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Les turbulences aériennes sont-elles dangereuses et peuvent-elles provoquer le crash d’un avion ?

Si vous avez déjà pris l’avion, il y a des chances que vous ayez subi, sous une forme quelconque, des turbulences aériennes. Pour ceux d’entre nous qui ne voyagent pas fréquemment, ce phénomène peut nous alarmer et nous stresser, mais une chose est sûre : pour les pilotes et l’équipage qui subissent ces turbulences quotidiennement, ce n’est qu’une routine. Normalement, vous allez entendre ce message : retournez à votre place et bouclez votre ceinture. Car le risque le plus important, c’est qu’un passager se blesse à cause des secousses de l’avion.

Mais est-ce toujours aussi banal ? Début mai, plus de 30 passagers d’un appareil Ethiad A 330-200 ont été blessés par de « sévères » turbulences au-dessus de l’Indonésie. L’avion a atterri sans problème, mais des conditions analogues peuvent-elles provoquer un accident plus grave – ou même aller jusqu’à détruire un avion ?

Les turbulences de l’avion au-dessus de l’Indonésie.

En fait, les appareils sont conçus pour affronter une remarquable accumulation de tensions et d’épreuves. Une marge de sécurité importante est prise en compte dès leur fabrication pour que même de très sévères turbulences n’excèdent pas les limites de sa conception industrielle. Par exemple, le niveau de remous susceptibles de courber la structure d’une aile est quelque chose que la presque totalité des pilotes n’aura pas à connaître tout au long d’une vie passée à voler.

Car on a prévu que les ailes supporteraient un poids d’une fois et demie plus important, en moyennne, que celui enregistré réellement dans un vol. Cela signifie que les extrémités de l’aile pendant les essais sont infléchies jusqu’à 90 degrés. Ce fléchissement et la courbure de l’aile en vol sont pris en compte dans la conception, car une aile très rigide se briserait beaucoup plus facilement. Les gratte-ciel sont conçus de la même façon, pour osciller un peu, ce qui, en réalité, les rend bien plus solides.

La turbulence, c’est quoi ?

Selon la définition la plus simple, la turbulence est un remous de l’air, qui n’est pas sans rappeler le mouvement des vagues et des courants maritimes. Si aucun obstacle ne s’oppose à l’assaut d’une vague montante, elle se déroulera en douceur. Mais si elle heurte, disons une digue, elle va se fracasser et vous pourrez la voir se disloquer. Comme l’air circule aussi bien au-dessous de structures matérielles que des reliefs naturels comme les montagnes, son flux est perturbé et provoque des turbulences au-dessus et tout autour de ces obstacles. Si donc, vous décollez d’un aéroport à proximité d’une chaîne montagneuse ou d’un terrain très vallonné, vous pouvez plus vraisemblablement ressentir ce genre de turbulence pendant le décollage et, rapidement, peu après.

À des altitudes plus importantes, la turbulence est plus sûrement provoquée par des conditions météorologiques : elles créent des différentiels de pression qui, là encore, perturbent le flux de l’air. Le mot « trou d’air » est souvent utilisé en guise d’explication aux passagers mais, en réalité, il ne s’agit pas de cela : en fait, l’avion suit la trajectoire des turbulences, lesquelles peuvent ou monter, ou descendre, ou se déplacer latéralement. Cela provoque souvent une brusque chute d’altitude que vous ressentez en étant soulevé de votre siège. De même lors d’une montée ascensionnelle qui vous colle à votre siège. Assis à l’intérieur de la cabine, vous ressentez ces mouvements de façon amplifiée et vous pourrez croire que l’avion a bougé bien plus qu’il ne l’a fait en réalité.

La turbulence est généralement décrite en utilisant des expressions qualitatives comme « légère », « modérée », « sévère » et « extrême ». Lors d’occasions tout à fait extraordinaires et dans certains scénarios, cela peut conduire à des accidents, mais il faut noter que ces conditions sont très rares. Une méthode souvent utilisée pour analyser les accidents aéronautiques s’appelle le « modèle du fromage suisse ».

Le modèle du fromage suisse expliqué simplement.

Dans le modèle du fromage suisse simplifié, des tranches dudit fromage sont empilées les unes au-dessus des autres, représentant une structure défensive mise en place pour prévenir un accident. Mais elles comportent aussi des trous qui figurent les faiblesses dans le système défensif. Et, quand ces trous s’alignent, c’est l’accident. Ainsi, l’accident risque-t-il de se produire quand les trous sont alignés, mais également lorsqu’il manque une tranche entière (pas de défense mise en place). Quand nous utilisons ce modèle pour voir comment les turbulences ont provoqué le crash d’un avion, nous pouvons constater l’existence de trous manifestes ou de tranches manquantes.

Quand les choses tournent mal

Malheureusement, l’erreur humaine conjuguée à la turbulence peut conduire à des accidents mortels. En 1966, un Boeing 707 a succombé à des turbulences quand le pilote s’est écarté de son plan de vol, en quittant Tokyo, pour montrer le mont Fuji à ses passagers. Le vent qui soufflait sur la montagne à 140 kilomètres à l’heure a mis la queue de l’appareil en pièces et l’avion s’est crashé tuant tout le monde à bord.

Pour que ce genre de turbulences ne provoque plus d’accidents, c’est la procédure routinière du plan de vol qui constitue l’une des tranches de notre « fromage suisse ». Les pilotes sont entraînés à comprendre les dangers et les origines des turbulences, de même que les itinéraires aériens sont planifiés pour minimiser les risques. En modifiant son plan de vol pendant le trajet, le commandant de bord a supprimé, en fait, l’une des tranches du « fromage suisse », celle qui diminue le risque encouru en volant dans les turbulences et en exposant son avion à tous les risques.

Trop de trous et vous risquez l’accident. Shutterstock

Dans le cas du mont Fuji, une seconde tranche de « fromage suisse » présentait, elle aussi, un trou, à savoir la conception de l’appareil qui présentait des limites au stress et des faiblesses reconnues. Le compte rendu de l’accident l’a décrit ainsi : « L’appareil a rencontré soudainement, au-dessus de Gotemba, une turbulence d’une sévérité inhabituelle infligeant une charge de rafales considérablement plus importante que ne pouvait le supporter la conception de l’appareil. » (Notez que les aéronefs modernes bénéficient de normes de résistance plus importantes face aux tensions et aux pressions. Et donc qu’aujourd’hui, dans le même cas de figure, vraisemblablement, l’avion ne se serait pas crashé.)

Les pilotes ont tendance à rendre compte des épisodes de turbulence et, parfois, demandent à l’avance si l’un d’entre eux a eu lieu. Cela peut commencer très vite, c’est pourquoi on vous conseille de garder vos ceintures pendant le vol. Mais soyez tranquilles, les avions modernes sont extrêmement solides et ont été conçus pour supporter des turbulences sévères – même si ça ne vous empêchera pas toutefois de renverser votre verre.

This article was originally published in English

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