourcentage. Nous obtenons ce résultat en contrôlant les spécificités de chaque pays et de chaque année grâce aux outils de l’économétrie des panels.

La volatilité des taux de change continuera vraisemblablement d’être un facteur important influençant l’inflation des prix des denrées alimentaires dans les pays de la zone euro et hors zone euro. Dans les mois et les années à venir, les méthodes de contrôle des risques de change et de maintien de la stabilité des prix seront majeures, y compris pour améliorer la résilience et la sécurité alimentaires.

Nos observations concernant l’impact des taux de change sur l’inflation des prix des denrées alimentaires peuvent ainsi servir de fondement aux décideurs monétaires comme la Banque centrale européenne. Elles aident notamment à mesurer les conséquences potentielles d’une décision, en particulier sur les pays tiers. Sans doute notre analyse serait-elle néanmoins à poursuivre avec des données plus récentes.

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