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Falaises dans de la glace ancienne sur Mars
Falaises dans de la glace ancienne sur Mars. (NASA)

L’exploitation minière dans l’espace n’est pas de la science-fiction, et le Canada pourrait y occuper une place de choix

En cette époque de crise climatique, l’exploitation minière spatiale est de plus en plus d’actualité. La nécessité d’avoir une économie carboneutre requiert une augmentation de l’offre de ressources naturelles non renouvelables, telles que les métaux dont on se sert pour fabriquer des batteries.

Cela constitue la toile de fond d’une nouvelle course à l’espace mettant en scène des nations et le secteur privé.

Le Canada est un pays qui mène des activités spatiales, un chef de file dans l’exploitation minière et un acteur important de l’économie mondiale du carbone. Il se trouve bien placé pour participer activement au domaine émergent des ressources spatiales.

Cependant, les questions qui se posent dans ce domaine dépassent le cadre du Canada, puisqu’elles concernent l’avenir de l’humanité, sur Terre et dans l’espace.

Une fusée décolle de sa base
Une fusée Atlas V de United Launch Alliance décolle de la base de lancement de Cap Canaveral en juillet, en Floride. La mission a envoyé un rover sur Mars pour y chercher des signes de vie et explorer la géologie de la planète. (AP Photo/John Raoux)

Forte demande de métaux pour batteries

Sur Terre, les mesures de lutte contre le réchauffement climatique comprennent le passage à une économie carboneutre grâce au développement de parcs de véhicules électriques et à des investissements dans des infrastructures de production d’énergie renouvelable à grande échelle. Pour y parvenir, il faut de grandes quantités de métaux pour batteries (lithium, cobalt, nickel), de minéraux essentiels (cuivre) et de terres rares, à tel point que des analystes des marchés ont mis en garde contre un éventuel super-cycle des métaux. Dans un super-cycle, la demande dépasse largement l’offre, ce qui cause une flambée des prix.

C’est pourquoi l’industrie minière cherche activement de nouvelles possibilités d’exploitation minière. On parle notamment d’économie circulaire (recyclage et gestion améliorée des déchets miniers), d’exploitation minière en eaux profondes ainsi que dans l’espace. Cette dernière offre des possibilités de grandes retombées, tout en engendrant d’importants défis.

Surface de la planète Mars
Photo de la surface de Mars prise lors de la mission du rover Persévérance. (NASA)

Un défi de taille est l’absence d’un cadre réglementaire cohérent pour régir l’exploitation minière dans l’espace. Si le traité sur l’espace de 1967 a été signé par toutes les puissances spatiales et est largement considéré comme le document constitutionnel du droit de l’espace extra-atmosphérique, il présente des lacunes en ce qui a trait à son interprétation.

Le texte stipule qu’aucune nation ne peut s’approprier un corps céleste (comme la Lune), mais il ne parle pas de la possibilité d’en posséder les ressources dérivées.

Les avocats sur Terre qui se penchent sur des projets d’exploitation minière dans l’espace sont appelés à en examiner quatre aspects : la sécurité d’occupation, le régime fiscal, la bancabilité des projets et leur faisabilité. Décortiquons-les.

1. Sécurité d’occupation

Dans le domaine minier, la sécurité d’occupation signifie avoir des droits sûrs et stables tout au long du cycle d’exploitation. Le traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 n’est pas clair sur la question de la propriété des ressources extraites, et les interprétations varient.

Jusqu’à présent, le Luxembourg et les États-Unis ont adopté une législation qui permet de revendiquer des ressources extraites, apportant ainsi la sécurité d’occupation aux sociétés minières spatiales basées dans ces juridictions.

2. Régime fiscal

Cette question fait référence au paiement de taxes, de redevances ou autres. C’est ici que le traité sur la Lune de 1979 entre en jeu. Seules deux puissances spatiales l’ont signé : l’Inde et l’Australie.

Le rôle que le traité sur la Lune devrait jouer dans le droit de l’espace ne fait pas l’unanimité. Certains affirment qu’il ne concerne pas les pays non-signataires ; d’autres suggèrent l’existence de parallèles avec la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS). Les deux textes font référence au « patrimoine commun de l’humanité ».

UNCLOS a créé un organisme international de réglementation, l’Autorité internationale des fonds marins, chargée d’accorder des licences d’exploitation minière en eaux profondes sur la base du paiement de redevances. Ces redevances doivent ensuite être réparties équitablement entre toutes les nations de la planète. Certains plaident pour qu’un système similaire s’applique à l’espace extra-atmosphérique.

3. Bancabilité du projet

Le troisième point, la bancabilité du projet, concerne sa capacité à attirer du financement.

Cela sera déterminé en bonne partie par les deux points précédents : la sécurité d’occupation et le régime fiscal applicable, démontrant une fois de plus la nécessité de s’entendre sur un cadre juridique clair avant de se lancer dans l’action.

4. Faisabilité du projet

Ce dernier point comporte plusieurs facettes. La faisabilité technique fait actuellement l’objet d’une grande attention, car de nombreux travaux de recherche et développement sont consacrés à la robotique avancée et aux systèmes automatisés qui seraient nécessaires aux opérations d’exploitation minière dans l’espace.

Les progrès réalisés à ce jour comprennent la découverte de cristaux d’eau sur la Lune et sur Mars, ainsi que la capacité d’utiliser la technologie d’impression 3D dans l’espace à des fins de fabrication. Ces percées rendent plus envisageable l’exploitation minière dans l’espace.

Les deux personnes les plus riches du monde étant désormais engagées dans la course à l’espace – Jeff Bezos avec Blue Originet Elon Musk avec SpaceX –, nous pouvons nous attendre à une grande accélération technologique.

Jeff Bezos se tient devant une toile de fond étoilée
Jeff Bezos dans le cadre du dévoilement de l’atterrisseur lunaire Blue Moon de Blue Origin en mai 2019, à Washington. (AP Photo/Patrick Semansky)

Lafaisabilité économiquesuppose que l’exploitation minière de l’espace soit rentable. La pénurie imminente de ressources naturelles non renouvelables associée aux progrès technologiques et à la richesse minérale époustouflante que recèle un seul astéroïde pourrait bien rendre la chose possible.

Utilisation pacifique de l’espace

Un autre aspect justifie la nécessité de conclure des accords internationaux et de coopérer dans le domaine de l’espace : l’utilisation pacifique de l’espace, conformément au traité sur l’espace.

En octobre 2020, huit pays ont signé les accords Artemis, une ententepilotée par la NASA. Parmi les pays signataires, on trouve les États-Unis, le Canada, l’Australie et le Luxembourg. La Russie et la Chine, qui ont depuis choisi de collaborer entre elles sur des projets spatiaux, figurent parmi les absents notables.

Les questions juridiques relatives à la propriété des ressources spatiales doivent être traitées de toute urgence afin d’éviter des guerres spatiales pour les ressources naturelles entre des superpuissances comme les États-Unis, la Russie et la Chine. Cela inclut le statut juridique des accords d’Artémis. Idéalement, l’on devrait régler la question avant de se lancer dans l’exploitation minière de l’espace.

Enfin, l’exploitation minière de l’espace soulève certaines questions éthiques, comme celle de savoir si l’on devrait considérer la Lune comme une personne morale, si cette activité va entraîner une nouvelle forme de colonisation et comment elle pourrait mieux servir le bien commun de l’humanité.

This article was originally published in English

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