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Le baron Larrey, ce génie à qui l’on doit l’ambulance… et la série « MASH »

Les acteurs de la série télévisée « MASH ». Wikimedia Commons

Quand j’étais jeune, MASH était l’une de mes séries télévisées préférées. L’intrigue se déroule dans un hôpital mobile pendant la guerre de Corée, et met en scène des médecins et des infirmiers militaires qui voient leur travail avec détachement, non sans une pointe d’humour noir. Les hélicoptères amènent les blessés aux tentes du Mobile Army Surgical Hospial (MASH), situées près du front, où les équipes apportent les premiers soins aux soldats avant de les envoyer vers les hôpitaux. On doit ce modèle d’intervention médicale à un chirurgien français qui s’illustra lors des guerres napoléoniennes : le baron Dominique-Jean Larrey, né il y a 250 ans.

Larrey, qui a participé à la plupart des campagnes de Napoléon, croyait en la prise en charge rapide des blessés, et inventa la première ambulance. Ces « ambulances volantes » tirées par des chevaux pouvaient manœuvrer rapidement à travers le champ de bataille, récupérer les blessés et les conduire aux hôpitaux de campagne situés juste en dehors de la zone de combat. Ici, les soldats étaient traités, et une fois leur état stabilisé, ils étaient transportés vers des hôpitaux éloignés du front, en général installés dans des couvents ou des monastères.

« L’ambulance volante » de Larrey. The National Library of Medicine.

Larrey a travaillé sans relâche pour prodiguer les meilleurs soins aux patients à sa charge. Il se battait en permanence contre l’administration militaire qui considérait souvent les blessés comme des bouches de plus à nourrir, des indésirables. Il a combattu l’incompétence des sergents-majors qui vendaient le matériel nécessaire aux hôpitaux dans leur intérêt personnel. De la même façon, il s’est heurté aux généraux qui auraient préféré recevoir des ressources destinées aux opérations militaires de première ligne, plutôt qu’aux interventions chirurgicales.

Bien que Larrey se soit souvent attiré les foudres de ses pairs, il bénéficiait du soutien de l’empereur Napoléon qui lui portait beaucoup d’estime – probablement en raison de l’impact positif de son action sur le moral des troupes.

Le baron Larrey. irinaraquel/Flickr, CC BY

Larrey était un homme de principes. Il a mis au point le système du tri afin que les blessés soient traités selon l’urgence de leur état, indépendamment de leur grade ou de leur nationalité. Si cela ne l’a pas aidé à se faire bien voir de tous les généraux ou administrateurs, c’est ce qui lui a permis d’échapper à la mort quelque temps plus tard.

Blessé et capturé par les Prussiens après la bataille de Waterloo, il allait être exécuté quand le médecin qui lui bandait les yeux le reconnut. Il fut alors conduit au général prussien, Gebhard Leberecht von Blücher. Larrey avait sauvé la vie de son fils lors d’un précédent combat et fut, après avoir été invité à dîner, libéré avec de l’argent et une escorte.

Un chirurgien talentueux

En plus d’être un administrateur fantastique et un homme courageux, Larrey était un chirurgien talentueux et novateur. Il promouvait l’amputation rapide après avoir compris qu’elle offrait plus de chances de survie. Pour les amputations classiques, il effectuait trois découpes circulaires afin d’obtenir un cône inversé, qui formait un moignon adapté aux jambes de bois. Les personnels médicaux ont préféré cette technique à l’autre – une coupe droite avec la peau tirée vers le bas et cousue autour du bout de l’os – qui entraînait douleur, infections fréquentes et gangrène.

Larrey était l’un des rares chirurgiens à pouvoir réaliser avec succès la désarticulation – séparation de deux os – de la hanche ou de l’épaule. L’amputation de l’épaule est d’ailleurs connue, encore aujourd’hui, comme l’amputation de Larrey. En 1812, il découvrit qu’il pouvait réduire la douleur de l’opération en emballant les moignons dans de la neige.

Il a aussi opéré des civils. Si vous cherchez une personne à remercier pour le développement des anesthésiques, vous devriez lire le récit de la mastectomie de Fanny Burney – racontée par la romancière elle-même – que Larrey a accomplie sans l’aide de médicaments.

Complexe, vaniteux, vertueux

Le baron avait une personnalité complexe. Il ne supportait pas, par exemple, d’avoir les cheveux coupés trop courts et se sentait physiquement et mentalement malade si c’était le cas. Il cherchait la bagarre à la moindre remarque, et s’insurgeait quand il ne recevait pas les honneurs ou les postes qu’il pensait lui être dus. C’était un révolutionnaire républicain engagé, qui mena 1 500 étudiants à la prise de la Bastille. Paradoxalement, il admirait Napoléon, même lorsque ce dernier devint empereur.

Il était vaniteux : il affirma ainsi qu’à la bataille de Waterloo, le duc de Wellington avait ordonné à l’artillerie de ne pas viser dans sa direction, avant de lui tirer son chapeau. On raconte que le duc de Cambridge avait demandé au duc de Wellington qui il était en train de saluer : « Je salue le courage et le dévouement d’un temps qui n’est plus », avait-il répondu. Dommage que cette anecdote touchante soit bêtement gâchée par le fait que le duc de Cambridge n’était pas à Waterloo…

Larrey était cependant très apprécié. Beaucoup d’histoires relatent que des soldats ordinaires se mettaient eux-mêmes en danger pour le protéger. Lors de la traversée chaotique de la rivière Bérézina, pendant la retraite de Moscou, ils le firent passer au-dessus de leurs têtes pour atteindre l’autre côté d’un pont envahi par l’ennemi. Larrey a aussi figuré parmi le peu de gens que Napoléon a mentionnés dans son testament : l’empereur a légué 100 000 francs à « l’homme le plus vertueux que j’ai rencontré ».

Il mourut en 1842 à Lyon, à l’âge de 76 ans. Il revenait en urgence à Paris – après une inspection d’hôpitaux militaires à Alger – pour retrouver Charlotte, sa femme bien-aimée et malade. Elle avait, hélas, succombé trois jours auparavant.

Mais l’œuvre de Larrey continue de vivre. La prochaine fois que vous verrez une ambulance se frayer un chemin à travers les embouteillages, ayez une pensée pour son inventeur !

Traduit de l’anglais par Diane Frances.

This article was originally published in English

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