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Les chimères du Président Trump sur le « Buy American ! Hire American ! »

Une cravate paradoxale !

Nous avions alerté en fin d’année 2016 sur le mythe du « Made in France ». Après tout, la tentation française de faire de la marque « France » le salut de notre économie n’est pas nouvelle. Le patriotisme économique est une sorte de tradition locale qu’il faut avant tout analyser comme un syndrome français lié au manque de culture économique de notre pays, à l’esprit cocardier et fier du coq français et à la difficulté à accepter les lois pourtant simples du marché.

Plus surprenant en revanche, que les mêmes arguments infondés soient utilisés aussi de l’autre côté de l’Atlantique par le 45e président de la première puissance économique mondiale.

Un mix patriotisme-protectionnisme

L’option prise par Trump n’est pas nouvelle. L’ex-candidat à l’investiture républicaine puis à la Présidentielle a fait campagne en partie sur un mix de patriotisme et de protectionnisme économiques. Protectionniste car il veut renégocier le traité de libre-échange ALENA entre le Canada, les USA et le Mexique qui datait de 1994. Il veut instaurer une taxe de 35 % à l’importation aux véhicules produits hors USA. L’offensive patriotique du Trump Président commence elle par un Tweet daté du 3 janvier 2017 où il s’en prend à General Motors. Un mode de communication utilisé également pour Ford mais aussi Boeing, Carrier, Lockeed Martin et Walmart. Il menace de représailles toute entreprise américaine voulant investir, délocaliser ou embaucher à l’étranger.

Toujours le même raisonnement : l’emploi et la croissance du pays se porteront d’autant mieux que les entreprises nationales joueront le jeu du local. Les premières réactions paraissent surprenantes : ces entreprises s’exécutent dans un premier temps et GM comme Ford donnent des gages au Président qui célèbre, toujours sur Twitter, ses succès.

Dans une guerre commerciale, tout le monde est perdant

Mais comment un chef d’entreprise comme Donald Trump peut-il proclamer « Buy American ! Hire American » dans son discours d’investiture ? Il veut ainsi en faire un principe de politique économique pour les années à venir ? Seuls des arguments électoraux et populistes peuvent valider ce type de raisonnement, en aucun cas des arguments économiques.

On ne peut que s’inquiéter de la guerre commerciale en représailles qui s’annonce avec notamment la Chine et l’Europe si les USA persistent et signent sur ce credo. Les États-Unis ont certes un déficit commercial structurel mais n’en demeurent pas moins le 2ᵉ exportateur mondial après la Chine. Les quotas, surtaxes et autres droits de douane vont pleuvoir sur les produits américains dans les mois et les années à venir piégeant Trump à son propre jeu. Les GAFA, les NATU, McDo et autre Hollywood (qui font tous plus de chiffres d’affaires hors-USA qu’aux USA) risquent la prise d’otages, à ce jeu trouble, et l’économie américaine n’en sortira qu’affaiblie.

Sur le terrain des investissements directs à l’étranger, qui regroupent les créations de filiales, les prises de contrôle ou les participations significatives, rappelons aussi que si les USA en font beaucoup dans le monde (au grand dam visiblement de Trump), dans le même temps, ils en reçoivent beaucoup. À tel point qu’ils sont le 1er pays du monde en tant que pays d’accueil. Les statistiques de la CNUCED sont formelles, en 2015, les États-Unis ont reçu presque 380 milliards de dollars d’IDE du reste du monde alors qu’ils en ont faits eux-mêmes 300 milliards. C’est donc un excédent de plus 80 milliards très précieux. À titre d’exemple, le Président Hollande, le 16 janvier dernier dans son discours à l’ambassadrice des États-Unis en France a rappelé que 600 000 emplois aux États-Unis sont occupés dans des entreprises françaises implantées dans le pays.

Si chacun reprend chez soi la prospérité créée ailleurs alors un grand bond en arrière nous attend. Faut-il rappeler que l’Histoire des faits économiques fait coïncider les phases de croissance et de développement avec les périodes d’ouverture et de paix ET les phases d’appauvrissement et de stagnation avec celles de repli pouvant aller jusqu’à la guerre ?

Garder son sang-froid devant l’OVNI Trump

Dans la cacophonie politico-médiatique, la grande difficulté pour l’électeur ou le consommateur est de se repérer dans les postures et les messages. Fondamentalement Trump et Montebourg ont le même combat mais ils se défendraient de manière véhémente si on les assimilait. Comment interpréter aussi qu’un économiste comme Joseph Stiglitz, prix Nobel et connu pour ses positions peu favorables à la mondialisation déclare que « la politique économique de Trump soit vouée à l’échec si elle consiste à imposer des taxes à l’importation ». Disant cela, Stiglitz est lucide mais ses arrières-pensées sont évidentes et sa crédibilité en berne car à la limite ce que propose Trump est ce qu’il propose lui-même depuis longtemps.

Au final, il ne s’agit pas de faire des procès d’intention à Trump ni ne contester sa légitimité de Président élu qui est réelle. C’est un OVNI politique qui va réserver bien des surprises –bonnes et/ou mauvaises. Mais le GPS qui doit nous guider n’est pas celui des postures traditionnelles empruntant du « politiquement correct », de l’adhésion sans restriction ou de l’opposition de principe. Qui se souvient en France que Trump en son temps soutenait John Kerry à l’élection présidentielle de 2004 contre le George W Bush honni !

Qui se souvient aussi qu’il avait financé en 2008 la campagne de la candidate aux Primaires du parti Démocrate : une certaine Hillary Clinton qui sera battue par Obama ! Ses allers/retours entre le parti Républicain, le parti Démocrate et le mouvement de Ross Perot ont été nombreux, brouillant les pistes et les repères. Le Trump d’un jour n’est pas le Trump de toujours !

Il faut donc garder en ligne de mire une objectivité factuelle en fonction des sujets. Les lignes politiques sont chahutées car les opposants systématiques à Trump vont devoir rejeter des positions qu’ils soutenaient à l’identique chez d’autres et ceux qui se réjouissent de son succès vont devoir lutter contre les fantômes qui les heurtent. Vigilance, discernement et objectivité seront de rigueur dans les analyses !

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