Donald Trump a signé le 28 mars dernier un décret qui balaie l’essentiel de la politique climatique proposée par la précédente administration Obama.
Dans ce contexte, le doute plane toujours sur le sort que le président nord-américain compte réserver à l’Accord de Paris – ce traité adopté le 12 décembre 2015 lors de la COP21 qui fixe les grandes orientations de la gouvernance climatique mondiale. Les États-Unis vont-ils l’ignorer, voire chercher à s’en désengager ?
Trump devrait faire connaître sa décision dans les semaines à venir, en amont du prochain sommet du G7 qui se tiendra les 26 et 27 mai à Taormina (Sicile). Parmi les thèmes retenus pour cette rencontre internationale, figure celui de la promotion d’une « positive global climate policy ».
En dépit de cette situation indécise, il existe aujourd’hui plusieurs bonnes raisons de penser que l’Amérique de Trump ne se désengagera pas – du moins officiellement – de l’Accord de Paris.
Un coût diplomatique élevé
Si Trump avait dans un premier temps promis d’« abandonner » le traité, depuis son élection le 8 novembre 2016, il est resté ambigu, promettant de l’« examiner très attentivement », répétant qu’il avait l’« esprit ouvert ».
Mi-novembre, Obama appelait le nouveau président à ne pas quitter cet accord qui avait permis d’encourager la Chine et l’Inde à mettre en œuvre des politiques de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Et il y a en outre une constante de la politique américaine : la nouvelle administration endosse les traités internationaux signés par la précédente.
Le coût diplomatique d’une sortie officielle de l’Accord serait ainsi immense. En particulier au niveau des relations avec Pékin. L’accord climatique États-Unis/Chine, signé le 12 novembre 2014, a été en effet déterminant pour le contenu de l’Accord de Paris qui s’appuie sur des politiques strictement nationales. Le quotidien Global Times, proche des autorités chinoises, a d’ailleurs été d’une virulence rare dans ses commentaires du décret du 28 mars.
Chaque État peut faire ce qu’il veut
L’article 28 de l’Accord de Paris précise que sa dénonciation ne peut être notifiée que trois ans après son entrée en vigueur, avec effet du retrait une année plus tard. L’Accord étant entré en vigueur le 4 novembre 2016, ce n’est donc pas avant novembre 2020 que les États-Unis pourraient ne plus être comptés parmi les signataires. Une longue procédure.
Mais dans les faits Trump n’a pas besoin de dénoncer officiellement l’Accord, car celui-ci laisse les États libres de faire à peu près ce qu’ils veulent. Et donc de ne pas respecter leurs promesses, qui engagent notamment Washington à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 26 % d’ici à 2025 (Les États-Unis sont les seconds plus gros émetteurs mondiaux après la Chine).
Todd Stern, l’ancien négociateur climat d’Obama, le rappelait récemment. Au titre de l’Accord de Paris, chaque pays détermine son propre programme comme il l’entend : « Personne ne peut être forcé d’engager des actions qui ne lui conviennent pas ».
La politique d’Obama démantelée
Même s’ils ne sortent pas de l’Accord de Paris, les États-Unis sont entrés avec Trump dans une phase de reculs sur le plan climatique.
À commencer par le « plan climat » d’Obama qui proposait – c’était sa mesure phare – de réglementer les émissions de dioxyde de carbone en provenance des centrales électriques au charbon (avec une réduction d’environ 25 % des émissions pour les nouvelles centrales). Trump a demandé à l’Agence de protection de l’environnement (EPA) de « suspendre, réviser ou abroger » l’ensemble de cette réglementation.
En 2009, lors de la Conférence de Copenhague (COP15), Obama avait promis, au nom des pays développés, 100 milliards de dollars annuels à l’horizon 2020 au bénéfice des pays en développement, pour la réduction de leurs émissions et l’adaptation aux changements climatiques. Cette promesse ne sera pas tenue.
Trump envisage également de couper tous les financements au bénéfice du Fonds vert pour le climat des Nations unies (créé en 2010 suite à la COP15), auquel Obama n’avait d’ailleurs effectué que deux modestes versements, chacun de 500 000 dollars.
Enfin, Washington pourrait porter un coup très rude aux travaux du GIEC (Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat), dont les États-Unis assurent à eux seuls près de 45 % des financements.
La révolution des renouvelables
Ce fut l’un des thèmes de la campagne de Trump : relancer l’emploi dans le secteur du charbon ; il est cependant peu probable qu’il y parvienne, même si « le charbon jouera encore un rôle très important aux États-Unis pour au moins 15, 20 ans, ou plus ».
Il y avait 135 000 mineurs de fond en 1988, plus que 40 000 en 2015. L’intensité carbone de la production d’électricité a diminué de près d’un quart entre 2005 et 2016, et 40 % de cette diminution est due à la percée des énergies renouvelables. Celles-ci devraient devancer les centrales à charbon pour la production d’électricité avant le milieu du siècle.
Pour les entrepreneurs et investisseurs du secteur des renouvelables, la révolution en cours ne peut être stoppée, « peu importe qui occupe la Maison-Blanche ».
Une bataille pour le XXIe siècle
La décarbonation – qui désigne l’ensemble des initiatives pour parvenir à se passer de l’utilisation des combustibles fossiles (pétrole, charbon ou gaz) – ne dépend pas seulement des princes qui nous gouvernent.
Si Trump va occasionner des dégâts, il ne pourra tout chambouler en renversant des dynamiques qui le dépassent. Ce sont les transformations macro-économiques plus structurelles, sur le temps long, les politiques énergétique, industrielle, d’innovation, qui importent. Les intérêts économiques contradictoires, les tensions et conflits, ne manqueront pas.
La mise en œuvre de l’Accord de Paris et le renforcement de ses ambitions est – et sera – une bataille pour tout le siècle. Celle de l’objectif d’un réchauffement limité à 1,5 °C, proposé dès les premiers paragraphes de l’Accord, est déjà perdue. Avec ou sans Trump.