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Icônes d'outils numériques
Au-delà des compétences techniques, l'illectronisme traduit un manque de culture numérique. Shutterstock

« L’envers des mots » : Illectronisme

La crise sanitaire du Covid-19 a fait ressortir certaines carences profondes au sein de la société française, mettant particulièrement en avant deux enjeux critiques : les défaillances de notre système de santé et l’exclusion numérique touchant une partie de la population. L’essor sans précédent du télétravail, de l’éducation en ligne et des procédures administratives dématérialisées a mis en évidence l’incapacité de nombreux individus à s’équiper ou à maîtriser les outils numériques nécessaires.

Ce déficit de compétences et d’accès numériques a engendré des disparités dans l’utilisation de services éducatifs, professionnels et essentiels. Certaines familles, en particulier celles issues de milieux défavorisés, ont rencontré des difficultés significatives pour accéder aux ressources éducatives et juridiques en ligne, mettant en lumière l’impératif d’adopter une politique nationale visant à assurer l’inclusion numérique universelle et à pallier cette vulnérabilité spécifique. Cette forme de précarité est connue sous le nom d’illectronisme.


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Ce concept trouve ses racines dans une notion plus ancienne, celle de fracture numérique. Née au début des années 1990, elle se concentrait initialement sur la disparité d’accès aux technologies, soulignant une fragmentation principalement basée sur des critères matériels et géographiques. Toutefois, avec le temps, cette notion s’est enrichie pour englober non seulement l’accès aux outils numériques, mais aussi la capacité à les utiliser efficacement : prendre en main le clavier et la souris, naviguer sur Internet, etc. Cette dimension est devenue centrale dans la compréhension de l’illectronisme.

Aujourd’hui, l’illectronisme englobe un ensemble complexe de difficultés et de carences dans le domaine numérique. Il concerne les situations où les individus font face à des obstacles, non seulement dans l’utilisation des technologies, mais aussi dans leur compréhension de l’architecture globale du système. Cela inclut des défis liés à la manipulation d’interfaces numériques, comme la maîtrise du bureau ou du navigateur.

Au-delà des compétences techniques, ce concept révèle également un manque d’acculturation au référentiel numérique. Cela se traduit par une méconnaissance et une incompréhension des symboles, des codes et des éléments de langage – comme l’icône wifi, le symbole hashtags ou les émoticônes – qui constituent le tissu de la culture numérique. Cette dimension est tout aussi importante, car elle influence la manière dont les individus perçoivent et interagissent avec le monde numérique.


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Cependant, définir l’illectronisme dans sa globalité est complexe. Au vu de la grande diversité des compétences numériques et des inégalités en œuvre dans les usages, cette notion souffre d’un déficit théorique. Le Robert définit l’illectronisme comme l’« état d’une personne qui ne maîtrise pas l’usage des ressources électroniques ». Résumer ce concept en une non-maîtrise des usages électroniques revient à considérer ce problème comme binaire et stipule que les personnes sont, ou ne sont pas, en situation d’illectronisme.

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Dans un contexte de numérisation croissante où les démarches administratives, la recherche d’emploi et l’accès au soin se font de plus en plus en ligne, l’illectronisme soulève des questions cruciales d’inclusion sociale et économique. Son émergence en tant que problème public reflète une prise de conscience collective de son impact sur l’équité et l’accessibilité dans une société toujours plus connectée.


Cet article s’intègre dans la série « L’envers des mots », consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?

De « validisme » à « silencier », de « bifurquer » à « dégenrer », nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public. À découvrir aussi dans cette série :

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