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« Contributions nationales »

Le champ d’éoliennes d’Adama, en Éthiopie. Ce pays s’est engagé à réduire de 64 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. La contribution nationale la plus ambitieuse. Tiksa Negeri/Reuters

Depuis l’adoption du plan d’action de Bali en 2007, un vaste processus a été initié pour élaborer une « vision commune » de l’action internationale en matière de climat et permettre une application « intégrale, effective et continue » de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Cette vision partagée par l’ensemble des membres de la Conférence des Parties (COP) doit permettre de parvenir à réduire sensiblement les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2050, et à les plafonner.

Il s’avère cependant, qu’au fil des différentes COP qui se sont tenues depuis celle de Bali, la « vision commune » recherchée met beaucoup de temps à se concrétiser. Les Parties à la CCNUCC s’efforcent de la concevoir et de l’articuler autour de quatre blocs de négociation : des actions d’atténuation ; l’adaptation aux effets négatifs du changement climatique ; le développement et les transferts technologiques ; les financements nécessaires aux actions en matière d’atténuation et d’adaptation. Chronologiquement, elles ont d’abord opté pour une approche « top-down » (« descendante ») avec le Protocole de Kyoto de 1997, puis une approche « bottom-up » (« ascendante ») dans l’Accord de Copenhague, en 2009. Ayant en ligne de mire pour la COP21 de Paris, l’adoption d’un accord commençant à s’appliquer en 2020, la Conférence de Lima de la fin 2014 a alors invité les Parties à transmettre leurs « contributions prévues déterminées au niveau national » (CPDN ou INDCs pour Intended nationnaly determined contributions).

Kyoto, l’échec des engagements contraignants

Le Protocole de Kyoto a innové à deux égards : sur le plan économique, il a introduit des instruments de flexibilité ; sur le plan juridique, il impose aux pays de l’Annexe I de la CCNUCC – les pays industrialisés – des engagements juridiquement contraignants (legally binding) d’émissions de GES. Ces pays doivent réduire leurs émissions globales des six principaux GES d’une moyenne de 5,2 %, par rapport à l’année de référence 1990, pour la première période d’engagement qui s’étend de 2008 à 2012. Cet objectif global de réduction, qui concerne donc uniquement les pays industrialisés, se décline de manière différenciée : - 8 % pour l’UE 15, - 7 % pour les États-Unis, - 6 % pour le Japon ou le Canada, + 1 % pour la Norvège, ou encore + 8 % pour l’Australie.

Ce partage du fardeau mondial s’explique par une « filiation » avec le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, et à l’appréhension du changement climatique comme un problème de pollution. Les exigences prescriptives du Protocole de Kyoto, ses contraintes, sont à l’origine d’une désaffection à son égard et du « retrait » de certains États membres, comme le Canada. En dépit de l’accord trouvé par les Parties sur une deuxième période d’engagement courant jusqu’en 2020, le Protocole de Kyoto ne couvre qu’environ 13 % des émissions mondiales de GES, ce qui constitue un échec pour les partisans d’une gouvernance « contraignante ».

Copenhague, un revirement salutaire ?

La déclaration politique adoptée lors de la Conférence de Copenhague en 2009 a posé les principes d’une gouvernance bottom-up, instaurant une nouvelle logique dans la lutte contre le changement climatique. Respectueuse de la souveraineté des États, elle ne leur impose pas d’objectifs déterminés, mais parie sur des engagements volontaires suffisamment ambitieux de leur part, pour assurer le respect de l’objectif mondial de 2° C maximum de réchauffement fixé par l’Accord de Copenhague.

Cet accord « libre-service » (voir Le climat, à quel prix ?, de C. De Perthuis et R. Trotignon, p. 80) permet seulement d’agréger les efforts volontaires des États, cette approche étant forcément moins commune (et non contraignante) et davantage nationale, même si les pays émergents ont pour la première fois adopté des actions nationales de réduction à caractère volontaire (Nationnaly Appropriate Mitigation Actions, NAMA). On est cependant en droit de se demander si ces accords volontaires permettront de respecter le seuil de 2° C et les promesses faites par les États, car l’approche bottom-up se double d’une logique dite « pledge and review », littéralement « promesses et vérifications », préconisée par les États-Unis et imposant peu de contraintes.

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Lima, l’émergence des contributions nationales

Dans le prolongement de cette approche, l’Appel de Lima en faveur de l’action climatique de fin 2014 a invité l’ensemble des Parties à faire part de leur CPDN dès le 1er trimestre 2015. Ces contributions nationales comportent des objectifs en matière d’atténuation et/ou d’adaptation, et doivent représenter une avancée allant au-delà de l’engagement actuel de l’État. Les pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires en développement (PEID) ne sont pas tenus de présenter un objectif de réduction, mais peuvent simplement transmettre leur stratégie de prise en compte du changement climatique. Le secrétariat de la CCNUCC a élaboré pour le 1er novembre 2015 une synthèse des CPDN : 146 Parties ont remis avant la date butoir du 1er octobre leur contribution avec leur niveau d’effort, ce qui couvre au total 86 % des émissions mondiales de GES. Le nombre de Parties est actuellement de 155.

Ce processus des CPDN a restauré un peu de confiance entre les Parties et permet certainement une approche internationale plus inclusive et rassembleuse. Basé sur le volontarisme, il est beaucoup plus respectueux des souverainetés étatiques. L’accord attendu à la COP21 à Paris sera négocié sur la base de ces CPDN, le terme « engagement » ayant été considéré comme trop contraignant par certains États. Cette décentralisation du processus de négociation n’est-elle pas synonyme d’un amalgame de politiques nationales empêchant de déboucher sur un accord climatique ambitieux ? La CCNUCC ne s’est-elle pas transformée en une chambre d’enregistrement des promesses d’efforts nationaux ? Ce qui est certain, c’est que cette accrétion de CPDN est l’une des clés d’adoption d’un accord à la COP21. Le mécanisme des CPDN ne garantit pourtant pas la justice climatique et, pour l’instant, il conduit à un réchauffement climatique de l’ordre de 2,7-3 °C selon les estimations !

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