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Vue de l'Assemblée nationale.
Les retombées de la dissolution de l'Assemblée nationale risquent d’amplifier les réticences des partis politiques à mettre en œuvre la parité. Shutterstock

Législatives anticipées : l’avenir incertain de la parité au sein de l’Assemblée nationale

Les élections législatives à venir sont inédites pour l’objectif de parité entre les femmes et les hommes. Pour la première fois depuis l’adoption de mesures législatives contraignantes, ces élections font suite à une dissolution de l’Assemblée nationale.

Une dissolution implique nécessairement une campagne plus rapide, mais celle-ci sera particulièrement brève du fait du calendrier retenu par l’exécutif : suite à la publication du décret de dissolution le 9 juin 2024, les élections législatives auront lieu le 30 juin et le 7 juillet.

S’il n’est guère nouveau de pointer les faiblesses des dispositifs paritaires, ceux-ci risquent d’être d’autant plus inefficaces qu’ils s’appliquent sur une période réduite et au sein d’un paysage politique marqué par l’incertitude. À ce titre, les retombées de la dissolution risquent notamment d’amplifier les réticences des partis politiques à mettre en œuvre la parité.


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Une révision constitutionnelle oubliée

Le 8 mars dernier, lors des ultimes débats relatifs à l’inscription de l’avortement au sein de la Constitution, la Présidente de l’Assemblée nationale (et première femme à occuper ce poste), Yaël Braun-Pivet déclarait :

« la place des femmes a changé parce que la France a changé, même s’il reste beaucoup à faire pour atteindre la parité vraie ».

Et pour cause, face à elle se dresse l’ensemble des parlementaires, soit 592 hommes et 333 femmes.

Vingt-cinq ans plus tôt, à Versailles déjà, l’ambition d’une démocratie paritaire était institutionnalisée. La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999, avait adossé à la constitution les mots suivants :

« La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. »

Cette phrase s’inscrivait dans un débat de plus de 15 ans et devait marquer le début d’une ère de participation équilibrée pour toutes et tous.

Débat à l’Assemblée nationale sur le projet de révision constitutionnelle sur la parité des hommes et des femmes en politique, le 17 février 1999. INA.

Néanmoins, aujourd’hui, la parité arithmétique reste un lointain horizon puisque les hommes représentent toujours plus de 60 % des députés. Un déséquilibre qui s’explique conjointement par les faiblesses chroniques des dispositifs instaurés pour la parité, mais également par l’absence de volonté de certains partis politiques.

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Des obligations légales limitées pour les législatives

S’intéresser aux obligations relatives à la parité implique de distinguer les différentes élections et surtout, les modalités selon lesquelles elles se déroulent.

Pour les scrutins à listes (les élections européennes, les élections régionales), des dernières doivent alterner entre femmes et hommes, sous peine d’irrecevabilité du dépôt.

En revanche, pour les élections au scrutin uninominal (une personne élue par circonscription), comme les élections législatives à venir, les règles sont plus souples.

Par principe, l’ensemble des partis politiques est également tenu de présenter autant de femmes que d’hommes. Mais si ce n’est pas le cas, le parti en question ne se trouvera pas dans l’obligation de modifier certains de ces candidats. Le non-respect de ces obligations engendre des sanctions financières via la réduction d’une partie de sa subvention étatique.

À l’aune des premiers chiffres publiés, aucun parti n’a présenté autant de candidats que de candidates pour les prochaines élections.

Les partis les plus proches de l’objectif paritaire sont l’extrême gauche, le Rassemblement national et l’Union de la gauche (Nouveau Front populaire) qui dépassent le seuil de 45 % de femmes.

Le montant et la répartition exacts des sanctions ne seront connus qu’à l’issue de l’élection, mais les candidatures laissent apparaître une diminution de la représentation des femmes. 41,1 % des candidats sont des femmes, contre 44,2 % en 2022. Cette régression du nombre de candidates laisse donc présager une augmentation du nombre de sanctions.

