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Dessin d'une réunion par visioconférence.
Les DSI exercent un pouvoir de validation des outils utilisables ou non par les collaborateurs. Mohamed Hassan/Pxere, CC BY-SA

Le télétravail a renforcé le rôle des responsables du numérique

Les grèves actuelles face à la réforme des retraites vont-elles ancrer encore plus le télétravail dans nos pratiques quotidiennes ? En effet, le télétravail et plus généralement le travail à distance permettent à une grande partie des travailleurs « contourner » les perturbations liées à la grève. Ceci n’aurait peut-être pas été possible sans le tournant de la crise sanitaire qui a profondément modifié notre rapport au travail.

Comme à la sortie de toute crise, certains s’en sortent mieux que d’autres. Ainsi, alors que les managers sont au centre de la réflexion du rapport au travail et aux effets de la distance sur leurs pratiques, les directeurs des systèmes d’information (DSI), qui dirigent les équipes de techniciens informatiques, semblent avoir acquis ces dernières années une place plus importante dans l’organisation. C’est le constat dressé à l’issue d’un travail doctoral mené avant, pendant et après la crise du Covid auprès d’un panel de responsable des ressources humaines et des systèmes d’information.

Depuis le printemps 2020, l’essor du télétravail a renforcé la place des outils numériques et les réseaux dans les organisations. Peu à peu, les solutions numériques sont devenues la norme. Utiliser des outils collaboratifs comme Microsoft Teams ou les groupes WhatsApp ont pu devenir des obligations du quotidien.

« Zoom ? Non, point barre »

L’intensification de la présence des outils confère un pouvoir exacerbé aux DSI. Les outils du travail sont entrés au cœur des réflexions sur l’organisation du travail avec des plates-formes collaboratives de plus en plus complètes ou encore un renforcement de la cybersécurité. Par cette position centrale lors de la crise sanitaire les DSI vont alors en profiter pour réguler les pratiques des acteurs et ainsi asseoir leur nouvelle position. D’autant plus que, peu de règles restent explicites et encore moins écrites.


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Ce pouvoir renforcé des DSI se traduit notamment par la capacité de celui-ci à orienter non seulement le choix des outils mais aussi le comportement des différents acteurs de l’organisation, parfois avec autorité. Un DSI d’une entreprise internationale en témoigne :

« Pour moi, Teams répond à 98 % des besoins, aucune raison d’utiliser autre chose. Quand quelqu’un me dit qu’il va organiser une réunion Zoom, [je lui réponds] non, point barre. Ce n’est pas une option. »

En exerçant un pouvoir de validation des outils utilisables ou non par les collaborateurs, les DSI possèdent ainsi des ressources stratégiques qui pèsent dans les différentes situations de télétravail.

Les conséquences de cette place renforcée des outils numériques et des DSI sont multiples. Premièrement, en cas de flou sur le processus décisionnel peut apparaître un shadow IT, c’est-à-dire des pratiques inconnues ou non recensées par les DSI. Par exemple, l’utilisation de groupes WhatsApp parallèles aux messageries de l’entreprise.

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Deuxièmement, on voit émerger des injonctions comportementales avec des DSI qui ont le pouvoir de bloquer des applications ou des fonctionnalités et ainsi imposer de nouvelles manières de travailler ou de communiquer.

Troisièmement enfin, on a pu constater une déshumanisation et une désincarnation des espaces de communication en réaction à la standardisation des procédures de communication des échanges formels.

Une heure avec un paper board

Rien ne saurait alors a priori remplacer l’espace machine à café ou encore le fameux paper board en réunion. Même un DSI interrogé le souligne :

« je fais une réunion avec deux personnes de mon équipe, je leur dis venez sur site, on a besoin de se poser, de prendre un paper board, d’écrire dessus et à la fin de l’heure j’ai envie d’avoir des réponses. Là où depuis 6 mois on tourne autour du pot. »

Malgré leurs limites, les outils du travail à distance constituent globalement les formidables alliés d’un travail plus souple. Sur ce point aussi les DSI ont leur rôle à jouer : celui de la pédagogie. Par exemple, des formations internes aux différents outils peuvent favoriser un usage commun de ces derniers. Un DSI reconnaît l’existence de cette nouvelle exigence :

« il faudrait déjà expliquer ce que peut apporter ce type de plate-forme, comment ça favorise la collaboration et la productivité. Quand on n’est pas en train de chercher la dernière version d’un document, on gagne du temps, on sait que l’on a forcément accès à la dernière version. »

Gain de temps, de productivité, meilleure cohésion du collectif, le DSI se voit peu à peu conférer des tâches jusqu’alors réservées au responsable ou directeur des ressources humaines. Se dirigerait-on dès lors vers une place hybride des DSI au sein des organisations ?

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