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Le premier ministre Justin Trudeau fait une pause alors qu'il prend la parole lors d'une conférence de presse à Ottawa le 11 janvier. Trudeau a déclaré que l'Iran doit assumer l'entière responsabilité d'avoir abattu par erreur un avion de ligne ukrainien, tuant les 176 civils à bord. La Presse Canadienne/Justin Tang

L'absence de diplomatie du Canada au Moyen-Orient met en danger ses citoyens

Le Canada est pris dans un gâchis diplomatique à la suite de la récente escalade du conflit entre les États-Unis et l’Iran. Cette escalade a conduit à la destruction par l’Iran sur son propre sol du vol PS752 d’Ukraine International Airlines, avec 57 Canadiens à bord.

Il ne s’agit pas seulement du fait que le Canada est pris dans une conflagration internationale impliquant l’administration Trump, après son assassinat ciblé du major-général iranien Quassem Soleimani

C’est aussi le résultat d’une attitude inutilement agressive du Canada lorsque, en 2012, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a fermé son ambassade à Téhéran et a expulsé les responsables iraniens du Canada à court préavis.

Le contexte de la guerre et du vol PS752

Le vol PS752, avec son escale à Kiev, était populaire auprès des Iraniens qui se rendaient au Canada parce qu’il n’y a pas de liens directs entre les deux pays. C’est aussi une route alternative bon marché en Iran, pays appauvri par les sanctions, les conflits et la corruption.

Depuis des mois, les États-Unis et l’Iran s’opposent au Moyen-Orient. Ces deux rivaux sont particulièrement agressifs depuis que les États-Unis se sont retirés en 2018 du traité du Plan d’action global conjoint (PAGC) sur l’accord nucléaire iranien, négocié par l’administration de Barack Obama, et ont imposé de nouvelles sanctions à l’Iran.

Le PAGC avait été conçu pour empêcher l’Iran d’acquérir des armes nucléaires. L’Iran a respecté sa part dans l’accord.

Cette tension a atteint de nouveaux paroxysmes lorsque les États-Unis ont assassiné ouvertement, à l’aéroport de Bagdad, le plus haut responsable militaire d’un tiers pays, un acte sans précédent. Ce sort est généralement réservé aux acteurs non étatiques. Dix personnes ont été tuées dans l’attaque du drone, dont le commandant de la faction irakienne Abu Mahdi al-Muhandis. Cet acte contrevient aux normes internationales de conduite existantes.

Des piétons passent devant des banderoles des gardiens de la révolution iraniens, le général Qassem Soleimani, qui a été tué en Irak lors d’une attaque de drones américains. (AP Photo/Vahid Salemi)

Hillary Mann Leverett, un ancien responsable de la sécurité nationale à la Maison Blanche, a déclaré à Al Jazeera que le meurtre de Soleimani équivalait à une « déclaration de guerre »

L’Iran a exercé des représailles

Le meurtre a conduit directement l’Iran à dire qu’il n’honorerait plus le PAGC et à lancer des attaques de missiles sur des bases militaires américaines en Irak trois jours plus tard, ne faisant aucune victime. Il n’est peut-être pas surprenant, dans un tel environnement tendu, que l’armée iranienne ait tiré des missiles sur un avion de ligne décollant de Téhéran, craignant une attaque américaine imminente. L’Iran, cependant, aurait probablement dû clouer au sol tous les vols civils ce jour-là.

L’Iran a d’abord nié avoir abattu l’avion, mais après que des utilisateurs iraniens de médias sociaux aient multiplié les spéculations sur la responsabilité des missiles iraniens, le gouvernement a admis ses actes. Depuis, les manifestants sont descendus dans les rues pour protester contre le régime.

La décision du Canada de couper les liens diplomatiques avec l’Iran en 2012 a joué un rôle dans la perte tragique de citoyens canadiens.

C’était une décision fondée en grande partie sur des calculs politiques internes. Elle a coûté très cher à la capacité du Canada d’avoir une présence et des contacts institutionnels en Iran et de fournir des services aux Canadiens.

Ce manque de renseignements de base sur le terrain a nui au Canada au pire moment possible. En raison de ces mauvais rapports, le Canada n’a qu’un accès limité pour participer à l’enquête sur le vol abattu.

Trudeau a principalement blâmé l’Iran… mais aussi Trump

Le Canada a justifié la rupture des liens en 2012 en disant que l’Iran était la « plus importante menace à la paix et à la sécurité mondiales ». Le premier ministre Justin Trudeau semblait suivre cette ligne dans sa conférence de presse du 11 janvier, blâmant principalement l’Iran.

Hier, Trudeau a aussi blâmé indirectement le président américain Donald Trump pour la destruction du vol PS752 : « sans les tensions dans la région, le drame aurait été évité ».

Justin Trudeau a largement adhéré à la politique de son prédécesseur au Moyen-Orient. Toutefois, une représentation diplomatique serait d’une grande utilité à la suite de l’écrasement du vol PS752. Le rapatriement des corps sera notamment très difficile.

Les liens diplomatiques offrent des possibilités de dialogue essentielles pour éviter les conflits et résoudre les différends. De plus, les Canadiens vivent, voyagent et font des affaires partout dans le monde, et une importante communauté de Canadiens d’origine iranienne doivent avoir accès à la représentation diplomatique canadienne pour leur propre sécurité et leur bien-être.

Vigile à Edmonton pour les victimes du vol PS752 d’Ukraine International Airlines qui s’est écrasé après son décollage près de Téhéran, en Iran. La Presse Canadienne/Codie McLachlan

C’est pourquoi le Canada est représenté par d’autres États, notamment l’Italie. L’une des promesses de la campagne de Trudeau en 2015 était de rétablir les relations diplomatiques avec l’Iran.

Bien que le gouvernement Harper ait ajouté une loi qui a rendu difficile de renverser la décision de 2012, cela peut être fait s’il y a une volonté politique.

Les Canadiens ont besoin d’une ambassade en Iran

Personne ne sait encore quelles seront les retombées de l’escalade entre les États-Unis et l’Iran. Le Moyen-Orient est maintenant encore plus dangereux et instable.

Pendant ce temps, l’Irak vit de grands bouleversements, avec de nombreuses manifestations. Et personne ne peut encore déterminer quel sera l’impact, dans le monde, de l’assassinat d’un haut gradé d’un tiers pays par une puissance militaire.

Plus que jamais, le Canada a besoin d’une présence en Iran afin de faire face aux conséquences de ces terribles événements, en plaçant les intérêts canadiens à l’avant-plan. Comme la tragédie du vol PS752 l’a montré, le Canada est perdant en restant ainsi isolé.

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This article was originally published in English

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