Des sanctions financières peu efficaces

Concrètement, l’écart entre le nombre d’hommes et le nombre de femmes présenté par un parti ne peut dépasser 2 % sous peine de voir sa dotation publique diminuer. Depuis la réforme du 4 août 2014, le montant de la sanction est calculé à partir d’une majoration de l’écart entre le nombre de candidats et de candidates à hauteur de 150 %.

Lors des législatives de 2017, seuls deux partis (PCF et EELV) respectaient les exigences relatives à la parité. 5 ans plus tard, en 2022, la tendance semble s’être inversée, cette fois-ci, la majorité des partis s’est conformée aux attentes en matière de mixité.

C’est le parti Les Républicains qui a reçu l’amende la plus importante en 2022, pour un montant de presque 1 800 000 euros. La deuxième place était occupée par La France insoumise (285 candidats pour 262 candidates, pour une pénalité supérieure à 250 000 euros.

Si la quasi-totalité des formations politiques respecte désormais les obligations paritaires, cela ne s’est pas accompagné d’une plus grande efficacité des dispositifs paritaires puisque le nombre de députées a baissé en 2022.

Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale de 2022 jusqu’à la récente dissolution, fût la première femme à occuper ce poste
Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale depuis 2022 jusqu’à la récente dissolution, fût la première femme à occuper ce poste. Shutterstock

Parité des candidatures et parité de l’assemblée

En comparant les deux dernières législatures, on remarque que le nombre de femmes au sein de l’Assemblée a baissé, passant de 39 % en 2017 à 37 % à la suite des législatives de 2022. Ce bilan peut s’expliquer par l’existence de certaines stratégies partisanes qui visent parfois délibérément à limiter le nombre de femmes élues et ce, en toute légalité.

Si les partis sont bien dans l’obligation de tendre vers la parité pour le total des candidatures présentées, ils ne sont en revanche pas tenus de veiller à ce qu’autant de femmes que d’hommes soient élues à l’Assemblée.

En découle des stratégies dites de « l’agneau sacrificiel ». Les politologues Tània Verge et Aurélia Troupel, décrivent une « répartition sexuée des circonscriptions gagnées d’avance » qui « permet aux partis de respecter les dispositions relatives aux quotas tout en réservant aux hommes la majeure partie des postes les plus importants ». Ces stratégies permettent aux formations politiques d’éviter les sanctions financières, sans pour autant s’atteler à une réelle modification de leur personnel politique.

Des candidatures paritaires n’impliquent pas des groupes parlementaires qui le sont également, là réside la véritable faiblesse des dispositifs paritaires en vigueur.

À la suite d’une dissolution, le risque actuel est de voir une généralisation de ces stratégies contre-productives pour la parité face à la rapidité de la campagne et les enjeux capitaux de ces élections pour l’ensemble de l’échiquier politique.

La parité, objectif secondaire dans une campagne expresse

Seulement sept jours se sont écoulés entre l’annonce de la dissolution par le président de la République et la clôture du dépôt des candidatures. Les partis étant préoccupés par la recherche d’alliances politiques et la confection de stratégie électorale commune, il est légitime de craindre que l’objectif d’égalité de la représentation entre les femmes et les hommes soit passé au second plan.

Il est heureusement peu probable que le nombre de femmes à l’Assemblée chute de manière dramatique, notamment parce qu’il existe, dans la majorité des cas, une certaine continuité avec les investitures réalisées à l’occasion des dernières élections législatives.

Concernant la composition politique du Parlement, les prédictions sont forcément volatiles. Néanmoins, si l’on se réfère au respect de la parité au sein des groupes parlementaires de la dernière législature, certains scénarios pourraient engendrer une baisse du nombre de députées, notamment l’instauration d’une majorité reposant sur les partis de droite et d’extrême droite, qui étaient les moins paritaires au sein de l’Assemblée précédente.

Une telle baisse serait évidemment regrettable, mais elle ne serait pas seulement imputable à la dissolution. Celle-ci remet seulement en lumière les failles initiales et jamais corrigées d’un projet paritaire aux fondations délibérément fragiles.

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