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Oiseau ouvrant le bec, assis sur une brindille.
Le gobemouche européen semble avoir une prédisposition génétique à apprendre certains chants. Anton MirMar/Shutterstock

Les gènes façonnent le chant des oiseaux, même lorsque ceux-ci grandissent loin de chez eux

Avec l’arrivée du printemps, un rituel éternel recommence : les oiseaux mâles remplissent l’air de chants, cherchant à attirer des partenaires et à défendre leur territoire dans une compétition avec les autres mâles en compétition.

Mais il y a beaucoup de choses que nous ne comprenons pas encore sur la façon dont les oiseaux apprennent quels sons chanter. Notre dernière étude offre de nouvelles perspectives et suggère que les gènes pourraient jouer un rôle plus important que les scientifiques ne le pensaient.

Chez près de la moitié des espèces d’oiseaux du monde, les jeunes oiseaux apprennent à chanter en imitant les adultes. Lorsqu’ils apprennent ainsi les uns des autres, des erreurs se produisent inévitablement, ce qui entraîne une variation des chants entre les populations d’une même espèce, similaire à la formation de dialectes dans les langues humaines.

Les oiseaux femelles préfèrent généralement les mâles qui chantent des chansons typiques de la population locale, car cela peut montrer qu’ils sont bien adaptés à l’environnement proche. En outre, les chants sont essentiels à la défense du territoire. Les oiseaux mâles qui chantent des chants étrangers luttent souvent pour conserver leur territoire face aux concurrents locaux. Ce rôle potentiel de barrière sociale et reproductive est la raison pour laquelle il existe une hypothèse de longue date selon laquelle les différences de chant peuvent conduire à la formation d’une nouvelle espèce.

Toutefois, les scientifiques ne comprennent pas encore parfaitement ce qu’il advient de ces différences de chant lorsque les oiseaux se déplacent d’une population à l’autre. Imaginez que vous êtes un oiseau autochtone et qu’un nouveau venu arrive en chantant une chanson étrangère. Qu’est-ce qui vous empêche d’apprendre ce nouveau chant ? Si un nombre suffisant d’oiseaux d’une région apprennent les chants des nouveaux arrivants, les différences de chant entre les populations, et donc la barrière reproductive, pourraient s’effacer.

Mais les oiseaux ont tendance à n’apprendre que les chants de leur propre espèce, même lorsqu’ils sont exposés aux chants d’autres espèces. Cela suggère que les oiseaux ont des prédispositions génétiques qui les incitent à n’apprendre que les chants « pertinents ». Jusqu’à présent, il n’a été démontré que ces prédispositions génétiques limitent uniquement l’apprentissage de chants d’espèces différentes.

Cela soulève une possibilité intéressante. Ces prédispositions génétiques pourraient-elles également limiter l’apprentissage du chant au sein d’une même espèce – et pourraient-elles expliquer pourquoi certaines différences de chant se maintiennent entre différentes populations d’une même espèce ?

Il existe quelques études en laboratoire qui ont exploré cette idée. Mais elle a rarement été testée dans la nature, où les oiseaux sont exposés à des chants de populations et d’espèces différentes. C’est pourquoi nous avons voulu voir si ces résultats de laboratoire se vérifieraient si nous faisions le test sur le terrain.

En pleine nature

Au printemps 2017-2019, nous avons transféré des œufs de gobemouches noirs (un petit oiseau migrateur qui se reproduit largement en Europe) de leurs nids aux Pays-Bas vers une population en Suède. Nous avons soigneusement transporté ces œufs jusqu’à leur nouveau domicile, où ils ont été placés dans des nids et finalement élevés par des parents originaires de Suède. En hiver, ces oiseaux transférés ont pris leur envol et ont entrepris le long voyage vers leurs aires d’hivernage en Afrique, en même temps que leurs homologues néerlandais et suédois. Au retour du printemps, ils sont retournés en Suède, maintenant adultes, avec des chants complètement formés, prêts à trouver des partenaires potentiels.

Petit oiseau noir et blanc assis sur une brindille
Un gobemouche mâle, peut-être à la recherche d’un partenaire. Jesus Giraldo Gutierrez/Shutterstock

Nous avons enregistré les chants de ces oiseaux et les avons comparés aux chants de l’environnement suédois où ils ont été élevés. Nous les avons également comparés aux chants de leur population d’origine aux Pays-Bas. Dans l’ensemble, les chants des mâles transférés ressemblaient aux chants de la population suédoise.

Cela n’a pas été pas une surprise, car nous savons que l’apprentissage social joue un rôle crucial dans le développement du chant chez les gobemouches. Cependant, nous avons découvert que les mâles transférés n’apprenaient pas n’importe quel élément de chant de la population suédoise – ils apprenaient les éléments les plus similaires à ceux des chants de leur population néerlandaise d’origine. Cela signifie que leurs chants ne chevauchaient pas complètement les chants suédois, mais ressemblaient à la fois aux chants suédois et néerlandais. Cela suggère que les mâles déplacés sont génétiquement prédisposés à apprendre les chansons issues de leur population néerlandaise.

Ces résultats montrent comment les différences génétiques au sein d’une espèce peuvent entraîner des changements culturels. Nous pensons qu’à mesure que les chants continuent de diverger entre ces deux populations, les prédispositions génétiques devraient également devenir plus distinctes. En fin de compte, les oiseaux de la population locale pourraient ne pas reconnaître les immigrants d’autres populations comme faisant partie de leur propre espèce, car les variations régionales tendent à devenir plus prononcées au fil du temps. Cette coévolution entre les gènes et les chants peut réduire la probabilité que des oiseaux de populations différentes s’accouplent entre eux, entraînant ainsi la formation de nouvelles espèces.

This article was originally published in English

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