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Des bacs à recyclage contenant du plastique, des cannettes, du verre et du carton
Malgré le battage médiatique autour de l’économie circulaire, les taux de circularité dans le monde sont inférieurs à 8%. Et la tendance est à la baisse. Et si le mouvement coopératif pouvait servir de déclencheur? (Shutterstock)

L'économie circulaire stagne. Et si le modèle coopératif servait d'inspiration ?

Il n’y aura pas de durabilité sans faire de changements dans l’économie.

Voilà pourquoi l’économie circulaire est devenue cruciale, traduisant les objectifs de durabilité pour les entreprises : repenser et réduire la production, réutiliser plus fréquemment les produits, les réparer, recycler, et transformer les déchets. Pourtant, malgré le battage médiatique autour de l’économie circulaire, les taux de circularité dans le monde sont inférieurs à 8 %. Et la tendance est à la baisse.

Alors que les stratégies circulaires sont souvent associées à l’innovation, à l’optimisation des processus et à l’efficacité, on peut se demander si on devrait procéder différemment. Et si l’élément manquant pour la transformation était une organisation plus démocratique de l’économie ?

En tant que chercheur à l’intersection de la durabilité et de la gestion, je m’intéresse particulièrement à la relation entre les questions environnementales et sociales. Non seulement l’économie circulaire, mais aussi la société circulaire.

L’approche réformiste du mouvement coopératif

Les coopératives sont des acteurs économiques qui se distinguent par le principe « une personne, une voix ». Ce n’est plus la propriété du capital qui est déterminante dans les décisions, mais bien les membres.

Le 1er juillet, le mouvement célèbre la Journée internationale des coopératives, avec pour thème leur rôle de « partenaires pour un développement durable accéléré ».

Quel est donc le rôle du modèle coopératif pour la durabilité et la circularité ?

Le mouvement coopératif peut être placé dans une approche réformiste de l’économie circulaire. Les coopératives ont tendance à opérer dans un marché basé sur l’échange, tout en exigeant que les acteurs du marché s’organisent démocratiquement. Dans une coopérative de travail, les travailleurs sont les propriétaires de l’entreprise, dans une coopérative de consommateurs, ce sont les consommateurs, etc.

Par conséquent, nous pouvons nous attendre à ce que les coopératives poussent les processus de démocratisation également dans les économies durables et circulaires. Cela mérite d’être souligné, car les références à la démocratie sont généralement absentes des définitions de l’économie circulaire. Cette démocratie se décline en de nombreuses variantes, mais au cœur de celle-ci se trouve l’échange d’arguments dans le débat public.

Voici donc quatre arguments — abrégés sous l’acronyme M-O-T-S coop — que le modèle coopératif offre pour une transition vers une économie circulaire démocratique et durable :

1) Mutualisation des ressources

Une motivation économique bien connue pour la création d’une coopérative est la mutualisation des ressources en réponse à un besoin partagé.

Historiquement, le mouvement coopératif est né lorsque des employés et des familles menacés par les dynamiques du capitalisme du XIXe siècle ont uni leurs forces pour acheter de la nourriture qu’ils n’auraient pas pu s’offrir individuellement. Au XXIe siècle, on a vu émerger le phénomène des « recuperados », des travailleurs et communautés qui convertissent des entreprises privées que les propriétaires ne jugent plus viables.

Contenant réutilisable de la coopérative Retournzy pour les commandes de nourriture pour apporter dans des restaurants à Montréal. (Retournzy)

Cette motivation socio-économique pour le partage des ressources place la coopérative pleinement, et « avant la lettre », dans celui exigé par l’économie circulaire. Il n’est donc pas surprenant que la mutualisation s’avère être un modèle d’entreprise circulaire clé aux yeux des coopératives.

Un projet du TIESS a établi huit modèles d’affaires des organisations de l’économie sociale dans l’économie circulaire. Par exemple, en réponse aux déchets plastiques produits par les commandes à emporter pendant la pandémie, la coopérative Retournzy, fondée à Montréal, fournit un service qui permet aux restaurants et à leurs clients de commander des plats à emporter en utilisant des contenants réutilisables.

Stratégies d’économie circulaire et modèles d’affaires. Ziegler et al. 2023

2) Organisation démocratique

Il est important que le partage des ressources se fasse entre personnes ayant un statut égal.

Ainsi, le modèle coop introduit un principe démocratique au sein de l’économie. Ce principe crée un véritable levier pour les consommateurs et les travailleurs puisque ces derniers ont le droit de décider des objectifs et des stratégies de gouvernance. Une enquête menée auprès des fédérations des coopératives du Québec montre qu’elles perçoivent la volonté de leurs membres comme le principal levier de la circularité et de la durabilité.

3) Technologie rééquilibrée par rapport à la demande

Le passage à une économie circulaire est aussi un défi technique.

Cependant, l’accent est généralement mis sur l’offre : l’investissement dans des stratégies « high-tech » dans l’espoir qu’elles créeront les solutions techniques qui favoriseront la demande.

Le modèle coop pousse à un choix et à une utilisation de la technologie qui donnent la priorité aux membres plutôt qu’au capital. Par exemple, la coopérative de travail ALTE regroupe des ingénieurs qui, inspirés par le mouvement « low-tech », veulent relocaliser l’économie et favoriser l’autonomie alimentaire et énergétique. Cette perspective renforce la première stratégie circulaire, trop souvent oubliée, qui consiste à repenser la production et la consommation.

4) Sociétés régionales et circulaires

Les coopératives sont des petites et moyennes entreprises (bien qu’il existe également de grandes coopératives, et même des institutions bancaires). Elles sont ancrées dans leur économie régionale et, comme le travail est beaucoup moins flexible que le capital, elles sont là pour rester, avec un sens du lieu et un attachement régional.

La vision des Inuits et les membres des Premières Nations sur la coopération va plus loin vers une réciprocité écologique. Elle considère les animaux, les écosystèmes et la Terre non pas comme des objets, mais plutôt comme des sujets qui partagent les ressources avec nous, et à qui nous devons aussi redonner. La Terre doit être traitée avec respect.

Favoriser le potentiel des coopératives

La contribution des coopératives pour la circularité peut paraître exagérée, car toutes ne sont certainement pas vertes ou circulaires.

Cependant, elles fournissent un potentiel structurel qui rend ce modèle très attrayant pour les économies et sociétés circulaires. Pour favoriser ce potentiel, les coopératives peuvent adopter des stratégies explicites de circularité et de durabilité. Elles doivent utiliser leur voix et leur poids pour le déploiement de politiques sociales et environnementales. Et elles devraient déployer leur principe d’intercoopération — la coopération entre les coopératives —, pour créer des économies circulaires justes et intégrées dans les régions.

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