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Les choix financiers des grandes entreprises sont aussi une question de culture

La culture dans laquelle baigne une entreprise influence ses décisions en matière d’endettement. Joshua Woroniecki / Pixabay, CC BY-SA

Que se passerait-il si toutes les entreprises d’un même secteur prenaient des décisions identiques ? Sans doute que leurs ratios de profitabilité seraient identiques. Et pourtant, bien que soumises à des contraintes semblables, on reste bien loin de l’observer.

Une comparaison entre des géants français et étatsuniens dans les secteurs du pneumatique, des semiconducteurs et de l’hôtellerie en est un exemple criant. On peut, en effet, apercevoir des différences notables.

La variable serait-elle ainsi nationale ? On constate d’ailleurs que les ordres de grandeur des différences bougent peu entre 2017 et 2021, sauf pour l’industrie hôtelière particulièrement affectée par la pandémie liée au coronavirus.

En quoi différeraient, par conséquent, les choix financiers des entreprises en France, États-Unis, Chine, Inde, Japon, Corée du Sud ou au Brésil ? Nos travaux mettent en évidence de multiples liens entre culture nationale et choix financiers d’une entreprise.

Culture et finance

Nombre d’économistes, à l’instar du « Nobel » de 2009, Oliver Williamson, ont mis en évidence un lien fort unissant traditions, normes et valeurs d’une société avec le développement d’un type d’institutions formelles, du système légal ou encore de l’architecture financière d’un pays. Ces institutions contraignent indirectement la vie des entreprises : leur création, leur mode de financement ou encore les relations entre employeurs et employés.

Logiquement, certaines des valeurs de la culture nationale se retrouvent dans le fonctionnement de l’entreprise et dans ce que l’on nomme parfois la « culture d’entreprise ». Et lors du développement à l’international, la culture d’entreprise va se répandre en emmenant ces éléments avec elle.

Reste à savoir cependant ce que l’on entend par « culture ». Dans le champ des sciences sociales, le terme ne reçoit pas moins de 300 définitions. Toutes ont néanmoins en commun la notion de valeurs et croyances partagées par un groupe : « c’est un système de sens collectif partagé par le groupe à travers lequel les valeurs, les croyances, les coutumes et les pensées collectives du groupe sont comprises ».

En finance, beaucoup de travaux s’inspirent de la matrice des dimensions culturelles, imaginée par le psychologue social néerlandais Geert Hofstede à partir de cette définition. À l’échelle d’une nation souveraine, elle est constituée de six curseurs variant entre 0 et 100 : invidualisme-collectivisme, masculinité-féminité, l’aversion à l’incertitude, distance au pouvoir, orientation long terme-court terme et indulgence-retenue.

Qui s’endette sur le long terme ?

En appliquant cette matrice à notre base de données financières de près de 6 000 entreprises provenant de 33 pays, nous avons trouvé des corrélations fortes avec leur structure financière.

Les entreprises issues de pays plus individualistes, moins masculins, moins averses à l’incertitude et plus d’orientation à long terme ont ainsi un ratio dette à long-terme sur capitaux propres plus élevé que la moyenne. C’est le cas des entreprises américaines, anglaises, canadiennes ou australiennes.

Symétriquement, le ratio de dette court-terme sur capitaux propres est, lui, plus élevé pour les entreprises baignant dans une culture moins individualiste, plus averse à l’incertitude et plus orienté court-terme. C’est le cas des entreprises japonaises, sud-coréennes, taiwanaises ou des pays nordiques européens.

Malgré la mondialisation croissante du commerce, les valeurs de la culture nationale se trouvent ainsi transposées dans la gestion financière des entreprises. Le choix d’une structure financière, qui s’avère fondamental pour évaluer la santé financière d’une entreprise car il a des effets sur son coût de financement externe, reste fortement influencé par les valeurs de la culture nationale du pays d’origine de l’entreprise.

C’est là un message qui s’adresse aux analystes, aux investisseurs et aux créanciers : il semble essentiel pour mieux comprendre les choix financiers des firmes, de mieux comparer leurs ratios financiers en tenant compte des valeurs de la culture nationale.

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