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Cette structure de rochers et sédiments, notamment leur inclinaison, permet de mieux comprendre l’histoire du delta Jezero, sur la planète Mars. Les contrastes ont été amplifiés. NASA/JPL-Caltech/ASU/MSSS

Les premiers succès de Perseverance sur Mars : il y aurait bien eu un lac dans le cratère Jezero

Depuis que le rover Perseverance s’est posé dans le cratère Jezero de Mars le 18 février 2021, il est déjà entré dans l’histoire.

À l’heure actuelle, Mars et la Terre se trouvent de part et d’autre du Soleil, et les deux planètes ne peuvent pas communiquer entre elles. Après avoir travaillé sans relâche pendant les 216 derniers jours martiens, les équipes scientifiques font leur première vraie pause depuis le début de la mission. Nous sommes deux membres de l’équipe Perseverance et, alors que le rover se terre pour ces 20 jours de « conjonction », c’est le moment idéal pour nous pour prendre un peu de recul et réfléchir aux succès de la mission.

Perseverance a testé toutes ses capacités techniques, parcouru 2,6 kilomètres sur un terrain accidenté et pris plus de 80 000 photos avec ses 19 caméras. Parmi tous ces succès, il y a trois étapes majeures qui nous enthousiasment particulièrement : la collecte des premiers échantillons de carottes de roche, le vol de l’hélicoptère Ingenuity et la publication de nos premiers résultats scientifiques sur le delta du cratère Jezero, qui concluent que le delta avançait dans un ancien lac dont la profondeur a varié avec le temps.

Préparer le retour d’échantillons

L’un des principaux objectifs de Perseverance est d’utiliser son système de prélèvement d’échantillons pour extraire de petites carottes de roche – de la taille d’un feutre – et les enfermer dans des tubes à prélèvements étanches. Une mission ultérieure les récupérera et les ramènera sur Terre, lors d’un long voyage interplanétaire.

Une roche sur une surface brun rougeâtre avec un trou circulaire percé sur le dessus
Perseverance a réussi à prélever deux échantillons de roches martiennes en y forant des carottes, et à les mettre dans des tubes étanches. Ici, le trou de la première tentative… infructueuse. NASA/JPL-Caltech

Pour la première tentative de forage de Perserverance en août, notre équipe a choisi une belle roche plate, facile d’accès avec la foreuse. Après six jours d’évaluation du substrat rocheux et de forage, nous étions ravis de voir un trou dans le sol et d’avoir la confirmation que le tube d’échantillonnage avait été scellé avec succès. Cependant, le lendemain, le rover a envoyé des photos de l’intérieur du tube, et nous avons constaté qu’il était en fait… vide. Une partie de l’atmosphère de Mars est piégée à l’intérieur et sera utile à étudier, mais ce n’est pas ce que nous espérions. Nous en avons conclu que la roche elle-même était beaucoup plus tendre que prévu et qu’elle a été complètement pulvérisée pendant le forage.


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Trois semaines et 550 mètres plus tard, Perseverance est passé à côté de roches d’aspect prometteur, dépassant de la surface rouge et suggérant que les roches étaient plus dures et donc plus faciles à prélever. Cette fois-ci, Perseverance a réussi à extraire et à stocker deux carottes de cette roche grisâtre polie par le vent.

Après en avoir prélevé quelques dizaines d’autres, Perseverance déposera les échantillons à un endroit sûr et facilement accessible de la surface de Mars. La mission Mars Sample Return de la NASA, en cours de développement, récupérera les tubes d’échantillons à la fin des années 2020 et les ramènera sur Terre.

Perseverance prend un selfie le 10 septembre 2021 devant « Rochette » : la roche dont il a prélevé deux carottes qu’il a placées dans des tubes à échantillons. NASA/JPL-Caltech/MSSS

Mais les scientifiques n’auront pas à attendre aussi longtemps pour en savoir plus. Sur les deux sites, Persévérance a utilisé ses spectromètres SHERLOC et PIXL pour mesurer la composition des roches. Nous avons trouvé des minéraux cristallins qui suggèrent que les roches se sont formées dans une coulée de lave basaltique, ainsi que des minéraux salins qui pourraient être des preuves d’anciennes eaux souterraines.

Premiers vols dans l’atmosphère d’une autre planète

Perseverance est peut-être loin de la Terre, mais elle a un acolyte : c’est l’hélicoptère Ingenuity, qui s’est détaché de Perseverance peu après l’atterrissage et qui est devenu le premier engin à voler dans l’atmosphère d’une autre planète.

