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Une femme enveloppée dans un drapeau bleu et jaune crie dans un mégaphone. D'autres personnes tenant des panneaux bleus et jaunes se tiennent devant elle.
Une femme enveloppée d'un drapeau ukrainien crie dans un mégaphone lors d'une manifestation devant la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas, en mars 2022. (AP Photo/Phil Nijhuis)

L’inculpation de Poutine par la Cour pénale internationale est symbolique. Mais les symboles ont aussi leur importance

La Cour pénale internationale (CPI) a délivré un mandat d’arrêt à l’encontre du président russe Vladimir Poutine. L’Ukraine et ses partisans réclament l’inculpation de Poutine depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022.

Néanmoins, le fait que la CPI, organe judiciaire permanent chargé d’enquêter, de poursuivre et de juger les personnes accusées de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, ait délivré les charges est surprenant.

Les charges sont toutefois nettement moins graves que ce que l’Ukraine et ses partisans réclamaient. Poutine n’est pas accusé de crime d’agression, entre autres, mais plutôt de déportation illégale d’enfants et d’autres civils de l’Ukraine vers la Russie.

Presque immédiatement après l’annonce du mandat d’arrêt, deux camps ont émergé. Le premier souligne l’importance de la décision. Elle signifie qu’ultimement, Vladimir Poutine a et aura des comptes à rendre et que le monde observe ce qui se passe en Ukraine.

Le second camp fait valoir le fait que Poutine ne sera probablement jamais traduit en justice.

Les deux camps ont à la fois tort et raison. Il est en effet très peu probable que Poutine soit un jour jugé par un tribunal. Mais il est faux d’affirmer que cet acte symbolique n’a aucune valeur.

Les actions symboliques peuvent avoir un effet profond sur les États. Cela est vrai non seulement pour l’État ou l’individu directement concerné — dans ce cas, la Russie et Poutine — mais aussi bien au-delà de leurs frontières.

Une semaine d’actions symboliques

La décision de la CPI comporte deux niveaux de symbolisme. Le premier est son impact immédiat sur l’Ukraine elle-même.

Alors que les deux parties se préparent à d’intenses combats au printemps, selon de nombreux analystes, les actes symboliques peuvent avoir une influence sur le moral, tant positivement que négativement. La décision de la CPI aura très certainement un impact positif sur le moral des Ukrainiens et de leurs partisans.

Par coïncidence, la décision de la CPI est intervenue quelques jours après que la Chine a annoncé que Xi Jinping se rendrait à Moscou pour la première fois depuis le début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

La visite du président chinois, qui débute aujourd’hui au Kremlin, est une grande victoire pour la Russie, car elle contribue à dissiper les affirmations des États-Unis et de leurs alliés selon lesquelles le pays est isolé. La décision de la CPI équilibre ainsi le bilan en termes d’actes symboliques. Bien que la décision ait été prise indépendamment de la visite de Xi, elle intervient à un moment crucial.

Deux hommes sont assis devant une rangée de drapeaux rouges et apparaissent sur un écran
Sur cette photo publiée par l’agence de presse Xinhua, le président chinois Xi Jinping (à droite) et le président russe Vladimir Poutine apparaissent à l’écran lors d’une réunion par liaison vidéo à Pékin en décembre 2022. (Yue Yuewei/Xinhua via AP)

Mais cette décision demeure symbolique, au-delà de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

Les universitaires et les politiciens ont remis en question ces dernières années la détermination et la capacité d’agir de la CPI.

Bien qu’elle ait poursuivi plusieurs criminels de guerre au cours de la dernière décennie, les inculpations ont généralement lieu longtemps après les événements en question. Le fait que la CPI ait réussi à engager des poursuites pendant un conflit en cours témoigne de la volonté de l’organisation d’agir.

La CPI et les États-Unis

La CPI, comme la plupart des organisations internationales, n’est efficace que si les nations la prennent au sérieux. Peu après le début de la guerre, 39 États ont fait pression pour que la Cour enquête sur les crimes de guerre en Ukraine.

Presque tous ces États étaient des alliés de l’Ukraine et des États-Unis.

Les relations entre les États-Unis et la CPI ont été, au mieux, irrégulières. Les États-Unis n’ont pas entériné le Statut de Rome, le document fondateur de la CPI. Les relations entre les États-Unis et la CPI ont par ailleurs connu un début difficile, en raison du désir de certains groupes de voir les Américains et les Britanniques tenus responsables de leurs actions lors de l’invasion de l’Irak.

Toutefois, même pendant ces périodes, le gouvernement américain a soutenu les inculpations pour crimes de guerre qui ne menaçaient pas ses intérêts, voire les faisaient progresser.

Les relations se sont améliorées ces dernières années. D’abord sous l’ancien président Barack Obama, puis — après un intermède de quatre ans — à nouveau avec le président Joe Biden, les États-Unis ont collaboré activement avec la CPI.

Bien que ces derniers aient quelques réserves à son égard, en particulier sa position sur Israël, ils travaillent avec elle lorsque leurs intérêts concordent.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en est certainement un exemple, même si le Pentagone a été accusé de ne pas partager ses renseignements avec la CPI.

Il est peu probable que la CPI, les États-Unis et leurs partisans traduisent Poutine en justice. Les capacités militaires stratégiques des forces armées russes rendent une telle tâche pratiquement impossible. Elles peuvent toutefois signaler au monde que de telles actions ont des conséquences.

Des bougies portant l’inscription Putin come out sur une grande pelouse devant un palais de justice en pierre
Des bougies sont plantées dans l’herbe avec l’inscription Putin Come Out devant la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas, en mars 2022. (AP Photo/Phil Nijhuis)

Hypocrisie ou réalité ?

D’autres conflits sont en cours dans le monde, notamment au Yémen et au Nigeria, où des crimes similaires à ceux reprochés à Poutine ont été commis.

Les dirigeants de ces pays sont beaucoup plus vulnérables aux pressions extérieures que Vladimir Poutine. Contrairement à la Russie, la plupart des autres États ne disposent pas d’armes nucléaires et d’autres armes stratégiques qui leur permettent d’ignorer les pressions extérieures. Compte tenu de l’incapacité de la communauté internationale à exercer des pressions sur ces pays, la position ferme de la CPI à l’égard de Poutine semble hypocrite.

Les critiques soulignent que cette hypocrisie illustre la faiblesse de l’organisation. Étant donné que la CPI doit conserver le soutien de pays puissants comme les États-Unis, ses choix sélectifs sont, et resteront, une caractéristique de l’organisation.

L’inculpation de Poutine n’aura donc qu’un impact direct minime sur lui, mais elle offrira un certain réconfort aux Ukrainiens dans leur lutte contre les Russes.

Elle indique également que malgré la visite de Xi en Russie, l’influence des États-Unis et de leurs alliés dans les relations internationales reste forte – même si elle est appliquée de manière sélective.

This article was originally published in English

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