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Vue en plongée de gratte-ciel et d'arbres à feuilles caduques s'élevant vers un ciel bleu parsemé de nuages blancs.
Pour que les approches des entreprises en matière de développement durable fonctionnent réellement, elles doivent être sincères et authentiques. (Shutterstock)

Les entreprises peuvent-elles atteindre une véritable durabilité ?

Il est rare qu’une journée passe sans que l’on entende parler de la fragilité de nos écosystèmes naturels et des répercussions que l’activité économique linéaire a sur eux.

Cet état de fait n’est pas récent – il perdure au moins depuis que le club de Rome nous a mis en garde, dès 1972, qu’une croissance économique infinie et un développement démographique rapide sont incompatibles avec la vie sur Terre.

La situation actuelle est, sans équivoque, alarmante. Malgré de nombreuses conférences historiques et d’innombrables promesses visant à rendre l’activité économique plus compatible avec les capacités de notre planète, les progrès environnementaux des trois dernières décennies ne permettent pas de pallier les défis posés par le dérèglement climatique.

Alors que l’action climatique s’est surtout concentrée sur les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, nous commençons enfin à prendre conscience de l’impact des activités humaines et industrielles sur la perte de biodiversité.

L’érosion de la biodiversité exacerbe le changement climatique en inhibant la capacité de la Terre à se protéger et à se régénérer. Les services que nous rend la biodiversité sont innombrables. La nature n’a pas besoin de nous, mais nous avons besoin d’elle.

Nous croyons qu’un changement de paradigme est possible et qu’une partie de ce changement impliquera l’intégration d’une véritable approche de la durabilité dans les organisations. Mais pour que cette approche fonctionne, il faut qu’elle soit à la fois vraie et authentique.

Un rapport historique

Allen White, cofondateur de la Global Reporting Initiative, a décrit le rapport Authentic Sustainability Assessment des Nations unies comme un véritable « moment Brundtland », en référence au rapport historique de 1987 sur le développement durable.

White soutient que les historiens se souviendront de cette publication dans dix ans comme d’un grand moment historique dans la trajectoire du développement durable. De nombreux autres dirigeants et experts de l’écosystème du développement durable s’accordent sur l’importance et la pertinence de ce rapport.

Un papillon monarque, aux ailes orange et aux veines noires, déploie ses ailes sur la tige d’une plante
La perte de biodiversité exacerbe le changement climatique en inhibant la capacité de la Terre à se protéger et à se régénérer. LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson

Publié en novembre 2022, ce rapport constitue le premier guide complet sur l’utilisation des limites planétaires comme point de référence dans la reddition de comptes des entreprises en matière de développement durable. Les limites planétaires fixent les frontières à l’intérieur desquelles l’humanité peut se développer et vivre en toute sécurité, sans épuiser les ressources de la Terre.

Ce rapport est l’aboutissement de plus de quatre années de recherche, de consultation et de plaidoyer en faveur d’une nouvelle génération d’outils de responsabilisation. Il s’agit, dans sa forme la plus simple, d’un engagement à faire entrer l’évaluation de la durabilité organisationnelle dans une nouvelle ère d’authenticité.

En filigrane, le rapport soutient que les pratiques des entreprises actuelles sont inauthentiques et insuffisantes pour parvenir à une véritable durabilité.

Indicateurs de durabilité

Le concept d’indicateurs de performance en matière de développement durable (IPDD) est au cœur du rapport Authentic Sustainability Assessment. Ces indicateurs mesurent les performances en matière de développement durable des entreprises, des organisations à but non lucratif et d’autres organisations économiques en utilisant une approche nouvelle et améliorée.

Ces indicateurs s’éloignent de l’ancienne approche de divulgation qui repose sur l’idée d’extraire des ressources infinies d’une planète finie (postulat d’un modèle économique linéaire). Les rapports qui reprennent cette approche désuète comprennent la Global Reporting Initiative, le Sustainability Accounting Standards Board et le plus récent International Sustainability Standards Board.

La nouvelle approche des IPDD interroge les conditions sous-jacentes qui compromettent le développement durable. Pour ce faire, les IPDD proposent de respecter les limites planétaires de façon holistique, qu’elles soient sociales, économiques ou environnementales.

La divulgation conventionnelle consiste à comparer des organisations similaires du même secteur ou de la même zone géographique et à divulguer ses « bonnes » performances par rapport aux années précédentes.

Les IPDD, quant à eux, comparent les entreprises à un seuil de durabilité scientifiquement établi et basé sur le contexte.

Seuils de durabilité

La performance d’une organisation en matière de durabilité s’exprime en termes d’impact de l’organisation sur des actifs vitaux, tels que les limites planétaires et les seuils sociaux, par rapport aux normes de durabilité. Cela garantit le bien-être de toutes les parties prenantes, humaines et naturelles, qui contribuent à l’équilibre social, économique et environnemental.

Une foule de personnes en costume regarde un grand écran sur lequel est inscrit l’indice composite S&P TSX
Les marchés boursiers demandent de plus en plus aux entreprises cotées en bourse de divulguer leurs performances en matière de développement durable ». LA PRESSE CANADIENNE/Tijana Martin

Selon le rapport, c’est seulement en comparant les impacts réels aux impacts normatifs que l’on peut évaluer la véritable durabilité.

Prenons l’exemple de l’eau, une denrée de plus en plus rare. Une organisation qui réduit sa consommation d’eau de 35 % ou qui est la plus économe en eau par rapport à ses concurrents ne nous dit rien sur la durabilité de cette consommation d’eau.

Une organisation peut être la meilleure de son secteur en matière d’économie d’eau et pourtant avoir des résultats médiocres en matière de durabilité. La durabilité ne se mesure pas à l’effort, mais à la capacité des écosystèmes – comme les limites planétaires, la pollution et la biodiversité.

Les IPDD recommandent plutôt de comparer la consommation d’eau à la capacité des écosystèmes et aux besoins réels en eau des espèces vivantes. C’est précisément cet équilibre entre la consommation réelle et la disponibilité des ressources, à la lumière de la capacité des écosystèmes, qui déterminera la véritable durabilité d’une organisation.

Vers une véritable durabilité

Au fil du temps, les entreprises seront de plus en plus tenues de divulguer leur impact sur le développement durable. Ce sera le cas pour les grandes entreprises européennes à partir de 2024, à la suite de l’adoption de la directive Corporate Sustainability Reporting.

Les marchés boursiers évoluent également dans cette direction, obligeant les entreprises cotées en bourse à divulguer leurs performances en matière de développement durable aux États-Unis et au Canada.

L’adoption généralisée et concertée des IPDD dans le monde peut, dans le cadre de cette dynamique croissante de divulgation des performances en matière de développement durable, favoriser un développement durable authentique à la hauteur des défis à relever.

Nous devons être collectivement ambitieux et tirer parti de la pertinence et de l’originalité de ces nouveaux indicateurs, qui pavent une nouvelle voie vers la réalisation d’une durabilité authentique.


Ghani Kolli, associé chez Credo Impact, a co-écrit cet article.

This article was originally published in English

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