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un orbe multicolore brillant sur un fond sombre
La couronne solaire est bien visible sur cette image prise en 2007. (NASA/JPL-Caltech/NRL/GSFC)

L’éclipse du 8 avril offre une occasion unique d’observer la couronne solaire

Les personnes se trouvant sur une trajectoire étroite qui traverse le Mexique, les États-Unis et l’est du Canada le 8 avril auront la chance exceptionnelle d’observer la chose la plus chaude qu’un être humain puisse jamais voir : la couronne qui entoure le Soleil.

Pendant l’éclipse, la couronne devient visible, et le plasma qui jaillit du Soleil présente des formes spectaculaires.

Cette atmosphère diffuse une étrange lumière blanchâtre et peut être observée en toute sécurité une fois que la surface brillante du Soleil est entièrement recouverte. Toutefois, il est dangereux de regarder les phases partielles de l’éclipse sans une protection oculaire appropriée, telle qu’un filtre homologué ou une boîte à éclipse.

Ce spectacle a longtemps fasciné l’humanité, sans qu’elle le comprenne. Les astronomes savent désormais que la couronne solaire a une température pouvant atteindre deux millions de degrés Kelvin, ce qui, pour des températures aussi élevées, correspond presque au même chiffre en Celsius.


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Ce que les astronomes n’ont pas encore compris, c’est pourquoi la couronne est aussi chaude.

Des scientifiques de la NASA expliquent la façon dont on compte photographier la couronne solaire lors de l’éclipse de 2015.

Chaleur et densité

La température de la surface du Soleil n’est que d’environ 5 800 de kelvins (5 500 °C). La raison pour laquelle nous pouvons regarder la couronne en toute sécurité, mais devons éviter de regarder la surface de l’astre est affaire de densité : la couronne est très peu dense, et la majeure partie de la lumière que nous voyons est la lumière du Soleil réfléchie par sa surface.

La densité de la surface du Soleil est telle qu’elle émet environ 65 mégawatts d’énergie par mètre carré. Même diluée par une distance de 150 millions de kilomètres, c’est suffisant pour provoquer instantanément des lésions oculaires.

Comme la couronne est une couche très fine de gaz, malgré sa température élevée, elle n’émet et ne réfléchit que peu de lumière. C’est pourquoi nous ne pouvons l’observer que lorsque le Soleil est complètement caché par la Lune. Autrement, la lumière diffusée dans notre atmosphère nous empêche de la voir.

Le mystère de la chaleur de la couronne intriguait les astronomes du XIXe siècle. À l’époque, de nouveaux instruments avaient été mis au point pour étudier la composition des corps célestes.

En 1704, sir Isaac Newton a découvert que la lumière « blanche » pouvait être décomposée en couleurs, résultat publié dans son livre « Opticks ». Malheureusement, sa conception de la lumière était erronée, ce qui a probablement retardé le développement de la science optique d’une centaine d’années  !

Ce n’est qu’au début des années 1800 qu’ont été mis au point des instruments qui ont ouvert la voie à l’industrie allemande de l’optique, extrêmement rentable. Les scientifiques ont ainsi pu découvrir la composition des matériaux grâce à la lumière qu’ils émettaient lorsqu’ils étaient chauffés.

Le bec Bunsen, conçu à l’origine pour donner des flammes incolores, a été un élément essentiel de ces études.

un cercle noir entouré d’une lumière blanche diffuse sur un fond bleu marine
Une éclipse solaire totale en 2015 au-dessus du Svalbard, en Norvège, révèle les formes des piliers du vent solaire. (M. Druckmüller, S. Habbal, P. Aniol, P. Štarha)

Photographie et astrophysique

Le développement de la photographie a permis à l’astronomie de donner naissance à la science astrophysique, et le Soleil est alors devenu une cible idéale pour les premiers instruments en raison de sa très grande luminosité.

Lors de l’éclipse solaire de 1868, on a observé des émissions rouge vif, couleur que l’on sait provenir de l’hydrogène. Mais quand cette lumière a été décomposée à l’aide d’un spectroscope, on a remarqué une lumière jaune qui n’avait jamais été vue sur Terre.


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On a alors découvert un nouvel élément, que l’on a nommé en fonction de son lien avec le Soleil (en grechelios). Ce n’est qu’en 1895 que l’on trouvera de l’hélium sur Terre, et dans un endroit étrange, soit des minerais radioactifs.

La quasi-totalité de l’hélium actuellement utilisé sur Terre provient de gisements de gaz naturel, où il est piégé lorsqu’il remonte de l’uranium et d’autres minerais radioactifs en décomposition. L’hélium présent dans le Soleil a constitué plus tard une preuve solide de l’existence du Big Bang, au cours duquel les premiers noyaux — de l’hydrogène — ont rapidement subi une fusion nucléaire pour produire de l’hélium. Sa découverte a ouvert la voie à la recherche d’autres nouveaux éléments dans le Soleil.

Un nouveau mystère

Lorsque la spectroscopie s’est développée à la fin du XIXe siècle, un autre mystère est apparu. De nombreux éléments avaient été découverts sur Terre et classés systématiquement par le chimiste russe Dmitri Mendeleïev dans son « tableau périodique ».

Étonnamment, de nombreux éléments ont été détectés dans le spectre solaire, généralement lorsqu’ils ont absorbé des longueurs d’onde précises de la lumière pure provenant des couches profondes du Soleil, en laissant des raies d’absorption. Bien que le Soleil soit principalement composé d’hydrogène et d’hélium, ces éléments ne sont pas très présents dans son spectre.

Cependant, des raies totalement inconnues ont été trouvées dans la couronne. Se basant sur le cas de l’hélium, on a alors pensé que le Soleil devait contenir un élément qui n’avait jamais été observé sur Terre et qu’on a baptisé coronium. Ce n’est que dans les années 1940 qu’on a compris que les émissions provenaient d’éléments connus, notamment le fer. On ne les a pas reconnus initialement parce qu’ils avaient perdu une grande partie des électrons qui entourent normalement leur noyau (26 dans le cas du fer), indiquant des températures extrêmes qui scindent les atomes.

Un fait très étrange est que plus on s’éloigne du Soleil, plus la couronne devient chaude.

un cercle noir entouré d’ondes rouges et vertes
L’éclipse de 2015 représentée dans la lumière émise par le fer hautement ionisé. Le rouge indique une température d’environ un million de degrés Celsius, le vert d’environ deux millions. (SOURCE), CC BY

Vents solaires et météo

À la fin des années 1950, le physicien Eugene Parker a découvert que des températures aussi élevées dans la couronne solaire signifiaient que celle-ci n’était pas statique : elle devait être propulsée dans l’espace. Cette prédiction a été vérifiée par des mesures effectuées par des vaisseaux spatiaux en 1959.

Aujourd’hui, nous savons qu’il existe un vent solaire et que le champ magnétique représenté par les structures coronales est emporté avec lui dans l’espace. Le vent solaire peut transporter de l’énergie jusqu’à la Terre,qui entre dans notre atmosphère lorsque le champ magnétique est opposé à celui de notre planète, provoquant des aurores et des phénomènes météorologiques potentiellement dangereux.

La sonde solaire Parker de la NASA s’approche maintenant des régions intérieures de la couronne, toujours à la recherche des origines exactes du vent solaire. M. Parker, qui est décédé en 2022, a pu voir les premiers résultats de cet engin qui tente de comprendre comment la couronne propulse le vent solaire.

Entretemps, nous aurons la chance, ce 8 avril, d’observer la splendide couronne surchauffée du Soleil.

This article was originally published in English

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