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Simulation de fusion de trous noirs. LAL Virgo, Author provided

Les ondes gravitationnelles : l’aventure continue

Alors que de nouvelles ondes gravitationnelles ont été détectées issues de la fusion de deux trous noirs, revenons aux premières découvertes.


Le 11 février 2016, les collaborations LIGO et VIRGO annonçaient la toute première détection d’une onde gravitationnelle (détectée en septembre 2015). En juin, une deuxième annonce confirmait la sensibilité du détecteur LIGO. Ainsi, les équipes de recherche des membres de l’Université Paris-Saclay ont participé au développement d’une nouvelle astronomie.

Une onde gravitationnelle est une perturbation de l’espace-temps qui se propage à la vitesse de la lumière. En effet, d’après la théorie de la relativité générale d’Einstein, tout objet massif déforme l’espace-temps autour de lui. Quand cet objet est en mouvement accéléré, ces déformations se propagent, un peu comme des vagues à la surface de l’eau.

Fusion de trous noirs

De nombreux phénomènes astrophysiques très énergétiques génèrent de telles ondes gravitationnelles. Un instrument terrestre, comme LIGO ou VIRGO, peut détecter les ondes générées par de grandes masses en mouvement, comme l’effondrement d’étoiles massives ou la fusion d’étoiles compactes (étoiles à neutrons, trous noirs, etc.) Par exemple, les deux détections déjà confirmées correspondent à la fusion de deux trous noirs.

Vue aérienne du détecteur Virgo. The Virgo collaboration/Wikipedia

Les premières ondes gravitationnelles découvertes proviennent de trous noirs. Elles ont été repérées grâce à une méthode de calque : les scientifiques cherchaient un signal avec une forme précise. Les ondes générées par la lente danse des deux trous noirs l’un autour de l’autre ont été modélisées de façon analytique, tout comme le comportement du trou noir final issu de la fusion des deux trous noirs d’origine.

La forme de l’onde générée par la fusion elle-même a été prédite grâce à des simulations numériques complexes. Les trois signaux ont ensuite été assemblés pour former un calque qui a servi à analyser les données des détecteurs. Pour des étoiles à neutrons, objets plus complexes qu’un trou noir puisque ce dernier ne contient pas de matière, les prédictions concernant la fusion proprement dite sont plus difficiles. Les calques ne concernent donc que la partie (résolue analytiquement) de la longue spirale des deux étoiles l’une vers l’autre. Il faudra donc être capable de repérer l’inattendu pour la partie correspondant à la fusion.

Des masses surprenantes

En plus de confirmer l’existence des ondes gravitationnelles, la découverte annoncée en février était étonnante car les trous noirs qui ont fusionné possédaient une masse bien plus importante que ce que l’on attendait. Nos modèles prédisaient l’existence de trous noirs de 10 à 20 masses solaires. Cette première observation directe de trous noirs révélait des objets de 29 et 36 masses solaires, fusionnant pour donner un trou noir de plus de 60 masses solaires ! Comme la fusion de trous noirs n’est pas observable avec les messagers habituellement utilisés en astronomie, aucune n’avait pu être observée jusque-là. Ces masses surprenantes remettent donc en question les modèles que nous avions pour décrire un trou noir.

La deuxième détection était également issue de la fusion de deux trous noirs. Au Laboratoire de l’Accélérateur linéaire membre de la collaboration VIRGO, nous espérons aussi repérer d’autres sources qui dévoileraient une physique plus riche. Quatre groupes travaillent actuellement à l’analyse des données de LIGO : ceux qui étudient les « binaires » (trous noirs, étoiles à neutrons) ont vu leurs vœux exaucés l’an dernier mais d’autres chercheurs travaillent sur les signaux « burst » (des supernovae aux… cordes cosmiques) qui sont encore mal prédits, sur les « fonds stochastiques » d’origine cosmologique ou astrophysique, ou encore sur les signaux périodiques (pulsars).

Une nouvelle astronomie

Les trous noirs, sans matière, sont en effet les sources d’ondes gravitationnelles les plus « simples ». Les autres sources produisent des signaux optiques, radio ou électromagnétiques ou des neutrinos, en plus des ondes gravitationnelles. Une extraordinaire astronomie « multi-messagers » se met ainsi en place : pour un même objet observé, des informations complémentaires peuvent nous parvenir par des canaux différents. Une supernova pourra ainsi être détectée d’abord par les ondes gravitationnelles puis les neutrinos avant le flash lumineux.

Jusqu’ici, seul ce dernier était repérable : il nous signalait l’événement bien trop tard pour avoir accès à l’ensemble du processus et aux informations qui pourraient être révélées par les ondes gravitationnelles.

Chaque signal demande une analyse différente et une utilisation particulière des données recueillies par les détecteurs. Ceux-ci seront par exemple sensibles seulement aux supernovae issues de notre propre galaxie (un à deux sont prévues par siècle !), alors que les binaires de trous noirs, plus énergétiques, seront visibles plus loin. À plein régime sur LIGO et VIRGO, on vise jusqu’à plusieurs dizaines de détections d’ondes gravitationnelles par an et jusqu’à des distances dépassant le gigaparsec (l’univers observable a un diamètre d’environ 28.5 gigaparsecs).

Pièces optiques

Le LAL est par ailleurs très impliqué dans le développement de l’instrumentation utilisée par VIRGO, notamment dans le contrôle du détecteur. Cet instrument est très sensible aux bruits sismiques, à l’agitation thermique, etc. Le contrôle des pièces optiques est donc très complexe et doit être très précis. Nous développons aussi des méthodes d’optimisation pour améliorer la sensibilité du détecteur. Il y aussi de nombreux bruits possibles qu’il faut caractériser pour les repérer (certains miment par exemple des supernovae !) et chercher à éliminer. Pour nous aider dans ces tâches, nous avons un prototype à disposition, une sorte de mini-VIRGO.

Instrumentation du détecteur Advanced Virgo (CALVA). calvaoptics/LAL, Author provided

Le « vrai » VIRGO est en ce moment en fin de travaux de mise à niveau. Cet « Advanced VIRGO » devrait être prêt bientôt. Puisque LIGO sera encore en fonctionnement sans doute jusqu’à fin août, les collaborations disposeront alors de 3 détecteurs qui pourront travailler main dans la main pour mieux reconstruire les signaux reçus et préciser la position des sources de ces signaux dans le ciel. Au LAL, nous rêvons de faire aussi bien que LIGO en repérant une fusion de trous noirs puis de détecter de nouveaux types de sources pour la première fois !

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