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Le marché très discret de la compensation carbone volontaire

Un foyer de cuisson amélioré dont la fabrication a été financée par le système de compensation carbone volontaire. BioLite/wikipedia, CC BY-NC-ND

Grand rendez-vous de la diplomatie internationale sur le changement climatique, la 21e Conférence des Parties (COP) qui s’ouvre à la fin du mois à Paris peut sembler loin des préoccupations quotidiennes des citoyens. Mais les COP ont de véritables effets sur nos modes de vie. C’est ainsi le cas avec l’émergence du marché volontaire de la compensation du carbone qui a vu le jour à la suite des négociations de la COP de Kyoto (1997).

Le trajet d’une lettre, la fabrication de chocolat, d’oreillers ou de produits cosmétiques, un déplacement en avion, une coupe chez le coiffeur : tous ces produits et services, qui pour exister réclament la consommation d’énergies fossiles émettrice de gaz à effet de serre (GES) dont la trop grande concentration dans l’atmosphère perturbe le climat, peuvent être « compensés carbone ». Il suffit à leurs fabricants ou prestataires d’acheter des « crédits carbone ». Ceux-ci correspondent à une réduction d’émissions de gaz à effet de serre rendue possible grâce au financement de projets d’aide au développement.

Minimiser les coûts de la réduction des émissions

C’est au cours des négociations de la troisième COP (1997) – qui déboucha sur le Protocole de Kyoto – que le principe des réductions d’émissions de GES dans un pays en voie de développement permettant de compenser les émissions des pays industrialisés a été mis en place. Le Protocole avait fixé pour la période de 2008-2012, un objectif global de réduction de ces émissions d’au moins 5 % par rapport aux niveaux de 1990.

En amont de la négociation du traité, l’Union européenne et les États-Unis s’étaient opposés sur la manière d’atteindre ces objectifs. Washington, craignant que le coût des réductions d’émissions soit trop élevé pour ses entreprises, avait proposé d’ajouter des mécanismes de flexibilité au Protocole de Kyoto. Partant du postulat que les coûts de réduction d’émissions de carbone sont moins élevés dans les pays en voie de développement, le Mécanisme pour un développement propre (MDP) a été instauré.

Ce mécanisme permet à un pays industrialisé de financer des réductions d’émissions carbone dans un pays en développement. Un comité exécutif de l’ONU est chargé d’établir les règles visant la vérification des réductions d’émissions de carbone réalisées via la mise en œuvre de ces projets. Une fois certifiées par ce comité, les réductions d’émissions peuvent être échangées sous forme de crédits carbone par les pays intéressés ayant ratifié le Protocole. Cependant, seules les émissions de certains secteurs (industrie lourde, énergie) sont concernées.

Un outil pour la communication « verte »

Dès 2005, des entreprises n’appartenant pas à ces secteurs – et donc non contraintes à réduire leurs émissions – ont commencé à acheter sur une base volontaire des crédits carbone issus de projets dans les pays en voie de développement. C’est notamment le cas de fabricants d’oreillers, de chocolat, de livreurs de colis. Petit à petit, les règles d’un nouveau marché où des acteurs achètent, sans y être contraints, des crédits carbone proposés par des ONG ou des cabinets spécialisés se sont instaurées. De nouveaux organismes privés de certification ont également vu le jour pour labelliser les crédits vendus sur le marché du carbone volontaire. Pour les firmes qui achètent ces crédits carbone, la démarche s’inscrit désormais dans une politique de Responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Les produits ou services compensés carbone deviennent pour l’entreprise l’occasion de communiquer sur sa démarche environnementale : on pense, par exemple, au financement de la distribution de filtres à eau en zone rurale d’Afrique subsaharienne. Grâce à ces filtres, les ménages éviteraient des émissions de carbone en consommant moins de bois, car ils n’auraient plus besoin faire bouillir l’eau pour la rendre potable. Il peut aussi s’agir de subventionner la vente de foyers de cuisson améliorés. Ces derniers sont dits « améliorés », car ils permettent de consommer moins de combustible et émettent moins de fumées toxiques. L’Organisation mondiale pour la santé tient en effet les feux entre trois pierres, utilisés dans les logements pour la cuisine et le chauffage, responsables de maladies respiratoires entraînant la mort prématurée de 4,3 millions de personnes par an.

C’est en estimant la différence entre les émissions produites par les ménages sans équipement avec celles des ménages équipés, que les développeurs de projet peuvent obtenir des crédits carbone qu’ils proposent ensuite à la vente. Les transactions de crédits carbone issus de ces deux technologies – le filtre à eau et la vente de foyers de cuisson améliorés – se sont chiffrées à 25 millions de dollars américains en 2014.

Les montants associés au marché volontaire du carbone restent loin d’égaler ceux des marchés mis en place par des États : 400 millions de dollars contre 30 milliards. Les réductions d’émissions de carbone financées sur une base volontaire par les entreprises, soit 1 % du total des émissions mondiales en 2014, sont quant à elles loin des recommandations des experts pour limiter le réchauffement climatique.

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