Le premier vol d’Ingenuity, ici en vidéo, a montré que l’hélicoptère pouvait bien voler dans l’atmosphère de Mars. Crédit : NASA/JPL-Caltech.

Ingenuity fonctionne à l’énergie solaire, pèse 1,8 kg et son corps principal a à peu près la taille d’un pamplemousse. Le 19 avril 2021, l’hélicoptère a effectué son premier vol, planant à 3 mètres du sol pendant 39 secondes avant de redescendre directement. Ce court saut a montré que ses longues pales pouvaient générer une portance suffisante pour permettre le vol dans l’air raréfié de Mars.

Les vols suivants ont permis de tester la capacité de l’hélicoptère à se déplacer horizontalement, couvrant à chaque fois de plus grandes distances, pour un maximum de 625 mètres à ce jour.

Ingenuity a maintenant volé 13 fois et a pris des photos détaillées du sol pour repérer le terrain accidenté devant Perseverance. Ces images aident l’équipe à décider comment contourner les obstacles sur le chemin vers la destination finale du rover, un grand delta dans le cratère Jezero.

Confirmer l’existence passée d’un lac dans le cratère Jezero

La NASA a choisi le cratère Jezero comme site d’atterrissage de Perseverance spécifiquement parce qu’il permet au rover d’accéder à un grand empilement de roches situé à l’extrémité d’une vallée fluviale asséchée. D’après les images satellites, les scientifiques pensent que ces rochers sont constitués de sédiments déposés par une ancienne rivière qui s’est jetée dans un lac il y a environ 3,5 milliards d’années. Si cela est vrai, cet endroit aurait pu être un environnement favorable pour l’apparition et/ou le développement de la vie sur Mars.


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Cependant, la résolution des données satellitaires n’est pas assez élevée pour dire avec certitude si les sédiments se sont déposés lentement dans un lac de longue durée ou si la structure s’est formée dans des conditions plus sèches. La seule façon de le savoir avec certitude était d’aller prendre des images de la surface de Mars.

Une image satellite montrant une formation rocheuse en forme de delta à la surface de Mars
Ce delta dans le cratère Jezero, vu ici par satellite, est l’endroit où Perseverance collectera la majorité de ses échantillons. ESA/DLR/FU-Berlin

Perseverance a atterri environ 2 kilomètres des falaises à l’avant du delta. Nous faisons toutes deux partie de l’équipe chargée de l’instrument Mastcam-Z, un ensemble de caméras dotées de zooms qui nous permettraient de voir un trombone de l’autre côté d’un terrain de football. Au cours des premières semaines de la mission, nous avons utilisé Mastcam-Z pour observer les roches lointaines. À partir de ces vues panoramiques, nous avons sélectionné des endroits spécifiques à examiner plus en détail avec la SuperCam du rover, une caméra télescopique franco-américaine.


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Lorsque les images sont revenues sur Terre, nous avons vu des couches de sédiments inclinées dans les parties inférieures des falaises de 80 mètres de haut. Vers le sommet, nous avons repéré des blocs rocheux, dont certains mesuraient jusqu’à 1,5 mètre de diamètre.

À partir de la structure de ces formations, notre équipe a pu reconstruire une histoire géologique vieille de plusieurs milliards d’années, que nous avons publiée dans la revue Science le 7 octobre 2021.

Pendant longtemps – potentiellement des millions d’années – une rivière a coulé dans un lac qui remplissait le cratère Jezero. Cette rivière a lentement déposé les couches inclinées de sédiments que nous voyons dans les falaises du delta. Plus tard, la rivière s’est asséchée, à l’exception de quelques grandes inondations. Ces événements avaient suffisamment d’énergie pour transporter de gros rochers dans le chenal de la rivière et les déposer sur les sédiments plus anciens ; ce sont ces rochers que nous voyons aujourd’hui au sommet des falaises.

Depuis lors, le climat est aride et les vents ont lentement érodé la roche.

La confirmation de l’existence passée d’un lac dans le cratère Jezero est le premier résultat scientifique majeur de la mission. Au cours de l’année à venir, Perseverance se rendra jusqu’au sommet du delta, étudiant les couches rocheuses dans des détails microscopiques et collectant de nombreux échantillons. Lorsque ces échantillons parviendront sur Terre, nous saurons s’ils contiennent des signes de vie microbienne qui aurait pu prospérer dans cet ancien lac martien.

This article was originally published in English

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